Cahier de l'UCEJAM : (...)

Cahier de l’UCEJAM : LE JUGE ET L’EXPERT

Les Petites Affiches sont partenaires de l’UCEJAM 06 et à ce titre publient chaque année le compte-rendu complet des séances de formation à la Faculté de Nice de l’année écoulée.
Nous vous proposons de découvrir l’excellence de ces formations : cette semaine dernière partie : Le Juge et l’Expert.

LE JUGE ET L’EXPERT : Compte-rendu de la formation UCEJAM du 9 décembre 2014, organisée en partenariat avec La Faculté de Droit, Amphithéâtre 202, 18h-20h15.

Cette nouvelle soirée de formation organisée par l’UCEJAM a rassemblé 119 personnes à la Faculté de Droit de Nice, autour du thème : « Le juge et l’expert ».

M. le doyen VALAR a accueilli les participants et présenté les intervenants à la tribune :
- M. Lilian BENOIT, Président du tribunal administratif de Nice ;
- M. François RUELLAN, Président de Chambre à la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;
- M. Dominique BOISSELET, Premier vice-Président au tribunal de grande instance de Nice ;
- Mme Brigitte CHARLES-NEVEU, Avocate au Barreau de Nice et enseignante à la Faculté de Droit ;
- M. Bernard LEICEAGA, expert UCEJAM ;
- M. Constant VIANO, expert UCEJAM.

M. Christian GUYON, Secrétaire Général de l’UCEJAM et organisateur de la soirée, remercie ensuite le doyen pour son intervention et le partenariat signé avec l’UCEJAM, qui permet de réaliser ces actions de formation de grande qualité à l’université.
Il remercie aussi les magistrats présents dans la salle de leur venue :
- Mme BAZUREAULT, Vice-Présidente du Tribunal de Grande Instance de Grasse et juge en charge du contrôle des mesures d’instruction ;
- M. PERUGINI, Président du Tribunal de Commerce d’Antibes.
Enfin, il souhaite la bienvenue aux avocats présents, ainsi qu’aux consoeurs et confrères qui se sont déplacés.

Il souligne ensuite l’originalité de la soirée qui prendra la forme d’un débat, initié par les questions formulées par les experts présents à la tribune, auxquels répondront les magistrats et Me Charles-Neveu ; cette dernière pouvant également intervenir à tout moment pour interroger les magistrats ou les experts.

La préparation de ces questions a débuté par un recueil des interrogations portant sur la relation entre le juge et l’expert, auprès des membres de l’UCEJAM contactés par mail un mois auparavant. Cette collecte s’est poursuivie auprès des magistrats et de Me Charles-Neveu.
La synthèse utilisée ce soir en a été faite lors d’échanges par mail d’abord, puis affinée au cours de deux séances de travail ayant réuni Christian Guyon, Bernard Leiceaga et Constant Viano.

Le fil conducteur retenu est très simple puisqu’il suit la chronologie des opérations d’expertise, divisée en six phases apparaissant dans le schéma ci-après
Introduction : le rôle du juge en charge du contrôle
1ère étape : la désignation de l’expert
2ème étape : l’organisation de la première réunion
3ème étape : la première réunion
4ème étape : le déroulement de l’expertise
5ème étape : la phase conclusive
6ème étape : après le dépôt du rapport
M. Christian Guyon indique enfin que les questions éventuelles de la salle seront repoussées jusqu’à la fin du traitement des étapes ci-dessus ; le choix ayant été fait de privilégier les apports de haute qualité des magistrats et de l’avocate présents à la tribune.
Il s’excuse d’avance de la frustration que cela pourra engendrer.

Il donne ensuite la parole au Président Benoit qui indique alors combien il est heureux d’être ici, car il tient beaucoup à la qualité de la relation entre les magistrats administratifs et les experts. Il attire l’attention sur un point particulier très important : le lien logique entre l’analyse des faits et les conclusions de l’expert. En effet, il arrive souvent que le raisonnement qui a permis à l’expert de déduire des faits constatés, ses conclusions, ne soit pas suffisamment explicité.

Or, c’est ce cheminement qui doit absolument être clarifié, afin que le juge puisse exploiter au mieux le travail d’expertise.

La première question est ensuite posée par M. Constant Viano au Président Ruellan : « Le décret du 24 décembre 2012 stipule que le président du tribunal de grande instance désigne un ou plusieurs juges chargés de contrôler l’exécution des mesures d’instruction ; pouvez-vous nous expliquer son rôle ? ».

