CAHIERS UCEJAM : « Actuali

CAHIERS UCEJAM : « Actualités de l’activité d’expert de justice » Exposé de Natalie FRICERO - professeur à la faculté de droit de Nice

Cette année 2017, l’UCEJAM - a organisé quatre conférences-débats qui ont permis d’apporter des réponses aux questions portant sur les thématiques suivantes :
-  L’expert de justice face à la cybercriminalité.
- Actualités de l’activité d’expert de justice.
- L’expert de justice face à l’expert d’assurances.
- De la réforme du droit des contrats
Nous vous proposons de retrouver l’intégralité des actes des interventions par intervenant.
Cette semaine sur le thème de la seconde conférence "- Actualités de l’activité d’expert de justice", nous vous invitons à découvrir l’Exposé de Natalie FRICERO - professeur à la faculté de droit de Nice sur le thème « Actualités de l’activité d’expert de justice ».

I. Devenir expert judiciaire : actualité de l’inscription sur les listes

Décret n° 2017 ?892 du 6 mai 2017 portant diverses mesures de modernisation et de simplification de la procédure civile

Section 3 : Dispositions relatives aux experts

Article 32 L’article 20 du décret du 23 décembre 2004 susvisé est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « listes » sont insérés les mots : « ainsi que les décisions de retrait prises par le premier président de la cour d’appel ou le premier président de la Cour de cassation » ;

2° Au deuxième alinéa, après les mots : « Ce recours » sont insérés les mots : « est motivé à peine d’irrecevabilité. Il » ;

3° Au troisième alinéa, après le mot : « décision » sont insérés les mots : « de refus d’inscription ou de réinscription » ;

4° L’article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«  L’expert est avisé des décisions
d’inscription ou de réinscription
par tout moyen.
 »

Nouvelle rédaction consolidée :
Article 20  : Les décisions d’inscription ou de réinscription et de refus d’inscription ou de réinscription prises par l’autorité chargée de l’établissement des listes ainsi que les décisions de retrait prises par le premier président de la cour d’appel ou le premier président de la Cour de cassation peuvent donner lieu à un recours devant la Cour de cassation.

Ce recours est motivé à peine d’irrecevabilité. Il est formé dans le délai d’un mois par déclaration au greffe de la Cour de cassation ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée au greffe de la Cour de cassation.
Le délai court, à l’égard du procureur général, du jour de la notification du procès ?verbal établissant la liste des experts et, à l’égard de l’expert, du jour de la notification de la décision de refus d’inscription ou de réinscription qui le concerne par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

L’expert est avisé des décisions d’inscription ou de réinscription par tout moyen.

NOTA : Conformément aux dispositions du VII de l’article 70 du décret n° 2017 ?892 du 6 mai 2017, ces dispositions sont applicables aux recours formés à compter de l’entrée en vigueur dudit décret.

On trouve en jurisprudence un certain nombre de décisions relatives aux recours exercés contre des décisions non motivées ou mal motivées :

Cour de cassation chambre civile 2 Audience publique du jeudi 20 avril 2017 N° de pourvoi : 16 ?60362 Publié au bulletin Annulation partielle

Mme Flise (président), président

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le grief :

Vu l’article 8, alinéa 1, du décret n° 2009 ?285 du 12 mars 2009 ;

Attendu que Mme X... a sollicité son inscription initiale sur la liste des experts judiciaires de la cour d’appel de Paris dans la rubrique interprétariat ?traduction en langue serbo ?croate ; que, par décision du 15 novembre 2016, notifiée le 29 novembre 2016, l’assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d’appel a refusé son inscription ; que Mme X... a formé un recours contre cette décision ;
Attendu que, pour rejeter sa demande, l’assemblée générale des magistrats du siège retient que les besoins dans cette rubrique sont satisfaits ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’avaient été inscrits concomitamment deux autres candidats sur la liste des experts judiciaires sous cette même rubrique dont un dans le ressort du tribunal de grande instance de Créteil, l’assemblée générale des magistrats du siège a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation ;

D’où il suit que la décision de cette assemblée générale doit être annulée en ce qui concerne Mme X... ;

PAR CES MOTIFS :

ANNULE la décision de l’assemblée générale des magistrats du siège de la cour d’appel de Paris en date du 15 novembre 2016, en ce qu’elle a refusé l’inscription de Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la décision partiellement annulée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix ?sept.
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 15 novembre 2016

La Cour de Cassation a sanctionné l’erreur manifeste d’appréciation d’une assemblée générale qui avait retenu que le dossier du candidat était incomplet en ce qu’’il ne contenait pas la liste de ses travaux scientifiques et des communications qu’il avait effectuées, alors que la consultation de ce même dossier faisait apparaître qu’il avait fourni cette liste (Civ. 2e, 6 juin 2013). Il y a également erreur manifeste d’appréciation lorsque l’assemblée générale de la cour d’appel refuse la réinscription d’un expert au motif que ce dernier n’a jamais été désigné alors qu’il ressortait des pièces de la procédure que l’expert avait été désigné à plusieurs reprises depuis son inscription initiale pour effectuer des expertises à la demande d’un tribunal administratif (Civ. 2e, 14 mai 2009)

En revanche il n’y a pas d’erreur manifeste d’appréciation lorsque l’assemblée générale se fonde sur l’activité de l’expert pour refuser sa réinscription : ainsi l’assemblée générale de la cour d’appel peut retenir que les rapports de l’expert concerné étaient selon certains magistrats, inexploitables, et selon d’autres, insuffisants ( Civ. 2e, 14 juin 2007, Bull. II, n° 160 :

Cour de cassation chambre civile 2 Audience publique du jeudi 14 juin 2007 N° de pourvoi : 07 ?11751 Publié au bulletin Rejet

Mme Favre, président
Mme Fontaine, conseiller rapporteur
M. Benmakhlouf, avocat général

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le grief :

Attendu que M. X..., inscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d’appel de Versailles, a sollicité, en application de l’article 38 du décret du 23 décembre 2004, sa réinscription sur cette liste ; que par décision de l’assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d’appel en date du 8 novembre 2006 sa réinscription a été refusée ; qu’il a régulièrement formé le recours prévu à l’article 20 du décret précité ;
Attendu qu’à l’appui de son recours M. X... fait valoir qu’il ne comprend pas précisément ce qui lui est reproché, s’explique sur les critiques exposées dans la délibération de l’assemblée générale, et qualifie de vice de forme la mention d’un "Dr Y..." dans un paragraphe de l’avis motivé de la commission de réinscription ;
Mais attendu que seule la décision de l’assemblée générale ouvre droit au recours prévu à l’article 20 du décret du 23 décembre 2004 ;

Et attendu que c’est sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que l’assemblée générale de la cour d’appel a refusé la réinscription de M. X..., en retenant d’abord que l’intéressé a reconnu ne pas toujours respecter les délais qui lui sont impartis, puis que les éléments qu’il a produits ne sont pas de nature à remettre en cause l’avis défavorable de la commission, qui avait relevé que ses rapports étaient, selon certains magistrats, inexploitables, selon d’autres, insuffisants ;
D’où il suit que le grief ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le recours ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille sept.
Publication : Bulletin 2007, II, N° 160

