Absence du salarié et (...)

Absence du salarié et acquisition de droits à congés : la difficile cohabitation entre le droit européen et le droit français

Dans un arrêt du 13 mars 2013 (n°11-22.285) la Cour de
Cassation, de façon inattendue au regard du droit européen
et de ses derniers arrêts, vient de réaffirmer qu’un arrêt de
travail pour maladie ne permet pas l’acquisition de congés
au profit du salarié.

Le droit français

L’absence d’un salarié en raison d’une maladie d’origine non professionnelle
n’est pas assimilée à une période de travail effectif pour la
détermination des droits à congés.
En effet, seules sont légalement considérées comme des périodes de
travail effectif pour la détermination de la durée du congé (article L
3141-5 du code du travail) :
1. les périodes de congé payé ;
2. les périodes de congé de maternité, de paternité et d’accueil de
l’enfant et d’adoption ;
3. les contreparties obligatoires en repos prévues par la loi en cas
d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent
annuel ;
4. les jours de RTT accordés en cas d’accord collectif conclu en application
de l’article L. 3122-2 ;
5. les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an,
pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue
pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;
6. les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou
rappelé au service national à un titre quelconque.

Le droit européen

La Directive européenne 2003/88/CE du 4 novembre 2003 relative
à la durée du travail garantit à tout salarié un congé annuel d’au
moins 4 semaines, même en cas d’absence pour accident de trajet,
maladie ou accident non professionnel.
La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a déjà considéré
que le droit au congé annuel payé d’un travailleur absent pour des
raisons de santé pendant la période de référence ne peut pas être
subordonné par un État membre à l’obligation d’avoir accompli un
travail effectif pendant cette même période. Selon elle, tout travailleur,
qu’il soit en congé de maladie pendant ladite période de référence
à la suite d’un accident survenu sur le lieu du travail ou ailleurs, ou à
la suite d’une maladie de quelque nature ou origine qu’elle soit, ne
saurait voir affecter son droit au congé annuel payé d’au moins quatre
semaines (CJUE, 24 janvier 2012, aff. C-282/).

Impact sur la loi et sur la jurisprudence françaises

L’article L 3141-3 du code du travail exigeant un temps minimum de
travail effectif pour l’ouverture du droit à congé fixé à un mois à l’origine,
ramené à 10 jours par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008,
a été totalement supprimé par la loi n°2012-387 du 22 mars 2012.
Parallèlement, l’application du droit européen a conduit la Cour de
cassation à assimiler l’accident de trajet et l’accident du travail, étendant
ainsi le champ d’application de l’article L. 3141-5 précité. Elle
a ainsi considéré que l’absence pour accident de trajet devait être
assimilée à l’absence pour cause d’accident du travail, permettant
ainsi au salarié victime d’un accident de trajet d’acquérir des droit à
congés (Cass. soc., 3 juillet 2012, n° 08-44834).

Qu’en est-il de l’absence pour une maladie non professionnelle ?

Le droit de l’Union européenne aurait dû conduire la Cour de cassation
à considérer que cette absence générait également des droits à
congés payés.
Mais la Cour de cassation considère dans son arrêt du 13 mars 2013
qu’une telle assimilation n’est pas possible en cas d’absence pour maladie
non professionnelle. Cette solution n’était pas celle attendue, ni
par la doctrine, ni par les praticiens.

Pour autant, la question n’est pas définitivement réglée

En effet, à la lecture de l’arrêt du 13 mars 2013, on constate que
la Cour de Cassation a estimé que la directive n°2003/88/CE ne
pouvait permettre, dans un litige entre des particuliers, d’écarter les
effets d’une disposition de droit national contraire. Autrement dit, bien
que consciente que l’article L 3141-5 n’est pas conforme à la Directive
européenne précitée, la Cour de cassation renvoie le législateur
devant ses responsabilités. Il lui appartient dorénavant de modifier
cette règle contraire au droit européen.

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