M. le Président Ruellan répond alors : « Ce décret est ambigu car certes on crée un juge en charge du contrôle mais il y a beaucoup d’exceptions :
- le juge des référés ;
- le juge de la mise en état, qui est chargé de suivre les affaires complexes devant le TGI seulement.
- dans les cours d’appel, ce n’est pas qu’un seul juge. Lorsqu’une Cour infirme un jugement, c’est le juge en charge du contrôle de cette juridiction qui suit l’expertise ».

M. Bernard Leiceaga poursuit alors en citant le décret du 22 octobre 2010 qui indique que le président de la juridiction administrative peut désigner un magistrat chargé des questions d’expertise et du suivi des opérations d’expertise. S’adressant au Président Benoit, il lui demande s’il pense désigner un magistrat chargé du contrôle des expertises.

Le Président Benoit répond  : « Compte tenu du nombre de magistrats administratifs à Nice, je ne nommerai pas un tel juge. Ce sera toujours le Président du tribunal administratif qui suivra les opérations d’expertise ». Il ajoute qu’en ce qui concerne les attentes du juge par rapport à l’expert, le premier attend du second que l’expert dise tout, que la forme soit d’une clarté absolue et que ses prises de position soient claires.

M. Leiceaga pose alors la question : « Dans la pratique du tribunal administratif de Nice, l’expert était contacté par le greffe, avant sa désignation, pour connaître ses disponibilités et vérifier une possible cause de récusation. Comptez-vous poursuivre cette procédure qui évite des ordonnances de remplacement d’expert dès le début des opérations ? ».

Le président Benoit répond par l’affirmative, dans un souci d’efficacité.

M. Viano interroge ensuite le Président Boisselet, en commençant par un constat pratique : « Lorsque l’expert reçoit l’ordonnance de désignation, il doit s’interroger sur plusieurs points : la compréhension des chefs de mission, sa compétence, sa disponibilité, s’il peut être mis en récusation… S’il ressent le besoin de questionner le juge en charge du contrôle des expertises, sous quelle forme doit se faire ce contact ? ».

Le Président Boisselet lui répond ceci : « Suivez le parallélisme des formes : si vous avez été saisi par courrier postal, faites de même pour interroger, si vous avez été saisi par mail, questionnez par mail… ».

M. Viano demande alors au Président Ruellan : « Que doit faire l’expert dans le cas où la décision le désignant est frappée d’appel ? ».

Le Président Ruellan répond qu’il doit suspendre ses travaux. Cependant, tout le problème vient de la connaissance de la décision d’appel, qui ne parvient souvent que tardivement à l’expert.

Maître Charles-Neveu souligne ensuite ses interrogations sur la désignation. En effet, il est arrivé par exemple qu’alors qu’un ingénieur béton avait été demandé, l’expert désigné soit un architecte. Et elle ajoute : « Pourquoi ne pas proposer un nom au juge ? ».
Le Président Ruellan lui répond en affirmant qu’il n’est pas question qu’un avocat propose un nom, sauf si les parties sont toutes d’accord sur cette proposition. Le Président Boisselet précise quant à lui, qu’il tient compte éventuellement des remontées négatives concernant un expert.

M. Guyon reprend alors la parole pour souligner qu’il peut y avoir, en matière de désignation, des problèmes spécifiques à certaines professions. Pour l’illustrer, il donne la parole à M. Bernard Flipo, Chef de Service du pôle Chirurgie au Centre Lacassagne, présent dans la salle. Celui-ci précise alors en préambule qu’étant donné l’habitude des médecins de travailler en réseau, il est souvent difficile de trouver « un inconnu » lorsqu’on reste dans la même région pour la désignation de l’expert. « Pourquoi ne pas davantage délocaliser ? ».

Le Président Benoit répond alors qu’en ce qui le concerne, il a souvent désigné un expert délocalisé, pour garantir l’indépendance des conclusions formulées par celui-ci.
La délocalisation entraînant souvent un surcoût de l’expertise, est abordée ensuite la question de la provision complémentaire. M. Viano interroge le Président Boisselet
pour savoir ce que doit faire l’expert lorsque celle-ci n’est pas versée à la date limite fixée pour cela. Le Président répond en indiquant déjà qu’une alerte de l’expert sur ce point permet de relancer éventuellement plus rapidement les parties concernées.

Dans la pratique, à Nice, plusieurs prolongations sont souvent accordées pour permettre le versement.

Le Président Ruellan intervient alors pour souligner que l’expertise a un coût et que les parties doivent le savoir. En particulier, il faut éviter de prolonger la pratique ancienne des faibles consignations.

Maître Charles-Neveu évoque alors des pistes qui devraient pouvoir répondre à l’insuffisance de ressources des parties, face au coût souvent important des expertises en matière de construction :
- prise en charge d’une assurance couvrant ce coût dans le contrat multirisque habitation ;
- meilleur accueil par les juges de la provision ad litem ;

Le Président Ruellan indique alors : « L’expert ne doit pas être l’otage des parties impécunieuses. C’est à l’avocat d’informer son client du coût prévisible de l’expertise. Il faudrait seulement que ceux qui sont juste au dessus du seuil donnant droit à l’aide juridictionnelle, puissent être aidés. Il y a sans doute des pistes à creuser ».