De même, c’est sans commettre une erreur manifeste d’appréciation une assemblée générale de la cour d’appel refuse la réinscription d’un expert qui n’a pas justifié avoir suivi de formation aux principes directeurs du procès et aux règles de procédure applicables à l’expertise, et qui soutenait que l’interprète traducteur devait se concentrer sur la langue et la fidélité au texte et que la maîtrise de la procédure était l’affaire des magistrats et de l’avocat (Civ. 2e 27 juin 2013 :
Cour de cassation chambre civile 2 Audience publique du jeudi 27 juin 2013 N° de pourvoi : 13 ?60007 Publié au bulletin Rejet

Mme Flise, président
Mme Leroy ?Gissinger, conseiller rapporteur
M. Lathoud, avocat général

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur les griefs :
Attendu que M. X..., inscrit sur la liste des experts judiciaires de la cour d’appel d’Aix ?en ? Provence depuis 1981, a sollicité sa réinscription sur la liste de l’année 2013 ; que par décision du 14 novembre 2012, l’assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d’appel a rejeté sa demande au motif qu’il n’avait pas suivi de formation en matière procédurale ; que M. X... a formé un recours contre cette décision ;

Attendu qu’à l’appui de son recours M. X... fait valoir que le traducteur ?interprète doit être fidèle au texte ou au discours original et que la maîtrise de la procédure est l’affaire du magistrat, de l’avocat ou du policier ;
qu’en outre, les professionnels de haut niveau peuvent se former de leur propre initiative sans participer à des sessions de formation ;
Mais attendu que l’article 10, 2° du décret du 23 décembre 2004, prévoit que la demande de réinscription doit être assortie de tous documents permettant d’évaluer la connaissance acquise par le candidat des principes directeurs du procès civil et des règles de procédure applicables aux mesures d’instruction confiées à un technicien ainsi que les formations qu’il a suivies dans ces domaines ; que ce texte ne prévoit pas d’exception en ce qui concerne les interprètes ?traducteurs ; que M. X... reconnaissant n’avoir pas suivi de telles formations, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que l’assemblée générale des magistrats du siège de la cour d’appel a décidé de ne pas le réinscrire ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le recours ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt ?sept juin deux mille treize.
Publication : Bulletin 2013, II, n° 145

Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix ?en ?Provence , du 14 novembre 2012

II. L’actualité de l’expertise dans la justice du XXIè siècle Nouvelle rédaction de l’article 486 1 du Code de procédure civile


Décret n° 2017 ?892 du 6 mai 2017 portant diverses mesures de modernisation et de simplification de la procédure civile
Article 5 Après l’article 486, il est inséré un article 486 ?1 ainsi rédigé :

« Art. 486 ?1. ? Lorsque la demande en référé porte sur une mesure d’instruction exécutée par un technicien ou sur une mesure d’expertise, le défendeur qui a indiqué, avant l’audience, acquiescer à la demande, est dispensé de comparaître. Néanmoins, le juge a toujours la faculté d’ordonner qu’il soit présent devant lui.

« La décision rendue dans ces conditions est contradictoire ».

III. Une nouvelle mission pour l’expert judiciaire administratif : la médiation

Le Décret n° 2016 ?1480 du 2 novembre 2016 portant modification
du code de justice administrative (partie réglementaire)

Article 23

À l’article R. 621 ?1, la seconde phrase est remplacée par les dispositions suivantes :

« L’expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l’initiative, avec l’accord des parties, d’une telle médiation ».

Son cadre juridique est fixé au chapitre III du Titre 1er du Livre II du code de justice administrative.
Une première section fixe les règles générales de la médiation en droit administratif. L’article L. 213 ?1 du code de justice administrative définit ainsi la médiation :
« Art. L. 213 ?1.?La médiation régie par le présent chapitre s’entend de tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction ».

L’article L. 213 ?2 du même code précise que la mission du médiateur doit être accomplie avec impartialité, compétence et diligence. Il pose le principe de la confidentialité de la médiation, sauf exceptions.

« Le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance juridictionnelle ou arbitrale sans l’accord des parties.

« Il est fait exception au deuxième alinéa dans les cas suivants :

« 1° En présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique d’une personne ;
« 2° Lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre."

L’article L. 213 ?3 précise que « l’accord auquel parviennent les parties ne peut porter atteinte à des droits dont elles n’ont pas la libre disposition ».
L’article L. 213 ?3 précise que « l’accord auquel parviennent les parties ne peut porter atteinte à des droits dont elles n’ont pas la libre disposition ». L’article L. 213 ?4 du code de justice administrative prévoit enfin que le juge administratif peut homologuer et donner force exécutoire à l’accord issu de la médiation :

« Art. L. 213 ?4.?Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut, dans tous les cas où un processus de médiation a été engagé en application du présent chapitre, homologuer et donner force exécutoire à l’accord issu de la médiation ».

II. —Médiation à l’initiative des parties

a) L’article L. 213 ?5 du code de justice administrative prévoit la possibilité pour les parties d’organiser une mission de médiation en dehors de toute procédure juridictionnelle.

Les modalités de mise en œuvre de cette procédure sont précisées au deuxième alinéa. Les parties peuvent, au choix :

• Organiser elles ?mêmes la médiation et désigner le ou les médiateurs,
• Organiser elles ?mêmes la médiation et demander au président du TA ou de la CAA territorialement compétent – ou une personne déléguée – de désigner le ou les médiateurs,
• Demander au président du TA ou de la CAA territorialement compétent – ou une personne déléguée – d’organiser la médiation et de désigner le ou les médiateurs.
• Dans ce cas, il est précisé que lorsque le président de la juridiction choisit de confier la médiation à une personne extérieure à la juridiction, il détermine s’il y a lieu d’en prévoir la rémunération et en fixe le montant.

L’article précise que les décisions prises par le président de la juridiction ou son délégataire ne sont pas susceptibles de recours. Par ailleurs, la médiation présente un caractère gratuit pour les parties lorsqu’elle constitue un préalable obligatoire au recours contentieux en application d’une disposition législative ou réglementaire.

b) L’article L. 213 ?6 du code de justice administrative précise les modalités de suspension et d’interruption des délais de recours contentieux, lorsqu’une procédure de médiation est engagée  :
« Les délais de recours contentieux sont interrompus et les prescriptions sont suspendues à compter du jour où, après la survenance d’un différend, les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut d’écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation. Ils recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent que la médiation est terminée. Les délais de prescription recommencent à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois ».

III. Médiation à l’initiative du juge

a) L’article L. 213 ?7 du code de justice administrative prévoit la possibilité pour le juge administratif d’ordonner lui ?même une médiation dans le cadre d’une procédure juridictionnelle :

« Art. L. 213 ?7.?Lorsqu’un tribunal administratif ou une cour administrative d’appel est saisi d’un litige, le président de la formation de jugement peut, après avoir obtenu l’accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles ?ci ».

b) L’article L. 213 ?8 du même code précise les modalités financières de la médiation.

Le juge peut ainsi être chargé de déterminer la rémunération du médiateur, de fixer son montant et le montant de la provision à valoir sur cette rémunération.

