Attentat du 14 juillet :

Attentat du 14 juillet : Très médiatisé, le début du procès mobilise peu les parties civiles

Le procès de l’attentat commis à Nice le 14 juillet 2016 a débuté lundi 5 septembre à Paris. Les parties civiles étaient peu nombreuses. Même constat à Nice où le procès est diffusé.

L’audience criminelle a été ouverte dans la salle dite « grand procès » par le président de la cour d’assises spéciale de Paris, Laurent Raviot, lundi en début d’après-midi, avec quelques minutes de retard. Il a d’abord invité les interprètes à se présenter et à prêter serment car parmi les huit accusés, quatre sont de nationalité albanaise et trois de nationalité tunisienne. Le président a constaté l’absence de l’un des accusés, Brahim Tritrou, ajoutant qu’il serait jugé « par défaut ». Laurent Raviot a ensuite procédé à la vérification de l’identité et de l’adresse des autres accusés, leur rappelant qu’ils pourraient « garder le silence  » au cours de la procédure.
Puis après avoir donné la parole aux représentants du ministère public, il a entendu les avocats sur les renouvellements de constitution de parties civiles et les nouvelles constitutions. Étape nécessaire mais qui a pris beaucoup de temps. C’est d’ailleurs l’une des raisons avancées par Me Adrien Verrier, Bâtonnier du Barreau de Nice, pour expliquer les bancs clairsemés à Paris et les chaises vides à Nice. «  On peut considérer que (les conditions prévues à Nice) sont un peu disproportionnées compte tenu du faible nombre de parties civiles », a-t-il relevé, avant de nuancer : « Les parties civiles sont à Paris, chez elles avec la webradio, et également présentes ici. Et aujourd’hui (lundi, ndlr) c’est une audience un peu spéciale, technique, très procédurale où l’on réitère les constitutions, avec un intérêt limité sur le plan des faits, ce qui peut expliquer que toutes les parties civiles ne soient pas nécessairement au rendez-vous ».

« Avoir une présence sur la durée »

Au premier plan, Madame le Vice-Bâtonnier Cécile Schwal et Monsieur le Bâtonnier Adrien Verrier, lors d’une visite du dispositif de diffusion à Nice. ©S.G

Mais pour l’avocat pénaliste, «  l’important est d’avoir une présence sur la durée, si elles le souhaitent. Le but n’est pas de faire une performance de nombre, mais de répondre aux demandes. Et si on avait sous-dimensionné le dispositif, on nous en aurait fait le reproche. On constate qu’il y a à peu près une cinquantaine de parties civiles présentes, au moins autant pour le public. Il y en aura peut-être plus au fur et à mesure des jours, en fonction du programme d’audiences qui sera fixé par le président ». Maître Verrier a redit être « navré qu’on n’organise pas ce procès à Nice. Certains disent que juridiquement ce n’est pas possible parce qu’il y a une compétence de l’antiterrorisme à Paris pour juger ce genre d’affaires. Non, il y a une compétence pour instruire, pour faire des investigations mais il n’y a pas de compétence automatique de Paris pour pouvoir la juger ». Mais « c’est fait et maintenant je crois qu’il faut avancer. Il faut voir les bonnes choses. On a une retransmission et on a une proximité grâce à cette retransmission », a-t-il relevé.
Présente dès le premier jour du procès à Nice, Hager Ben Aouissi, fondatrice de l’association Une voie, des enfants, a expliqué aux médias présents qu’il était important pour elle de voir le visage des accusés.
Bruno Razafitrimo, qui a perdu sa femme le 14 juillet 2016, est venu « pour voir comment cela se passe ». « J’ai un petit souci avec la montre donc je suis arrivé avec une heure de retard mais je suis arrivé au bon moment, j’ai bien entendu mon nom et le nom de mes enfants en tant que parties civiles ». Il confie que « c’est encore trop tôt  » pour dire ce qu’il attend du procès. «  Le reste suivra  », a-t-il indiqué.

Plus de 850 parties civiles

De son côté, Me Adrien Verrier a confié avoir «  fait le choix de ne pas représenter de parties civiles directement, sauf une, qui est la mémoire de l’une de nos avocates, Myriam Belazouz, présente le soir de l’attentat. J’irai à Paris exclusivement pour elle ».
A l’issue de l’information judiciaire il y avait plus de 850 parties civiles. Les personnes peuvent se constituer jusqu’aux réquisitions de l’avocat général.
Au sujet des auditions, le président Laurent Raviot a expliqué lundi que 240 parties civiles avaient déjà demandé à être entendues. «  La cour ne pourra pas en entendre 500 ou 600  », a-t-il prévenu avant de demander aux avocats de s’entendre. « Ce sont les avocats qui doivent voir avec leurs clients si leur besoin de s’exprimer est un besoin absolu, indispensable à la manifestation de la vérité  », a expliqué Maître Verrier. «  Il faut que les avocats, en accord avec leurs clients, et en concertation avec les autres avocats puissent déterminer comment ces passages d’audition vont se réaliser ».
Les premières auditions de parties civiles doivent débuter la semaine du 20 au 23 septembre. La huitième semaine de l’audience criminelle, du mardi 25 au vendredi 28 octobre, devrait être consacrée au chauffeur du camion, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, qui a tué 86 personnes et blessé plus de 400 passants présents sur la Promenade des Anglais le soir du 14 juillet 2016 avant d’être abattu par la police. Les semaines suivantes seront consacrées aux accusés. Le procès doit se terminer le 16 décembre.

