Barreau de Grasse : (...)

Barreau de Grasse : "l’arme au pied"

Le Bâtonnier Roland Rodriguez veut évidemment privilégier le dialogue avec la ministre mais se dit prêt à remobiliser si des amendements ne sont pas apportés à la réforme.

Réforme de la Justice : où en est la mobilisation à Grasse ?

La détermination des Avocats du Barreau est toujours aussi forte. Nous nous sommes mobilisés tôt, dès le 15 février, mais dès la fin janvier, j’avais alerté les élus des risques pour l’avenir du TGI de Grasse concernant sa plénitude de compétences. Nous avons donc choisi d’intensifier la pression de manière graduelle, au fur et à mesure des différentes journées d’actions, jusqu’à celle du 11 avril, qui a vu une manifestation inédite dans les rues de Cannes, avec plus de deux cents participants malgré la pluie aux côtés des magistrats et greffiers.

Et maintenant ?

Nous sortons de ce premier cycle d’actions pour entrer dans une nouvelle phase. Le texte du projet de réforme nous a été soumis, il va partir dans le processus parlementaire. La mobilisation des Barreaux de France a fini par payer et la ministre de la Justice a, semble t-il, pris conscience de la nécessité de discuter. Le texte peut connaître maintenant dans sa phase parlementaire des modifications substantielles. Notre action va donc s’inscrire sur trois axes : d’abord être force de proposition vis-à-vis de nos
représentants nationaux pour leur faire remonter les priorités du Barreau de Grasse. Ensuite, notre volonté du maintien d’une justice humaine et proche du justiciable. Enfin, il faudra mieux maîtriser la déjudiciarisation et une forme de privation de la justice parce que nous considérons qu’il ne faut surtout pas entrer dans une justice à deux vitesses. Les plus faibles doivent toujours trouver une réponse aux litiges qu’ils peuvent être amenés à connaître.

Avez-vous le sentiment d’avoir été écoutés ?

Pour l’instant, les discours sont souvent assez éloignés de la réalité du texte. Cette nouvelle phase va nous permettre de vérifier si la ministre est de bonne foi, ou pas, et si elle traduit ses déclarations par des amendements dans le texte qui sera soumis au parlement.

Concrètement ?

Pour les tribunaux de grande instance, elle n’a de cesse de dire qu’aucune juridiction ne sera fermée. Que s’il doit y avoir des spécialisations de juridictions, ce sera sur la base du volontariat. On lui dit, pourquoi pas, mais écrivez-le dans le texte !

Y a t-il des lignes rouges que vous n’accepterez pas de franchir ?

Encore une fois, les Barreaux sont favorables à une modernisation, à une réforme, pour une justice plus efficace et plus rapide. Cela posé, il faut mettre en musique ces principes. Ce que l’on voit dans le texte ne va pas dans ce sens pour le moment. Nous restons l’arme au pied, nous
attendons maintenant le retour très rapide de nos représentants, afin de savoir si la discussion est de façade ou si elle est réelle avec des avancées significatives. Si ce n’était pas le cas, nous nous
remobiliserions très rapidement. Ce serait dommage, nous préférons la discussion pour dégager des solutions.

Le volume des dossiers traités au TGI de Grasse ne le met-il pas à l’abri de la départementalisation ?

Le TGI de Grasse n’est pas protégé par la masse du contentieux puisque l’objectif de la réforme est, justement, de réduire ce volume. Je dis que, si l’on entre dans la logique consistant à concentrer le contentieux dans le tribunal du chef lieu du département, alors dans cinq ou dix ans le TGI de Grasse deviendra un superbe bâtiment... vide.

Quelles conséquences pour l’activité des professionnels du Droit ?

Nous sommes des pragmatiques. Si le TGI devait fermer, cela provoquera forcément une migration de professionnels, avec le risque, pour les justiciables, de ne plus pouvoir faire régler leur litige en proximité et de ne plus trouver de professionnels du Droit pour les aider... Oui, l’ouest du
département doit conserver son maillage territorial judiciaire !
Cette réforme menace les Tribunaux d’Instance qui sont la quintessence même de la justice de proximité. Dans le texte de Mme Belloubet, il n’y a aucune garantie pour ces T.I. et nous sommes très inquiets aux côtés des magistrats. Pour les injonctions de payer par exemple, lancées par des banques ou des organismes de crédit envers des personnes en difficulté et fragiles, le texte prévoit une dématérialisation totale. Or, il y a souvent dans ces dossiers des problématiques de procédures, de prescription que les magistrats relèvent d’office... On ne peut donc qu’être préoccupés du traitement par cette procédure dématérialisée.

Quelles autres actions pour le Barreau ?

Comme je l’avais dit lors de la cérémonie des vœux, il faut restaurer l’autorité du Bâtonnier car il est le pilier de l’ordinalité et le garant du respect de la déontologie. Il faut aussi améliorer notre communication interne et externe. Pour 614 Avocats, cela signifie trouver des moyens modernes et performants de faire circuler l’information. Et, vers l’extérieur, faire valoir les compétences et le dynamisme des avocats de notre Barreau, par exemple par des opérations comme les aides aux déclarations d’impôts ou comme
"L’avocat dans la cité" pour présenter nos services au grand public. Je veux aussi faire en sorte que le Barreau de Grasse prenne toute sa place aux côtés des autres grands Barreaux. C’est l’un des vingt plus importants de France et il ne doit pas se recroqueviller mais au contraire s’ouvrir. Nous avons déjà commencé à multiplier les échanges avec le Bâtonnier et la vice-Bâtonnière du Barreau de Nice. Je mets toute mon énergie dans ces objectifs.

Propos recueillis par
Jean-Michel CHEVALIER

Photo de une : Roland Rodriguez (DR JMC)

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