Il est également prévu que, par principe, les parties déterminent librement la répartition des frais ; en cas de désaccord, le principe est la répartition à part égale, sauf iniquité au regard de la situation économique des parties :

« Lorsque la mission de médiation est confiée à une personne extérieure à la juridiction, le juge détermine s’il y a lieu d’en prévoir la rémunération et fixe le montant de celle ?ci. Lorsque les frais de la médiation sont à la charge des parties, celles ?ci déterminent librement entre elles leur répartition.
A défaut d’accord, ces frais sont répartis à parts égales, à moins que le juge n’estime qu’une telle répartition est inéquitable au regard de la situation économique des parties. Lorsque l’aide juridictionnelle a été accordée à l’une des parties, la répartition de la charge des frais de la médiation est établie selon les règles prévues au troisième alinéa du présent article. Les frais incombant à la partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle sont à la charge de l’Etat, sous réserve de l’article 50 de la loi n° 91 ?647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ».

Le juge fixe le montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur et désigne la ou les parties qui consigneront la provision dans le délai qu’il détermine. La désignation du médiateur est caduque à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis. L’instance est alors poursuivie ».

c) L’article L. 213 ?9 prévoit que le médiateur informe le juge de ce que les parties sont ou non parvenues à un accord.

d) L’article L. 213 ?10 précise enfin que les décisions prises par le juge en application des articles L. 213 ?7 et L. 213 ?8 ne sont pas susceptibles de recours.

IV. -Expérimentation d’une médiation préalable obligatoire

La loi du 18 novembre 2016 prévoit enfin l’expérimentation d’une « médiation préalable obligatoire », pour une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la loi, dans certains contentieux.
Sont visés :

• Les recours contentieux formés par certains agents soumis aux dispositions de la loi n° 83 ?634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires à l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle et

• les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi.

IV. L’expertise dans le cadre de la mise en état « participative »

La loi n° 2016 ?1547 du 18 novembre 2016 avait annoncé la convention
de procédure participative de mise en état (art. 9)

Le titre XVII du livre III du code civil est ainsi modifié :

Le premier alinéa de l’article 2062 est ainsi rédigé :
« La convention de procédure participative est une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige. » ;

L’article 2063 est ainsi modifié :

a) Au 3°, après les mots : « du différend », sont insérés les mots : « ou à la mise en état du litige » ;

b) Il est ajouté un 4° ainsi rédigé  :
« 4° Le cas échéant, les actes contresignés par avocats que les parties s’accordent à établir, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat. » ;

A la première phrase du premier alinéa de l’article 2065, après le mot : « participative », sont insérés les mots : « conclue avant la saisine d’un juge » ;

Au deuxième alinéa de l’article 2066, après le mot : « convention », sont insérés les mots :
« conclue avant la saisine d’un juge ».

Le Décret n° 2017 ?892 du 6 mai 2017 portant diverses mesures de modernisation et de simplification de la procédure civile précise le régime de cette convention.

« Dispositions générales »

 ? L’article 1544 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les parties, assistées de leurs avocats, œuvrent conjointement, dans les conditions fixées par convention, à un accord mettant un terme au différend qui les oppose ou à la mise en état de leur litige. » ;
 ? L’article 1545 est ainsi modifié :

I) Au deuxième alinéa, les mots : « écritures et pièces » sont remplacés par les mots :
« pièces et informations » ;

II) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La convention fixe également la répartition des frais entre les parties sous réserve des dispositions de l’article 123 ?2 du décret n° 91 ?1266 du 19 décembre 1991 lorsque l’une des parties bénéficie de l’aide juridictionnelle. A défaut de précision dans la convention, les frais de la procédure participative sont partagés par moitié. » ;

c) Après l’article 1546, il est créé une sous ?section 2 ainsi rédigée  :

« Sous ?section 2

« Dispositions relatives à la procédure participative aux fins de mise en état

« Art. 1546 ?1. ? Le juge ordonne le retrait du rôle lorsque les parties l’informent de la conclusion d’une convention de procédure participative.

« Art. 1546 ?2. ? Devant la cour d’appel, l’information donnée au juge de la conclusion d’une convention de procédure participative entre toutes les parties à l’instance d’appel interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 908 à 910. L’interruption de ces délais produit ses effets jusqu’à l’information donnée au juge de l’extinction de la procédure participative. » ;

d) Après l’article 1546 ?2, il est créé une section 1 bis ainsi rédigée :

«  Section 1 bis

« Les actes contresignés par avocats
« Art. 1546 ?3. ? Par actes contresignés par avocats précisés dans la convention de procédure participative, les parties peuvent notamment :
«  Constater les faits qui ne l’auraient pas été dans la convention ;

«  Déterminer les points de droit auxquels elles entendent limiter le débat, dès lors qu’ils portent sur des droits dont elles ont la libre disposition ;

«  Convenir des modalités de communication de leurs écritures ;

«  Recourir à un technicien ;

«  Désigner un conciliateur de justice ou un médiateur. » ;

e) A l’article 1555, après les mots : « différend » sont insérés les mots : « ou au litige » ;
3° Le chapitre II est ainsi modifié :
a) A l’article 1556, après les mots : « l’affaire » sont insérés les mots : « ou celle ?ci être rétablie à la demande d’une des parties » et après les mots : « au différend » sont insérés les mots : « ou au litige » ;

b) La section 1 est ainsi modifiée  :

 ? son intitulé est ainsi rédigé :
« La procédure d’homologation d’un accord ou de jugement après tentative de résolution amiable » ;

 ? il est inséré une sous ?section 1 intitulée : « La procédure d’homologation d’un accord mettant fin à l’entier différend » qui comprend l’article 1557 ;

c) La section 2 devient la sous ?section 2 intitulée : « La procédure de jugement du différend persistant » qui comprend les articles 1558 à 1564 ;
4° Après l’article 1564, il est rétabli une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2

« La procédure de jugement après mise en état du litige

« Art. 1564 ?1. ? L’affaire est rétablie à la demande de l’une des parties afin que le juge, selon le cas, homologue l’accord et statue sur la partie du litige persistant ou statue sur l’entier litige.

« La demande de rétablissement est accompagnée de la convention de procédure participative conclue entre les parties, des pièces prévues à l’article 2063 du code civil, le cas échéant, du rapport du technicien, ainsi que des pièces communiquées au cours de la procédure conventionnelle.

« Art. 1564 ?2. ? Lorsque la mise en état a permis de parvenir à un accord total, la demande tendant à l’homologation de l’accord des parties établi conformément à l’article 1555 est présentée au juge par la partie la plus diligente ou l’ensemble des parties.
« Lorsque l’accord concerne un mineur capable de discernement, notamment lorsqu’il porte sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, la demande mentionne les conditions dans lesquelles le mineur a été informé de son droit à être entendu par le juge ou la personne désignée par lui et à être assisté par un avocat.

« Art. 1564 ?3. ? Lorsque la mise en état a permis de parvenir à un accord partiel, la demande de rétablissement indique les points faisant l’objet d’un accord entre les parties, ainsi que les prétentions respectives des parties relativement aux points sur lesquels elles restent en litige, accompagnées des moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec l’indication pour chaque prétention des pièces invoquées.

« Art. 1564 ?4. ? Lorsque le litige persiste en totalité, le juge en connaît selon les modalités prévues à l’article 1564 ?1. »

Article 27
A l’article 1546 ?2, après les mots : « aux articles » sont insérés les mots : « 905 ?2 et ».