Le dispositif de retransmission au Palais Acropolis

De gauche à droite, au premier plan : Me Adrien Verrier, Xavier Bonhomme, Christian Estrosi et Pascale Dorion. ©S.G

Les avocats niçois n’ayant pu obtenir la tenue du procès dans la capitale azuréenne, ils ont tout fait avec les autorités locales pour avoir une retransmission locale. « On a participé à une organisation conjointe avec la mairie, la Métropole, la préfecture et la Justice, pour faire en sorte d’obtenir une retransmission dans des conditions optimales pour que les parties civiles puissent venir suivre le procès ici », a expliqué le Bâtonnier en exercice Adrien Verrier. Résultat : deux salles disponibles, une première de 500 places réservée aux parties civiles et aux avocats et une seconde, de 200 places, pour la presse et le public. Cette diffusion, qui est une première, est « dédiée au public mais aussi et surtout aux victimes et aux parties civiles qui ne pourront se déplacer à Paris  », avait souligné, à quelques jours de l’ouverture du procès, le procureur de la République de Nice, Xavier Bonhomme, remerciant le maire Christian Estrosi de son concours pour l’organisation de cette diffusion au cœur du Palais Acropolis. «  C’est la première fois qu’un procès de cour d’assises est retransmis en même temps que sa tenue à Paris  », avait confirmé la présidente du Tribunal judiciaire de Nice, Pascale Dorion. « On a réussi à faire une salle qui permettra de rendre la justice dans des conditions dignes pour nos parties civiles », avait-elle ajouté. « Ce procès sera un temps d’épreuves. Il y aura des moments de douleur, à Paris et dans cette salle », avait prévenu Christian Estrosi.
Outre des avocats du Barreau de Nice présents pour accueillir des personnes souhaitant se constituer parties civiles, des psychologues font également partie du dispositif.

Des auditions au Tribunal judiciaire de Nice

« Il y aura vraisemblablement des auditions qui seront faites à Nice, de mineurs et de témoins qui ne peuvent pas, ou ne souhaitent pas, se déplacer à Paris », ont précisé Pascale Dorion et Xavier Bonhomme. «  Elles se feront dans les locaux du Tribunal, dans une salle de visio-conférence, car la salle à Acropolis n’est pas interactive », a expliqué la présidente du TJ, ajoutant qu’il s’agissait là du « fonctionnement normal de la Cour d’assises  ».

Planning prévisionnel du procès

(Qui se déroulera, sauf exception, quatre jours par semaine, du mardi au vendredi) :
Première semaine, du 5 au 9 septembre, consacrée à la présentation générale des faits et de l’enquête
Deuxième semaine, du 13 au 16 septembre, consacrée aux auditions des experts techniques, du médecin légiste et des témoins cités par les parties civiles
Troisième semaine, du 20 au 23 septembre : suite des auditions des témoins cités par les parties civiles et premières auditions de parties civiles
Quatrième à septième semaine, du 27 septembre au 21 octobre, consacrées aux auditions de parties civiles
Huitième semaine, du 25 au 28 octobre : Mohamed Lahouaiej-Bouhlel
Neuvième semaine, du 2 au 4 novembre : Mohamed Ghraieb
Dixième semaine, du 8 au 10 novembre : Chokri Chafroud
Onzième semaine, du 14 au 18 novembre : Ramzi Arefa, Artan Henaj, Enkeladja Zace et Maksim Celaj
Douzième semaine, du 21 au 25 novembre : dernières auditions des experts psychiatriques et psychologiques et début des plaidoiries de parties civiles
Treizième semaine, du 28 novembre au 2 décembre : plaidoiries des parties civiles
Quatorzième semaine, du 6 au 9 décembre : réquisitions du parquet national antiterroriste et plaidoiries de la défense.
Quinzième semaine, du 12 au 16 décembre : paroles aux accusés et délibéré.

Un procès enregistré pour l’histoire

L’enregistrement du procès, au titre de la constitution d’archives historiques, a été autorisé par une ordonnance du 9 mai 2022. Lundi, le président de la cour d’assises spéciale, Laurent Raviot, a indiqué que l’un des accusés avait déposé un recours contre cet enregistrement mais que ce recours avait été rejeté par la Cour de cassation le 10 août. Il s’agira du 15e procès enregistré depuis 1987 après notamment celui de Klaus Barbie à Lyon, du 11 mai au 3 juillet 1987, celui de Maurice Papon à Bordeaux, du 8 octobre 1997 au 2 avril 1998, ou plus récemment le procès des attentats de janvier 2015 et celui des attentats du 13 novembre 2015.

Photo de Une : La Salle de retransmission à Nice - ©S.G

deconnecte