Le candidat à l'embauche

Le candidat à l’embauche peut-il mentir ?

Par Maître Timothée HENRY, Avocat Associé CAPSTAN Avocats, Spécialiste en droit du travail

Un candidat qui communique, lors d’un entretien d’embauche, des renseignements erronés concernant ses diplômes peut :
- soit voir son contrat de travail annulé s’il a commis des manœuvres frauduleuses, constitutives d’un dol (sur le fondement de l’article 1137 nouveau du code civil), c’est-à-dire destinées à tromper le consentement de l’employeur ;
- soit être licencié s’il s’avère finalement qu’il n’a "pas les compétences effectives pour exercer les fonctions pour lesquelles il a été recruté" (Cass. Soc., 30 mars 1999, n° 96-42912).

Ainsi, dans les deux cas, la Cour de cassation considère que le seul mensonge sur les diplômes ne constitue pas, en soi, un motif de rupture du contrat de travail suite à la découverte de la réalité et ce, alors même que l’article 1226-1 du Code du travail met à la charge du candidat une
obligation de répondre de bonne foi aux demandes d’informations de l’employeur.

Selon la Cour, il est avant tout de la responsabilité de l’employeur de se renseigner sur les diplômes du candidat, au besoin en exigeant leur production.

À défaut, l’employeur commet lui-même une faute qui l’empêche alors de sanctionner le candidat devenu salarié, pourtant également fautif (Cass. Soc., 30 mai 1991, n° 88-42029).
En matière de recrutement, l’employeur est confronté à de nombreuses interdictions puisqu’il ne doit pas rechercher des informations sur l’état de
santé du candidat (antécédents médicaux, état de grossesse), sur ses convictions religieuses, politiques ou syndicales, etc., mais seulement des informations présentant "un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles" (Article L. 1226-1 du Code du travail).

À l’inverse, il est fortement incité à vérifier que le candidat est effectivement titulaire du diplôme qu’il prétend détenir. Il s’agit même ici plus d’un devoir que d’une possibilité. Sinon, dans l’hypothèse où l’employeur découvre après
l’embauche que le candidat lui a menti sur ce point, il devra mettre en évidence son "insuffisance professionnelle" ou ses "manœuvres frauduleuses" sans lesquelles il n’aurait pas consenti au contrat de travail.

Cependant, qu’en est-il alors lorsqu’un texte subordonne l’exercice d’une activité à la détention d’un diplôme ?

L’employeur peut-il rompre le contrat même si le salarié donne satisfaction dans le poste qu’il occupe et qu’il a menti lors de son embauche sans véritablement commettre de manœuvres frauduleuses ?
Cette question s’est posée à un pharmacien, titulaire de l’officine, qui découvre que la salariée embauchée à durée
déterminée pour assurer son remplacement ne possédait pas le titre de pharmacien dont elle s’était pourtant prévalue tout en donnant sciemment des informations erronées.
Le pharmacien a demandé en justice la nullité du contrat de travail au motif que la détention du diplôme de pharmacien constitue l’une des conditions prescrites par les dispositions d’ordre public sanitaire pour effectuer un remplacement temporaire (Article R. 4235-15 du Code de la santé
publique).
De façon surprenante, la Cour de cassation a considéré que le pharmacien ne pouvait se prévaloir de sa propre négligence pour invoquer la nullité du contrat de travail, après avoir relevé que le pharmacien n’avait effectivement pas vérifié que la remplaçante était diplômée et inscrite au tableau de l’ordre des pharmaciens.
Le pharmacien a donc été débouté de sa demande et le contrat de la salariée n’a pas été annulé (Cass. Soc., 9 juin 2017, n° 16-15244).

Ainsi, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, le comportement fautif d’un salarié, même avéré et non contesté, peut ne pas être sanctionné si l’employeur n’a pas été lui-même particulièrement exemplaire.

Photo de Une : L’employeur doit vérifier que le candidat est effectivement titulaire du diplôme qu’il prétend détenir. DR

deconnecte