L’expertise dans le cadre de la convention de mise en état est inspirée de l’expertise dans le cadre de la procédure participative ayant pour objet le règlement amiable du différend.
En conséquence (rappel) :

Section 2 : Le recours à un technicien (code de procédure civile)

Article 1547
Lorsque les parties envisagent de recourir à un technicien, elles le choisissent d’un commun accord et déterminent sa mission.
Le technicien est rémunéré par les parties, selon les modalités convenues entre eux.

Article 1548
Il appartient au technicien, avant d’accepter sa mission, de révéler toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance afin que les parties en tirent les conséquences qu’elles estiment utiles.

Article 1549
Le technicien commence ses opérations dès que les parties et lui ?même se sont accordés sur les termes de leur contrat.
Il accomplit sa mission avec conscience, diligence et impartialité, dans le respect du principe du contradictoire.
Il ne peut être révoqué que du consentement unanime des parties.

Article 1550
A la demande du technicien ou après avoir recueilli ses observations, les parties peuvent modifier la mission qui lui a été confiée ou confier une mission complémentaire à un autre technicien.

Article 1551
Les parties communiquent au technicien les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
Lorsque l’inertie d’une partie empêche le technicien de mener à bien sa mission, il convoque l’ensemble des parties en leur indiquant les diligences qu’il estime nécessaires. Si la partie ne défère pas à sa demande, le technicien poursuit sa mission à partir des éléments dont il dispose.

Article 1552
Tout tiers intéressé peut, avec l’accord des parties et du technicien, intervenir aux opérations menées par celui ?ci. Le technicien l’informe qu’elles lui sont alors opposables.

Article 1553
Le technicien joint à son rapport, si les parties et, le cas échéant, le tiers intervenant le demandent, leurs observations ou réclamations écrites.
Il fait mention dans celui ?ci des suites données à ces observations ou réclamations.

Article 1554
À l’issue des opérations, le technicien
remet un rapport écrit aux parties, et, le cas échéant, au tiers intervenant.

Ce rapport peut être produit en justice.

V. L’actualité de l’activité de l’expert judiciaire

Le respect des principes fondamentaux :
l’expert doit respecter le contradictoire dans toutes ses opérations.

Plusieurs obligations en découlent pour l’expert :

1° Convoquer les parties avant chaque opération d’expertise, et aviser les conseils (art. 160 CPC). C’est un impératif qui ne peut pas être régularisé par une discussion contradictoire ultérieure. Ainsi, dès lors que la partie n’a pas été convoquée, qu’elle était absente et non représentée lors de cette dernière réunion, le fait que l’expert ait ensuite communiqué à chaque partie ses pré ?rapports ne suffit pas à régulariser la situation et à éviter l’annulation (Civ. 3e, 7 février 2007, n° 05 ?20410).

La convocation des parties aux opérations Civ. 3e, 16 juin 2016, n° 15 ?17785
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Poitiers, 13 février 2015), qu’en janvier 1999, M. et Mme X... ont confié à la société Y... et fils (Y...), assurée auprès de la Mutuelle de Poitiers assurances (la Mutuelle de Poitiers), des travaux de gros oeuvre dans leur maison d’habitation ; que la réception a été prononcée avec des réserves pour de légères infiltrations au niveau de la terrasse extérieure ; que se plaignant d’infiltrations d’eau provenant de la terrasse et de fissures sur les maçonneries, M. et Mme X... ont fait, le 30 mars 2009, une déclaration de sinistre auprès de l’assureur, puis ont assigné en indemnisation la société Y... et la Mutuelle de Poitiers ;
Sur le premier moyen :

Attendu que la Mutuelle de Poitiers fait grief à l’arrêt de refuser de prononcer la nullité du rapport d’expertise, alors, selon le moyen :

1°/
qu’il résulte des articles 16 et 160 du code de procédure civile que le juge doit respecter le principe du contradictoire et que les parties et les tiers qui doivent apporter leur concours aux mesures d’instruction doivent être convoqués par l’expert commis par
lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par remise à leur défenseur d’un simple bulletin ou encore verbalement s’ils sont présents lors de la fixation de la date d’exécution de la mesure, les défenseurs devant être avisés par lettre simple s’ils ne l’ont été verbalement ou par bulletin ; que la cour d’appel qui constate que l’expert a procédé à une visite des lieux le 6 janvier 2011 à partir de 14 heures, les parties n’ayant été convoquées que le matin même par mail ou avis téléphonique, à cette réunion à laquelle n’ont pas assisté les conseils de la Mutuelle de Poitiers et de la société Y..., cette société étant toutefois représentée par M. Y..., ne pouvait considérer que les formalités exigées par l’article 160 du code de procédure civile avaient été respectées ainsi que le principe du contradictoire sans violer les articles susvisés ;

/ qu’il résulte des articles 16 et 160 du code de procédure civile que le non ?respect du contradictoire est sanctionné par l’annulation du rapport d’expertise et ce, même si ce dernier a été versé au débat et discuté par la suite ; qu’en décidant que les conclusions définitives de l’expert rendues hors la présence de certaines parties et notamment de l’exposante, la Mutuelle de Poitiers, et qui modifiaient la nature et l’ampleur des désordres constatés lors d’une première réunion contradictoire, ayant été discutées par voie de dire, le principe de la contradiction avait respecté, la cour d’appel a derechef violé les articles susvisés ;

Mais attendu qu’ayant relevé que, à l’issue de la première réunion, l’expert avait proposé une visite un jour de pluie pour vérifier l’apparition d’infiltrations d’eau par temps pluvieux, qu’aucune réserve n’avait été émise à sa tenue le 6 janvier 2011 à 14 heures, après la convocation des parties et de leurs avocats par avis téléphonique et par courriels adressés dans la matinée, que cette réunion avait eu lieu en présence de M. et Mme X... et de M. Y... et que les conclusions de l’expert, modifiées après celle ?ci, avaient été discutées par dires des parties, la cour d’appel a pu en déduire que le principe de la contradiction avait été respecté ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Une exception : si l’opération a pour objet de procéder à des investigations de caractère purement matériel, tels le mesurage du bruit et les essais acoustiques, la convocation des parties ne s’impose pas, mais à la condition que l’expert communique ultérieurement le résultat de son opération aux parties. Selon la Cass. civ. 2e, 13 janvier 2005 (pourvoi n° 04 ? 12.623) :
« si la présence des parties ne s’impose pas en permanence et si certaines opérations, comme des analyses en laboratoire, peuvent avoir lieu sans que les parties y soient convoquées, l’expert doit, dans ce cas, soumettre aux parties les résultats des investigations auxquelles il a procédé hors de leur présence afin de leur permettre d’être éventuellement à même d’en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport ».

Cette solution est reprise régulièrement : Civ. 2e, 13 mars 2008 (n° 07 ?13412) : l’expert n’avait pas soumis aux parties les résultats des investigations techniques auxquelles il avait procédé hors leur présence…Com. 16 avril 2013, n° 12 ?16978, l’expert avait soumis aux parties le résultat des investigations auxquelles il avait procédé hors de leur présence de sorte qu’elles étaient à même d’en discuter contradictoirement avant le dépôt du rapport ».