Le débat étant animé entre les participants à la tribune, le temps s’écoule rapidement et les experts en chaire proposent de sauter quelques étapes de l’expertise annoncées initialement et M. Viano adresse au Président Boisselet une question concernant la troisième étape : l’organisation de la première réunion : « Si la mission est de vérifier les comptes 2006, 2007 et 2008 et que les parties à la première réunion, indiquent à l’expert qu’elles sont d’accord pour négliger l’année 2006, que doit faire celui-ci ? ».

Le Président Boisselet répond en indiquant que si les parties sont toutes d’accord, il n’y a aucun problème, à condition qu’elles écrivent qu’elles renoncent conjointement à ce point. « S’il y a débat, il doit avoir lieu de façon contradictoire devant le juge ».
M. Leiceaga intervient sur le même sujet en ce qui concerne la juridiction administrative.

Il précise que, selon l’article R 532-3 du CJA : « le juge des référés peut, à la demande de l’une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d’expertise, ou à la demande de l’expert formée à tout moment, étendre l’expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l’ordonnance, ou mettre hors de cause une ou plusieurs des parties ainsi désignées.
Il peut, dans les mêmes conditions, étendre la mission de l’expertise…ou, à l’inverse, réduire ladite mission… ».

Un débat s’engage alors entre Maître Charles-Neveu et le Président Benoit. La première considère que le délai laissé aux parties est trop court. « Et donc, elles doivent se retourner vers l’expert pour le convaincre de modifier la mission ou d’attraire d’autres parties ». Le Président du Tribunal Administratif lui répond alors : « Mais n’est-ce pas sain ? C’est l’expert qui maîtrise le déroulement des opérations. Je ne trouve pas choquant que les parties tentent de convaincre l’expert ». M. Viano propose alors pour terminer une question sur les intervenants volontaires : « Comment l’expert doit-il gérer les intervenants volontaires qui ne sont pas dans la cause ?  ».

Le Président Ruellan précise que l’intervenant volontaire est un tiers qui devient partie au procès par le biais en général de l’assignation. « L’ordonnance commune est alors ordonnée. Tant que cette décision n’est pas prise, c’est un tiers. Si aucune des parties n’a d’objection sur sa présence, il peut participer aux opérations. Cependant, l’expert doit l’ignorer car il n’a pas de statut juridique ». Et il ajoute pour préciser : « Le conseil technique devient un mode de traitement courant, c’est légitime. Néanmoins, il n’est jamais l’interlocuteur écrit de l’expert ».

Le temps s’étant écoulé trop vite, M. Guyon s’excuse auprès de l’ensemble des participants de n’avoir pas pu respecter le plan présenté en début de séance. Il indique aux membres de l’UCEJAM qu’à la suite de la précédente session de formation du 13 octobre, un compte-rendu de l’enquête de satisfaction effectuée ce jour là leur a été adressé par mail et que, d’autre part, une majorité d’entre eux ayant exprimé dans cette même enquête le souhait d’un approfondissement du thème de la médiation, la Présidente d’ Alpes Maritimes Médiation (AMM) devrait organiser en début d’année 2015 une réunion avec les experts intéressés. Les coordonnées
de cette manifestation seront communiquées aux experts dès que connues.

Le Président Ruellan reprend alors la parole pour féliciter les experts de s’être déplacés après une journée de travail, pour participer à cette séance. Il souligne toute l’importance qu’il attache à la qualité de la relation entre experts et magistrats. Enfin, pour ceux qui souhaiteraient approfondir les thèmes abordés dans la séance d’aujourd’hui, il rappelle la parution récente de l’ouvrage qu’il a co-écrit sur la procédure d’expertise au civil.

La séance est close à 20h15 et se poursuit par un cocktail de fin d’année, organisé par le restaurant « Les Palmiers ».

Lire la partie 3/4 : L’EXPERTISE DE PARTIE ET SA RÉCEPTION DANS LES PROCÈS ET LES MODES AMIABLES

Informations pratiques

Bureau 2015 de l’UCEJAM
Valérie DE BLECKER, Présidente
Patricia MANNARINI-SEURT, Vice-Présidente
Christian GUYON, Secrétaire général
François TALON, Trésorier

Siège social : « Le Minotaure », 34 avenue Henri Matisse, 06200 NICE
Tél. : 04 93 72 42 00 - Fax : 04 93 72 42 29
Email : [email protected]

deconnecte