La dangereuse roulette

La dangereuse roulette russe

Au moins sommes-nous sûrs maintenant de la parfaite détestation que Vladimir Poutine nourrit à notre endroit. S’il en restait, les derniers doutes furent levés à l’occasion de son récent discours « à la nation », lorsqu’il a une nouvelle fois brandi la menace d’utiliser l’arme nucléaire si la Russie se trouvait «  menacée  ». Menacée par qui, au fait ? Par une Europe « agressive », « dégénérée », «  pédophile » et pleine de nazis comme on l’entend à Moscou ? Soyons sérieux : ce n’est tout de même pas l’Ukraine qui a déclenché les hostilités il y a deux ans en envahissant son voisin... Si les soldats de Volodymyr Zelensky ont réussi à couler des bateaux, à descendre des drones et des avions, à détruire des chars russes, c’était évidemment dans le cadre d’une légitime défense largement proportionnée aux attaques subies.
Ce discours belliciste du patron du Kremlin trouve sa justification dans les élections présidentielles à venir, encore que Poutine n’a pas grand chose à craindre de ses opposants, soit empêchés de se présenter pour d’obscures raisons « administratives  », soit ramenés à la raison par des vacances offertes dans une prison glaciale, soit encore décédés...
Pour lui, il est nécessaire de présenter à son opinion (ou ce qu’il en reste) l’entrée dans l’Otan de la Finlande et de la Suède comme une tentative d’encerclement de la Russie plutôt que comme une conséquence de la peur, pas vraiment irrationnelle, de l’ours qui pourrait réserver à ces pays nordiques le même sort qu’à l’Ukraine. Sa harangue à la nation avait donc surtout une vocation « interne », celle de faire de Poutine une sorte de bon petit père du peuple, de l’installer comme un grand protecteur de la Russie puisqu’il paraît que celle-ci est entourée de méchants et d’affreux. Si Moscou avait écouté les conseils de modération de la communauté internationale il y a deux ans en laissant ses troupes à la maison, la Suède serait restée neutre et la Finlande aussi, comme c’était le cas depuis 80 ans.
C’est donc un pompier pyromane qui a jeté ces pays dans les bras de l’Otan. Aujourd’hui, l’Ukraine, la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie veulent aussi rejoindre l’Alliance atlantique pour se garantir de ne pas être croquées par leur voisin. Si Emmanuel Macron répète à l’envi que «  la Russie ne doit pas gagner la guerre », le nouveau tsar sait qu’il ne doit pas la perdre puisqu’elle constitue son assurance de se maintenir au pouvoir. Car la Russie est encore loin d’avoir rejoint les standards européens en matière de qualité de vie. Mieux vaut, pour lui, que les Russes soient davantage préoccupés par le front ukrainien que par leur pouvoir d’achat...
Ses réflexes d’ancien officier du KGB le conduisent à maintenir sa population sous un éteignoir politique. Encore qu’une petite flamme d’opposition vacille toujours sous ce vent mauvais avec tous ces Moscovites ayant bravé le Kremlin en se rendant aux obsèques de Navalny.
La Russie, qui ne peut déjà venir à bout de la « modeste  » mais valeureuse Ukraine, sait qu’elle ne peut engager de conflit conventionnel avec les alliés de l’Otan, d’où le risque d’une escalade vers le nucléaire.
Depuis la crise des missiles à Cuba en 1962, on n’a jamais vécu une période aussi dangereuse pour la planète.

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