L’exception : l’opération purement technique
Civ. 1re 29 mars 2017, n° 16 ?14927 : Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bastia, 4 février 2015), qu’un jugement a ordonné le bornage entre deux parcelles, appartenant pour l’une à M. X... et pour l’autre à Mme Y..., et ordonné, à cette fin, la désignation d’un expert ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’annulation du rapport d’expertise et de fixer la limite entre les parcelles, selon une ligne proposée par ce rapport, alors, selon le moyen, que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui ? même le principe de la contradiction ; qu’en refusant d’annuler le
rapport d’expertise de M. Z..., sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’expert avait soumis aux parties les résultats des investigations techniques auxquelles il avait procédé hors leur présence, afin de leur permettre d’être éventuellement à même d’en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 160 du code de procédure civile ;

Mais attendu que les irrégularités affectant le déroulement des opérations d’expertise sont sanctionnées selon les dispositions de l’article 175 du code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure ; que l’absence de communication aux parties de résultats d’investigations techniques, auxquelles l’expert a procédé, hors la présence des parties, avant la communication du rapport, constitue l’inobservation d’une formalité substantielle, sanctionnée par une nullité pour vice de forme, qui ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité ;

Et attendu qu’ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que Mme Y... avait donné par écrit l’autorisation à l’expert d’accéder sur les lieux sans convocation des parties pour y procéder à des mesures purement techniques, qu’à aucun moment elle n’avait indiqué qu’elle souhaitait que cette opération soit réalisée en présence d’un technicien ou d’un expert de son choix, que, s’agissant d’un aspect purement technique, le relevé des mesures par l’expert n’est critiquable que par un autre relevé d’un technicien de la même spécialité, qu’enfin, l’intéressée n’a pas fait valoir, entre la remise du rapport et la date d’audience, d’autres motifs que ceux liés à la différence de conclusions entre l’expert judiciaire et l’expert mandaté par ses soins, ce dont il se déduisait qu’elle ne prouvait pas le grief que lui aurait causé l’atteinte alléguée au principe de la contradiction, résultant de ce que les parties n’avaient pu débattre contradictoirement, avant le dépôt du rapport, des résultats des investigations techniques réalisés hors leur présence, la cour d’appel a, ainsi, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

2° Permettre en toutes circonstances aux parties de présenter leurs observations même si elles n’ont pas été convoquées parce que l’opération était purement technique (Civ. 2e, 15 mai 2003, Bull. II, n° 147), en soumettant aux parties les résultats des investigations techniques auxquelles l’expert procède, pour qu’une discussion s’installe avant le dépôt du rapport. Dans un arrêt du 22 mai 2014 (n° 12 ?35439), la 2e chambre civile de la Cour de Cassation approuve les juges du fond qui ont décidé que l’absence de toute réponse aux dires ne devait pas entraîner la nullité du rapport d’expertise et ont pris en compte l’avis de l’expert qui n’était pas contesté de manière sérieuse.

Le débat contradictoire doit s’instaurer
« pendant la totalité des opérations d’expertise » (y compris après la phase de l’examen clinique pour une expertise médicale) : à défaut l’expert commet une faute professionnelle grave au sens de l’article 5 de la loi du 29 juin 1971, justifiant sa radiation de la liste des experts (Cass. 1re civ., 1er juin 1999, Bull.
I, n° 183 ; Gaz. Pal. 18 mai 2000, note Olivier, l’expert avait postérieurement fait participer à sa réflexion le seul médecin désigné par une partie !). Si l’expert se contente des observations d’une seule partie, la contradiction est méconnue (CA Paris, 16 déc. 1977, Bull. ch. Avoués 1978, 3, 33).

Com. 20 sept. 2016, n° 15 ?12521
Mais attendu qu’ayant relevé que l’expert, avant de déposer son rapport, n’avait pas répondu à la demande de la société Made, adressée par lettre des 11 et 25 janvier 2010, sollicitant l’organisation d’une réunion de présentation de ses investigations effectuées hors la présence des parties, et de ses pré ?conclusions, et retenu qu’ainsi, la société Made n’avait été en mesure ni de débattre contradictoirement des opérations et des pré ? conclusions, ni d’établir un dire en réponse et que le débat contradictoire devant le juge du fond n’était pas susceptible de pallier le non ?respect du principe de la contradiction avant le dépôt du rapport, la cour d’appel a, à bon droit, prononcé la nullité du rapport d’expertise ; que le moyen, inopérant en sa première branche en ce qu’il critique un motif surabondant, n’est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Degreane Horizon fait grief à l’arrêt de dire qu’il n’y a pas lieu de demander à l’expert judiciaire de compléter son rapport d’expertise par une réponse au dire du conseil technique de la société Made par application de l’article 245 du code de procédure civile alors, selon le moyen, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité
 ; qu’en rejetant la demande de complément d’expertise formulée à titre subsidiaire par la société Degreane Horizon, sans énoncer aucun motif à l’appui de sa décision, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d’appel n’a fait qu’user de son pouvoir discrétionnaire en refusant d’ordonner le complément d’expertise demandé ; que le moyen n’est pas fondé

Le contradictoire s’exerce aussi sur les documents qui sont remis à l’expert pour élaborer son rapport et qui doivent être communiqués à toutes les parties. L’article 275 du code de procédure civile précise que les parties doivent remettre à l’expert tous les documents que celui ?ci estime nécessaires à l’accomplissement de sa mission, et qu’il informe le juge en cas de difficultés, lequel peut ordonner la production des documents et autoriser l’expert à passer outre et à déposer son rapport en l’état. Dans un arrêt du 10 décembre 2014 (n° 13 ? 21 196 et 13 ?21 197), la chambre sociale de la Cour de Cassation approuve un arrêt de cour d’appel qui a débouté des salariés de leur demande de paiement de commissions, ces derniers ayant refusé de fournir à l’expert en dépit de nombreuses relances, les documents nécessaires au calcul des rappels de commissions.

Prévoir une ultime réunion (elle peut être prévue par l’ordonnance qui commet l’expert) avec les parties pour les informer des résultats des opérations et susciter leurs observations (si cette information est prescrite par le juge, le non ?respect est sanctionné, Civ. 2e, 24 févr. 2005, préc. Bull..II, n° 46)

En cas de pré ?rapport, il est indispensable que les parties soient informées par l’expert de la possibilité de présenter des observations, avec un délai raisonnable pour les formuler (art. 276 al. 2 CPC), avant le dépôt du rapport définitif. En cas de non respect de ce délai, l’expert est justifié à ne pas y répondre (art. 276 CPC), à moins qu’il existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en est fait rapport au juge. Certes, le pré ?rapport n’est pas une obligation légale, mais il peut résulter de la mission confiée par le juge et, en tout état de cause, il n’est pas interdit par le CPC (CA Paris, 27 mai 1987, D. 1987, IR 156).

