A travail égal, augmentati

A travail égal, augmentation égale ?

Le principe jurisprudentiel « A travail égal, salaire égal » est bien connu et les gestionnaires du personnel et DRH sont sensibilisés aujourd’hui à la nécessité de respecter ce principe et à mettre un soin particulier à répertorier les éléments de nature à justifier toute différence de traitement entre salariés. En effet, nonobstant le principe, il est admis aujourd’hui que rien n’interdit une individualisation des rémunérations entre salariés placés dans une situation identique, sous réserve que l’employeur soit en mesure de justifier des raisons objectives et pertinentes justifiant cette différence de traitement.

Naturellement, il appartiendra à l’employeur de faire la démonstration que la différence de traitement constatée repose sur de tels éléments, faute de quoi, une régularisation salariale s’imposera au profit du salarié le moins bien rémunéré. Un arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation vient confirmer l’application de ce dispositif en matière d’augmentation de salaire (Cass. Soc. 15 mai 2015 n° 13-13967).

Que faut-il entendre par situation identique ?

En premier lieu il faut rappeler que le principe ne trouve à s’appliquer qu’aux salariés d’une même entreprise. La règle ne s’applique donc pas à des salariés d’entreprises distinctes, même si elles appartiennent à un même groupe.
En second lieu, il faut que la comparaison s’opère entre salariés exerçant un même travail ou un travail de valeur égale, c’est-à-dire nécessitant un ensemble comparable, de connaissances professionnelles consacrées par un titre ou un diplôme, de capacités découlant de l’expérience, de responsabilités et de charges physique ou nerveuse.

Quels sont les éléments de rémunération concernés ?

Le principe d’égalité s’applique au salaire de base (salaire fixe) mais aussi aux rémunérations variables ainsi qu’aux avantages en nature ou en espèces. En réalité, tous les éléments de rémunérations, directs et indirects, sont concernés par le principe, y compris à l’occasion du versement d’une prime exceptionnelle discrétionnaire versée à l’initiative du seul employeur.

Quels sont les éléments objectifs et pertinents susceptibles d’être retenus ?

Sans que cette liste soit exhaustive, il est admis qu’une différence d’ancienneté, d’expérience, de qualification et/ou de responsabilités, de formation ou de diplômes détenus pour l’exercice des fonctions exercées, constituent des éléments objectifs et pertinents susceptibles de justifier une différence de rémunération entre salariés placés dans une situation identique.

En outre, il faut rappeler que suite à un important arrêt rendu le 27 janvier 2015 les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs sont présumées justifiées.

Une extension de ce principe aux augmentations individuelles de salaires ?

La presse généraliste a présenté l’arrêt du 20 mai 2015 précité comme un arrêt novateur étendant l’application du principe « A travail égal, salaire égal » aux augmentations individuelles de salaires.

En réalité, il ne s’agit que d’une confirmation. En effet, il a déjà été jugé que le refus d’un salarié d’effectuer des déplacements nécessitant un hébergement extérieur constituait une cause objective et pertinente du refus de l’employeur de lui accorder les augmentations individuelles de salaire accordées à ses trois autres collègues (Cass. soc. 15 septembre 2010 n° 08-45.058).

Dans son arrêt du 20 mai 2015, la Cour de Cassation confirme cette jurisprudence.
La situation vise une salariée sollicitant un rappel de salaires au titre de la méconnaissance du principe d’égalité de traitement par rapport à ses collègues bénéficiant d’une rémunération variable plus importante qu’elle et ayant bénéficié d’augmentations de leurs rémunérations de base, contrairement à elle.
Pour justifier cette différence de traitement, l’employeur invoquait exclusivement les meilleures performances des autres salariés et la Cour d’Appel avait estimé que l’employeur pouvait justifier la différence de rémunération individuelle par le niveau des performances atteint.

La Cour de Cassation rejette cette analyse, en considérant qu’il aurait dû être fait état d’éléments « objectifs et pertinents » permettant de justifier la différence de traitement. L’un des moyens du pourvoi de la salariée soulignait (et l’analyse semble avoir été retenue) que l’employeur ne pouvait invoquer le seul niveau des performances atteint pour justifier à la fois une différence de rémunération variable et une différence de rémunération de base.

Il en résulte que l’employeur doit justifier des différences de traitement y compris en cas d’augmentation différenciée entre salariés et qu’il ne peut se contenter d’évoquer les meilleures performances constatées.

Une fois encore, même si naturellement le principe d’égalité de traitement ne peut sérieusement être contesté, au lieu de simplifier les relations sociales dans l’entreprise on continue d’assister à une complexification croissante, source d’incertitude et de litiges. Malheur aux entreprises dont la taille ne leur permet pas d’avoir recours à un DRH à même de traiter ce type de problème ou qui ne prennent pas l’initiative, en temps et en heures, de se rapprocher de leur conseil !

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