
Biot : le TA de Nice suspend la modification n°9 du PLU "dès lors qu’elle aggrave le manque de logements sociaux"
- Par Service Rédaction --
- le 30 avril 2025
La commune de Biot, couverte par un plan local d’urbanisme, avait adopté, par une délibération de son conseil municipal du 22 septembre 2022, la modification n°9 de ce plan. Par une décision du 19 octobre 2022, dont la commune de Biot demande au tribunal l’annulation, le préfet des Alpes-Maritimes avait prononcé la suspension de cette modification.
Ce pouvoir de suspension du préfet poursuit un objectif d’intérêt général, à savoir assurer la compatibilité du PLU avec les principes et documents d’urbanisme supérieurs. La suspension perdure tant que la commune n’a pas apporté au plan les modifications demandées par le préfet.
En l’espèce, le préfet des Alpes-Maritimes avait considéré que trois éléments de la modification n°9 n’étaient pas compatibles avec ces principes et documents : la suppression du périmètre de mixité sociale instauré sur l’ensemble du territoire de la commune, les modifications apportées à l’orientation d’aménagement et de programmation du quartier des Soullières et enfin la suppression d’emplacements réservés pour la mixité sociale (ERMS) et leurs modes de financement. Le tribunal a estimé que seul ce dernier élément justifiait la suspension de la modification.
S’agissant de la suppression du périmètre de mixité sociale unique, la commune de Biot avait instauré, lors de l’adoption de la modification n°4 de son PLU par une délibération du 11 décembre 2014, un périmètre de mixité sociale sur l’ensemble de son territoire communal, lequel avait vocation pour tout projet de construction d’un programme de logement de plus de 800 m² ou de plus de douze logements, d’y inclure 30% de logements sociaux. La commune a souhaité la suppression de ce périmètre de mixité sociale instauré sur l’ensemble du territoire communal, au motif que ce dernier n’avait permis, en huit années d’application, la création d’aucun logement social, notamment en raison de phénomènes de contournement de la réglementation, tenant par exemple au fractionnement dans le temps des opérations de construction ou encore la multiplication des divisions parcellaires, de façon à demeurer en-dessous du seuil d’activation du périmètre. Si ce constat est contesté par le préfet, ce dernier n’a apporté aucun élément pour le démontrer.
Par ailleurs, la modification n°9 prévoit, en remplacement, l’instauration de deux nouveaux périmètres de mixité sociale au niveau du centre historique de Biot et du quartier Saint-Philippe, destinés à se substituer au périmètre de mixité sociale préexistant sur l’ensemble des zones urbaines de la commune. Si le préfet estime que ces deux nouveaux périmètres sont insuffisants, eu égard notamment à la densité des deux quartiers et à leur seuil d’activation, fixé à 180 m² de surface de plancher ou construction d’au minimum trois logements, l’inefficacité de ces nouveaux périmètres n’est pas démontrée. Le tribunal a ainsi estimé que la suppression du périmètre de mixité sociale unique ne compromettait pas gravement l’objectif de mixité sociale prévu à l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme, ni n’était de nature à compromettre la réalisation du programme local de l’habitat (PLH) de la communauté d’agglomération de Sophia Antipolis (CASA). Il a ainsi annulé cette partie de la décision du préfet.
S’agissant de l’orientation d’aménagement et de programmation du quartier des Soullières, la modification n°9 du PLU prévoit d’étendre la superficie concernée par cette OAP et de diminuer l’emprise au sol maximale des constructions de 30 à 20%. Le préfet estime que ces modifications méconnaissent le principe de l’utilisation économe des espaces naturels et de la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, prévu par le code de l’urbanisme. Toutefois, le tribunal a retenu que si ces modifications impliquent une baisse de la densité du nombre de constructions et génèrent une surconsommation foncière ainsi qu’un étalement urbain regrettable, elles n’ont pas pour effet de réduire les surfaces naturelles, agricoles ou forestières dans ce quartier dès lors que les parcelles composant ce quartier sont déjà classées en zone urbaine. Il a ainsi également annulé cette partie de la décision du préfet.
Enfin, s’agissant de la suppression d’emplacements réservés pour la mixité sociale (ERMS) et leurs modes de financement, le programme local de l’habitat de la CASA prévoit une proportion de 25 à 35% de logements sociaux financés par le PLAI (Prêt Locatif Aidé d’Intégration, attribués aux locataires en situation de grande précarité), ainsi qu’une proportion de 0 à 15% de logements financés par le PLS (Prêt Locatif Social, attribués aux candidats locataires ne pouvant prétendre aux locations HLM, mais ne disposant pas de revenus suffisants pour se loger dans le privé). En pratique, les logements financés par le PLS représentent aujourd’hui plus de 52 % du parc locatif social de la commune de Biot tandis que la majorité des ménages demandeurs de logement social sur le territoire de la commune ont un revenu relevant d’un financement en PLAI.
Or, la modification n°9 aggrave cette situation en supprimant 6 EMRS comprenant des parts de logements financés par le PLAI situées entre 15% et 35% soit 29 logements en tout. Si 3 nouveaux EMRS sont créés, deux d’entre eux prévoient uniquement des logements financés par le PLS et le dernier 25 à 35% de logements financés en PLAI, soit environ 15 logements. Ainsi, la proportion de logements locatifs sociaux financés en PLAI est inférieure, après modification, à celle qu’elle était avant modification, alors que cette proportion était déjà inférieure à la clé de répartition indiquée dans le PLH de la CASA. Le tribunal a ainsi estimé que le préfet était fondé à suspendre la modification n°9 dès lors que la suppression des ERMS et leurs modes de financement compromettaient gravement les chances de la commune d’atteindre l’objectif de mixité sociale dans l’habitat fixé par l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme et la réalisation du PLH de la CASA.
Ainsi, la suspension perdure tant que la commune n’aura pas apporté au plan les modifications demandées par le préfet sur ce point.
Jugement n° 2205489 du 30 avril 2025