Importance du pré ?rapport et des délais pour répondre : Civ. 3e, 9 mars 2017, n° 15 ?18105 :
Sur le premier moyen du pourvoi n° Q 15 ?18.105 :

Attendu que la société Sotralentz fait grief à l’arrêt de rejeter l’exception de nullité de l’expertise judiciaire, alors, selon le moyen, que le principe de la contradiction commande que chacune des parties soit mise en mesure de répondre aux dires de ses adversaires ; qu’en conséquence, lorsqu’un dire adverse est déposé hors délai, l’expert doit soit refuser d’en tenir compte, soit ouvrir un nouveau délai pour permettre aux autres parties d’en débattre contradictoirement ; qu’en l’espèce, la société SEFI a adressé son dire à l’expert le 22 août 2002, soit après l’expiration du délai ultime pour présenter des observations, fixé au 15 août ; que l’expert n’a cependant pas laissé à la société Sotralentz un nouveau délai pour y répondre ; qu’en refusant pourtant d’annuler le rapport d’expertise, lequel a pris en compte le dire de la société SEFI, en retenant qu’ « aucune règle n’impose à l’expert de permettre à chacune des parties de fournir leurs observations sur les dires déposés par les autres », quand cette exigence était commandée par le respect du principe du contradictoire, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’ayant relevé que l’expert avait, préalablement au dépôt du rapport définitif, adressé aux parties un pré ?rapport d’expertise en les invitant à présenter leurs observations et que le dépôt de son rapport avait été précédé de sept réunions au cours desquelles elles avaient pu s’exprimer, la cour d’appel a exactement retenu que l’expert, auquel aucune règle n’imposait de permettre à chacune des parties de fournir des observations sur les dires déposés par les autres, avait respecté les règles relatives à la contradiction en les invitant à lui faire part des observations qu’appelait son pré ?rapport

Le principe de la contradiction s’applique également lorsque l’expert a pris l’initiative de recourir à un technicien d’une autre spécialité (un sapiteur ou un sachant, prévu à l’art. 278 CPC). Conformément aux dispositions de l’article 282 CPC, l’avis de l’autre expert est joint au rapport de l’expert commis. La Cour de cassation juge que l’expert désigné doit porter cet avis à la connaissance des parties avant le dépôt du rapport lui ?même afin qu’elles soient en mesure d’en discuter devant lui ( Cass. civ. 2e, 16 janvier 2003, Bull. II, n° 5 p. 5 ; D. 2003, somm. 1403, obs. Julien, AJDI 2003, 520, note Heugas ?Darraspen ; Gaz. Pal. 10 ?11 oct. 2003, p. 14, du Rusquec, à propos d’un litige portant sur la diffusion de contrefaçons de bandes dessinées, pour évaluer le préjudice subi par les éditions Dargaud, l’expert avait fait valider ses travaux par un universitaire, sans indiquer son identité et sans soumettre aux parties ni annexer à son rapport l’avis qu’il avait sollicité !!!).

Y a ?t ?il des limites à la contradiction liées au secret professionnel ou au secret des affaires ? La Cour de cassation a jugé qu’un expert ayant pour mission de déterminer si une personne était saine d’esprit au moment de la rédaction de testaments olographes, ne doit pas communiquer directement aux parties les documents médicaux qui lui ont été transmis en cours d’expertise (les parties auraient du faire désigner un médecin qui en aurait pris connaissance, Civ. 1re ; 2 mars 2004, Bull. I, n° 69).

Rappelons que la Cour européenne des droits de l’homme, dans l’arrêt Mantovalenni, avait précisé que le respect du contradictoire, comme celui des autres garanties de procédure consacrées par l’article 6 § 1, vise l’instance devant un "tribunal" ; il ne peut donc être déduit de cette disposition un principe général et abstrait selon lequel, lorsqu’un expert a été désigné par un tribunal, les parties doivent avoir dans tous les cas la faculté d’assister aux entretiens conduits par le premier ou de recevoir communication des pièces qu’il a prises en compte. L’essentiel est que les parties puissent participer de manière adéquate à la procédure devant le "tribunal".
Cette exigence interdit ?elle de communiquer dans une instance un rapport d’expertise établi dans une autre instance connexe, à laquelle l’une des parties n’a pas participé ? On suppose que ce rapport a été soumis à un débat contradictoire, mais l’une des parties n’étaient pas présente à la procédure…
Un tel rapport devrait avoir le même statut que le rapport d’expertise amiable, ou extra ? judiciaire et unilatéral : il peut servir d’élément de preuve, s’il est soumis à un débat contradictoire au cours de l’audience devant le juge.

Sanction des irrégularités : nullité pour vice de forme

1° Nécessité de prouver un grief

Civ. 1re, 19 oct. 2016, n° 15 ?23022 Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mercredi 19 octobre 2016 N° de pourvoi : 15 ?23022 15 ?24557 Non publié au bulletin Cassation partielle

Attendu que Mme Claire X... et M. Gilles X... font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes d’annulation des rapports d’expertise ;

Attendu que les irrégularités affectant le déroulement des opérations d’expertise sont sanctionnées, selon les dispositions de l’article 175 du code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure ; que l’accomplissement par un expert d’investigations, hors la présence des parties, constitue l’inobservation d’une formalité substantielle, sanctionnée par une nullité pour vice de forme qui ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité ;

Attendu qu’ayant relevé que Mme Claire X... et M. Gilles X... ne prouvaient pas le grief que leur avait causé personnellement l’exécution de certaines opérations d’expertise hors leur présence, la cour d’appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision de ce chef

Même solution dans Civ ; 1re, 21 sept. 2016, n° 15 ?24804, non publié au Bull

Attendu que Mme Eliane Z... fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de nullité du rapport d’expertise et d’homologuer en conséquence l’état liquidatif de la succession de Renée X..., veuve Y...

Attendu que les irrégularités affectant le déroulement des opérations d’expertise sont sanctionnées selon les dispositions de l’article 175 du code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure ; que l’absence d’établissement d’un pré ?rapport, en méconnaissance des termes de la mission d’expertise, constitue l’inobservation d’une formalité substantielle, sanctionnée par une nullité pour vice de forme qui ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité ;
Attendu qu’ayant relevé que Mme Z... avait été destinataire des éléments d’information recueillis par l’expert en son absence, par l’intermédiaire de son conseil, qui l’avait assistée lors de la précédente réunion d’expertise, et qu’elle avait bénéficié de la faculté de formuler des observations avant le dépôt du rapport de l’expert, ce dont il se déduisait que l’intéressée ne prouvait pas le grief que lui aurait causé l’atteinte alléguée au principe de la contradiction résultant de l’absence de dépôt d’un pré ?rapport, la cour d’appel, qui a décidé que l’irrégularité invoquée n’entraînait pas la nullité de l’expertise, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

2° Nécessité de l’invoquer avant toute défense au fond

Civ. 2e, 19 mai 2016, n° 15 ?17538

Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable sa demande de nullité partielle des conclusions du rapport d’expertise, alors, selon le moyen :

1°/ que si la demande en nullité d’une expertise judiciaire doit, à peine d’irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond, il n’en va pas de même pour la demande de nullité partielle présentée à titre subsidiaire, en réplique à une défense au fond de l’adversaire, qui ne peut par hypothèse pas être formée ab initio ; qu’en déclarant néanmoins irrecevable la demande en nullité partielle du rapport d’expertise présentée à titre subsidiaire par M. X... en réplique aux conclusions de la société Aviva vie, faute d’avoir été présentée avant toute défense au fond, la cour d’appel a violé par fausse application les articles 175 et 112 du code de procédure civile ;

