Attention aux tennis (...)

Attention aux tennis municipaux bruyants

Le Conseil d’Etat vient de rappeler à l’ordre les collectivités publiques concernant les nuisances sonores occasionnées par le fonctionnement d’un tennis municipal . C’est ainsi que dans ce dossier, la Commune de Roscoff (Département du Finistère) a construit, à moins de dix mètres de la propriété des requérants, des courts de tennis et a fait aménager un talus planté pour séparer l’équipement sportif des propriétés privées.

Des riverains qui avaient emménagé avant la réalisation des courts de tennis ont commencé à se plaindre des bruits provoqués par l’utilisation de cet équipement sportif. Ils ont, alors, saisi un Expert judiciaire qui a constaté que l’émergence sonore présente sur la terrasse à raison du fonctionnement des courts de tennis était légèrement inférieure au seuil prévu par les dispositions du Code de la Santé Publique. L’Expert judiciaire a également conclu que le niveau constaté au premier étage de la maison excédait le seuil fixé par ces dispositions légales mais qu’il était possible de « revenir » à un seuil légal en fermant la fenêtre.

Sur la base de ces conclusions expertales, les requérants ont saisi le Tribunal Administratif de Rennes afin d’obtenir une indemnisation de 100.000 euros. Le Tribunal Administratif de Rennes a rejeté leur requête. Saisi en appel, la Cour administrative d’appel de Nantes a également rejeté leur demande en considérant que la responsabilité de la Commune de Roscoff ne pouvait pas être engagée dans la mesure où les nuisances sonores n’excédaient pas les niveaux posés par le Code de la Santé Publique.

Saisi en cassation, le Conseil d’Etat a censuré la position adoptée par la Cour administrative d’appel. Pour ce faire, la Haute juridiction administrative a rappelé que les personnes résidant à proximité d’un ouvrage public peuvent engager la responsabilité sans faute d’une collectivité publique dès lors qu’elle démontre qu’elle subisse, à raison de cette proximité, un préjudice anormal et spécial. Il ne s’agit donc pas d’identifier une « faute » de la collectivité publique résidant, entre autres, dans la violation des dispositions du Code de la Santé Publique, mais de rechercher si le requérant, à raison de sa situation particulière, subit un trouble excédant de manière substantielle les troubles subis par tout administré. Concrètement, la question essentielle n’est donc pas de déterminer si les nuisances sonores excèdent ou non les seuils fixés par le Code de la Santé Publique, mais de déterminer si le fonctionnement de cette installation sportive excède les inconvénients que doivent normalement supporter, dans l’intérêt général, les personnes résidant à proximité d’un ouvrage public.

Au regard des particularités de cette espèce, le Conseil d’Etat va considérer que les requérants subissent un préjudice anormal et spécial ouvrant droit à indemnité. Pour ce faire, le Juge de cassation va prendre en compte le fait que les terrains de tennis connaissent des périodes d’utilisation continue pouvant atteindre treize heures par jour et que les périodes d’utilisation les plus intenses coïncident avec les périodes de beau temps durant lesquelles les requérants font usage de la terrasse et du jardin de leur maison. Or, le Conseil d’Etat rappelle que la jouissance normale d’un domicile comporte la possibilité pour un propriétaire de faire usage de son jardin et de sa terrasse et d’ouvrir, quand bon lui semble, les portes et les fenêtres de son domicile.
Dans ces circonstances, et dans la mesure où les terrains de tennis ont été construits après l’emménagement des requérants, la haute juridiction administrative a considéré qu’ils subissaient un préjudice excédant ce que doit supporter normalement un riverain vivant à proximité de l’ouvrage public. Pour la fixation de l’indemnité, la Conseil d’Etat a renvoyé le dossier à la Cour administrative d’appel de Nantes qui devra apprécier la nature et l’étendue des préjudices à verser aux requérants.

Cet arrêt rappelle, avec force, aux collectivités publiques qu’elles peuvent voir leur responsabilité engagée alors que les équipements réalisés respectent les « normes » en vigueur dès lors que l’utilisation qui est faite de ces équipements placent certains riverains face un trouble excédant les inconvénients que supporte tout administré résidant à proximité d’un ouvrage public.

Antoine ALONSO GARCIA Avocat au Barreau de Paris

deconnecte