Abandon de déchets : (...)

Abandon de déchets : quelle responsabilité pour les propriétaires ?

Deux récents arrêts du Conseil d’Etat sont venus préciser les conditions dans lesquelles des propriétaires pouvaient se voir imposer par le maire des mesures d’élimination des déchets issus d’activités industrielles, entreposés sur leurs terrains.

Pourquoi rechercher les propriétaires ?

L’élimination des déchets générés par les activités industrielles incombe normalement aux exploitants de ces activités, sous le contrôle du préfet, au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement.

Afin de pallier les cas de disparition juridique ou de liquidation des exploitants, la pratique à amené les maires, en leur qualité d’autorité de « police des déchets », à imposer ces mesures aux propriétaires des sites concernés (pour autant, bien entendu, que ces derniers soient distincts des exploitants). Pour ce faire, les maires se sont appuyés sur les dispositions du Code de l’environnement, selon lesquelles l’élimination des déchets incombe non seulement au « producteur » mais aussi au « détenteur » des déchets, notion à première vue plus malléable.

Etre propriétaire d’un terrain sur lequel sont entreposés des déchets, est-ce nécessairement être « détenteur » de ces déchets ?

Non. Et c’est pour éviter cette assimilation que le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, ont fixé une règle claire en la matière : pour être considéré comme « détenteur », le propriétaire doit avoir eu un comportement répréhensible : avoir été négligent ou complaisant vis-à-vis d’abandons effectués sur son terrain.

Comment caractériser la négligence ou la complaisance du propriétaire ?

Cela ne peut se faire que par le biais d’une analyse au cas par cas. Le simple fait de donner un terrain à bail pour l’exercice d’une activité industrielle ne suffit pas.

Dans une affaire, la négligence a pu être caractérisée par le fait, d’une part, que le propriétaire était lui-même le précédent exploitant et avait donc contribué à la production des déchets et, d’autre part, qu’il avait laissé la situation environnementale du site s’aggraver après la liquidation de la société locataire.

Le propriétaire négligent ou complaisant doit-il donc, en quelque sorte, être considéré comme « co-responsable » de l’élimination des déchets ?

Pas tout à fait. C’est précisément là tout l’intérêt des arrêts rendus par le Conseil d’Etat, le 3 mars dernier : même négligent ou complaisant, le propriétaire d’un terrain sur lequel ont été entreposés des déchets ne peut être actionné qu’à titre subsidiaire, c’est-à-dire si aucune autre personne connue et solvable ne peut être recherchée en qualité de productrice ou de détentrice des déchets.

Dans la première affaire, les juges ont ainsi considéré qu’un ancien exploitant ne pouvait reprocher au maire de lui imposer (et non au propriétaire) des mesures d’élimination de déchets sur un terrain qui ne lui appartenait plus. Dans la seconde, il a été jugé qu’un maire ne pouvait imposer de telles mesures au propriétaire alors que l’ancien exploitant existait toujours.

Comment le propriétaire d’un site industriel peut-il se prémunir contre le risque d’avoir à supporter un jour la charge de mesures d’élimination de déchets issus de l’activité de son locataire ?

La première solution consiste à assurer, autant que possible, un contrôle et un suivi de la gestion des déchets par l’exploitant, dans le cadre des stipulations du bail : on ne saurait taxer de négligence, ni a fortiori de complaisance, un propriétaire « proactif ».

Il est évidemment plus délicat, pour le propriétaire, de se prémunir contre le risque d’insolvabilité de son locataire. Une solution est ici apportée par la loi.

D’ici quelques années, les exploitants de nombreuses catégories d’activités industrielles devront constituer des garanties financières auprès d’un tiers (banque, assurances, société de caution, société mère, etc.) ou consigner une somme répondant, notamment, du coût de l’élimination des déchets présents sur leurs sites, en cas de cessation d’activité. Les sommes pourront être utilisées, à l’initiative du préfet, en cas de défaillance de l’exploitant.
Si le dispositif est correctement mis en œuvre, il devrait permettre aux propriétaires de ne pas avoir à supporter cette charge.

Visuel : Photos Libres

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