2°/ qu’il incombe au juge de rechercher si la demande en nullité partielle d’une expertise judiciaire, bien que formée par une partie après que celle ?ci eut présenté des moyens de défense au fond, n’est pas recevable compte tenu de l’apparition, postérieure à la défense au fond, de la nécessité de l’invoquer, en réplique à la défense de son adversaire ; qu’après que M. X... eut conclu en ouverture de rapport en sollicitant l’homologation de la simulation n° 1 du rapport d’expertise, la société Aviva vie a conclu au rejet de cette demande et à l’application de la clause dite des 5 % limitant drastiquement l’indemnisation de M. X..., contraignant ce dernier à solliciter, à titre subsidiaire, la nullité partielle de l’expertise judiciaire sur le taux d’efficacité de 15,79 % retenu par l’expert, en violation de l’article 278 du code de procédure civile et du principe de la contradiction, pour le cas où la cour d’appel n’homologuerait pas la simulation n° 1 et appliquerait la clause des 5 % ; qu’en ayant considéré que la nullité invoquée était couverte lorsque M. X... l’avait soulevée pour déclarer irrecevable la demande en nullité partielle de l’expertise sans rechercher si cette demande, qui n’était présentée qu’à titre subsidiaire, n’avait pu être formée avant toute défense au fond dès lors que la nécessité de la soulever ne s’était imposée qu’en raison des écritures de son adversaire, postérieures à ses premières écritures en ouverture de rapport, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 175 et 112 du code de procédure civile ;

3°/ que lorsqu’une expertise a été ordonnée, chaque partie doit disposer de la faculté de discuter efficacement les conclusions du rapport d’expertise, dans la mesure où ce dernier est susceptible d’influer sur l’appréciation des faits par le juge ; que les articles 175 et 112 du code de procédure civile, en ce qu’ils imposent à peine d’irrecevabilité au demandeur de soulever in limine litis la nullité du rapport d’expertise tirée du manquement de l’expert au principe de la contradiction et l’exposent, à défaut, à ce qu’une décision de justice soit rendue sur la base d’un élément de preuve essentiel établi de façon non contradictoire, sont contraires aux exigences du droit à un procès équitable ; qu’en faisant cependant application de ces dispositions, pour déclarer irrecevable la demande de nullité partielle du rapport d’expertise tirée du manquement de l’expert au principe de la contradiction, la cour d’appel a violé l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme ;

Mais attendu que si la demande de nullité d’une expertise ne constitue pas une exception de procédure mais une défense au fond, elle demeure soumise en application de l’article 175 du code de procédure civile, aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure, fût ?elle présentée à titre subsidiaire ;

Et attendu qu’ayant constaté que M. X... avait présenté des défenses au fond avant de soulever la nullité partielle des conclusions de l’expert et relevé que les causes de nullité invoquées existaient dès le dépôt du rapport d’expertise, la cour d’appel a décidé à bon droit, sans encourir les griefs du moyen, que la nullité était couverte et que la demande de
M. X... était irrecevable

3°/ La demande de nullité ne peut pas être fondée sur la prétendue incompétence de l’expert :

Civ.3e, 30 juin 2016, n° 15 ?16648

Sur le premier moyen, ci ?après annexé :

Attendu que la société AQP fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en nullité du rapport d’expertise de M. Y...et tendant à voir écarter le rapport de M. Y..., de sa demande de désignation d’un contre ?expert et de la condamner à payer diverses sommes à la société Fermière X... en réparation de ses préjudices ;

Mais attendu qu’ayant retenu, sans violer l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, d’une part, que l’absence de compétence de M. Y...en matière de génie frigorifique n’apparaissait pas dirimante à la qualité de son avis, dès lors que ce technicien était inscrit sur la liste des experts dans le domaine thermique comme étant directeur d’une société en génie climatique et membre de l’association des ingénieurs en chauffage/ ventilation/ froid et que de telles références lui permettaient de répondre à sa mission utilement, avec une compétence professionnelle en parfaite adéquation avec les questions techniques posées, notamment pour ce qui concerne l’évaluation du préjudice corrélatif à la défaillance du système de conditionnement de l’air hygiénique et de climatisation de l’installation litigieuse, d’autre part, répondant aux conclusions prétendument délaissées, qu’aucun élément du dossier ne permettait de conclure que la matérialité et l’étendue des préjudices financiers, raisonnablement appréciées par M. Y..., reposaient sur des bases erronées, la cour d’appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;

4° Nullité du rapport d’expertise et rémunération de l’expert

Cour de cassation chambre civile 2 Audience publique du jeudi 2 février 2017 N° de pourvoi : 16 ?13224 Non publié au
bulletin Cassation

Vu l’article 284 du code de procédure civile ;
Attendu, selon ce texte, que le juge fixe la rémunération de l’expert en fonction notamment des diligences accomplies, des délais impartis et de la qualité du travail fourni ;

Attendu, selon l’ordonnance attaquée rendue par le premier président d’une cour d’appel, statuant en matière de rémunération des techniciens, que dans un litige opposant M. X...à la société BPCE prévoyance et à la caisse primaire d’assurance maladie du Doubs, M. Y... a été désigné en qualité d’expert ; qu’après dépôt du rapport, ses honoraires ont été fixés à une certaine somme ;

Attendu que, pour confirmer la décision fixant les honoraires de l’expert à cette somme, l’ordonnance énonce, après s’être fondée sur les diligences accomplies et le respect des délais impartis, que le surplus des critiques adressées à l’expert par M. X... concerne le fond du litige et que, si ces critiques sont susceptibles, à les supposer fondées, d’entraîner la nullité du rapport ou de justifier l’instauration d’une nouvelle expertise, elles ne sont pas de nature à permettre la réduction du montant des honoraires de M. Y... ;

Qu’en statuant ainsi, en refusant d’examiner les manquements allégués relatifs à la qualité du travail fourni par l’expert, tirés de la motivation du rapport, de ses lacunes et erreurs, du respect de la mission et de l’absence de réponse aux dires, le premier président a violé le texte susvisé.

5° Portée de la nullité du rapport

La nullité de l’expertise est soumise à des règles spécifiques, tenant à la nature particulière du rapport. L’idée générale qui gouverne les sanctions édictées par le Code de procédure civile est de maintenir coûte que coûte une certaine effectivité au rapport d’expertise, même affecté d’irrégularités : le temps passé, les frais engagés, la nécessité pour le juge d’être éclairé sur les questions de fait, imposent cet objectif. On retrouve cette tendance, à la fois, dans le régime de la nullité et dans les possibilités de compléter l’expertise déficiente.

- dans la mesure du possible, elle est limitée. En effet, la nullité ne frappe que celles des opérations qu’affecte l’irrégularité, et non la mesure d’instruction dans son ensemble (art. 176, CPC).

- de même, l’expertise peut échapper à la nullité : ainsi, les opérations peuvent être régularisées ou recommencées, même sur le champ, si le vice qui les entache peut être écarté, et il est possible de prouver qu’en dépit d’une irrégularité, les prescriptions légales ont été, en fait, observées, pour faire obstacle au prononcé de la nullité (art. 178 du CPC). Par exemple, la nullité de l’expertise n’est pas encourue si l’expert, après avoir omis de convoquer l’une des parties à la première opération d’expertise, a ensuite repris l’affaire à son départ par une nouvelle réunion à laquelle toutes les parties étaient convoquées [1]. Cette régularisation peut même intervenir en cours d’instance. Dans une affaire jugée par la Cour de cassation en 2004 [2], une cour d’appel a pu demander à l’expert de reprendre la partie de ses opérations non effectuée contradictoirement, et ordonner la réouverture des débats en invitant l’expert à communiquer aux parties la teneur de l’avis du technicien consulté, à recueillir leurs dires et à y répondre. Le comportement de l’expert permet parfois d’éviter le prononcé de la nullité du rapport : par exemple, si le juge prescrit la communication d’un pré-
rapport, ce que l’expert ne respecte pas, mais qu’il apparaît que l’expert a tenu compte de tous les éléments fournis par les parties, que le demandeur à la nullité avait pu s’expliquer complètement et présenter l’ensemble de son argumentation de manière contradictoire, l’inobservation de cette obligation n’a pas causé de grief à la partie et le principe de la contradiction a été respecté [3].

- lorsque la cause de nullité résulte d’un vice de pure forme dans la rédaction du rapport (par exemple le défaut de signature de l’expert), il est possible de prouver qu’en dépit d’une irrégularité, les prescriptions légales ont été, en fait, observées, pour faire obstacle au prononcé de la nullité (art. 178 du CPC). par exemple, échappe à l’annulation l’expertise dont le rapport n’est signé que par un seul des experts commis, dès lors que la preuve de la collaboration et de la conformité d’avis des deux experts est rapportée, l’omission matérielle reprochée n’ayant entraîné aucun préjudice pour les parties.
- la nullité d’une mesure d’instruction doit être soulevée lors de l’instance au cours de laquelle elle a été prescrite. Dans le cas où une expertise a été prononcée avant tout procès sur le fondement de l’article 145 du CPC, la nullité du rapport doit être présentée à l’occasion de l’instance au fond, et non à titre principal [4]. Toutefois cette règle connaît des limites lorsque l’expertise n’est pas destinée à rapporter une preuve dans le cadre d’un procès mais dans les relations par exemple d’une personne avec l’autorité administrative. Dans un arrêt du 2 décembre 2014 (n° 13 ?24 029), la chambre sociale de la Cour de Cassation rappelle que lorsque « l’appréciation de la faute reprochée un salarié protégé relevant de l’autorité administrative, l’action en nullité du rapport d’expertise exercée à titre principal est recevable lorsque la mesure est destinée à établir si le grief est fondé » ; en conséquence doit être déclaré irrecevable la demande d’annulation des opérations d’expertise ordonnée par le tribunal de grande instance sur requête sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile pour prouver la faute d’un délégué syndical qui, dans l’exercice de son droit syndical avait détourné des informations confidentielles par intrusion dans le réseau informatique de l’entreprise.

- La nullité du rapport pour violation du contradictoire dans le déroulement de l’expertise est soumise par la jurisprudence à des conditions différentes de celle des actes de procédure. Le CPC prévoit en effet une liste limitative de vices de fond (défaut de capacité et défaut de pouvoir), qui entraînent le prononcé de la nullité sans preuve d’un grief. Au contraire, les autres cas de nullité, particulièrement la violation du contradictoire, sont des vices de forme, ce qui impose au demandeur de prouver que l’irrégularité lui a causé un grief pour l’annulation du rapport [5].
Par exemple, si l’expert a entendu un sachant dans des conditions irrégulières (dans la même spécialité par exemple), le rapport ne sera pas annulé s’il n’a tiré aucun parti de ses dépositions, et que le demandeur n’a donc subi aucun grief [6]. De même lorsqu’il est relevé que l’expert judiciairement désigné avait communiqué aux parties son rapport initial sans leur avoir soumis de pré ?rapport, il avait toutefois répondu dans une annexe à l’une des observations de la partie, en réévaluant son préjudice ; les opérations d’expertise avaient fait l’objet d’une réouverture afin que les parties puissent après communication du pré ?rapport adresser leurs dires à l’expert, mais que la partie qui sollicitait l’annulation du rapport n’avait pas usé de la faculté de faire valoir ses observations et que la portée et la valeur des conclusions du rapport avait été discutées contradictoirement devant les juges du fond, tout ceci démontrant que la partie ne prouvait pas le grief que lui aurait causé l’irrégularité alléguée et les juges refusent de prononcer la nullité de l’expertise (Cass. civ. 1re 10 juillet 2014, n° 12 ?22514).
La violation du contradictoire dans le déroulement de l’expertise ne peut être sanctionnée que par la nullité du rapport, et non l’inopposabilité [7].

Mais cette nullité obéit à un régime original : elle est présentée sous forme de « demande en nullité » et non d’exception de procédure, bien qu’elle doive être présentée in limine litis [8]. La Civ. 1re, 30 avr. 2014, n° 12 ?21484, rappelle que si la demande de nullité d’une expertise ne constitue pas une exception de procédure mais une défense au fond, elle demeure soumise en application de l’article 175 du code de procédure civile, aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure ; que Madame Y ayant présenté des défenses au fond avant de soulever la nullité du rapport d’expertise, la cour d’appel a décidé à bon droit que la nullité était couverte.

Une telle demande de nullité doit être formulée de manière expresse. Dans un arrêt du 14 octobre 2014 (n° 13 ?18 604), la 3e chambre civile a jugé que « les irrégularités affectant le déroulement des opérations d’expertise sont sanctionnés selon les dispositions de l’article 175 du code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant les nullités des actes de procédure ; que le syndicat des copropriétaires n’ayant pas sollicité la nullité de l’expertise, la cour d’appel n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ces constatations rendaient inopérantes ». En l’espèce, le syndicat des copropriétaires faisait valoir l’irrégularité du rapport, faute de respect du principe de la contradiction, l’expert ayant omis de convoquer l’avocat du syndicat des copropriétaires à sa dernière réunion, et de communiquer aux parties les derniers documents reçus.

Lorsqu’une demande de nullité a été formulée, le juge saisi doit motiver sa décision et répondre de manière contradictoire, sous peine de violer l’article 16 du code de procédure civile. C’est ce qu’a décidé la 2e chambre civile de la Cour de Cassation le 7 mai 2014 (n° 13 ? 16 954) : pour rejeter la demande de l’employeur tendant à l’annulation du rapport d’expertise médicale, sans rechercher ainsi qu’elle y était invitée, si l’expert avait convoqué les parties aux opérations d’expertise, si l’employeur avait été mis en demeure de discuter la vie de l’expert avant le dépôt du rapport d’expertise, et le cas échéant, s’il était résulté de ces irrégularités un grief pour l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. ?

[1(1)

[2(2)

[3(3)

[4(4)

[5(5)

[6(6)

[7(7)

[8(8)

RÉFÉRENCES
(1) Civ. 3e, 7 novembre 1972, Bull. III, n° 581
(2) Civ. 2e, 24 juin 2004, Bull. II, n° 317 ; Procédures 2004, comm. 178, Perrot (3) Civ. 2e, 15 novembre 2007, n° 06-17719
(4) Civ. 2e, 3 mai 2007, JCP 2007, IV, 2129.
(5) Civ. 1re, 30 avr. 2014, n° 13-13579
(6) Civ. 1re, 24 février 1964, Bull. civ. II, n° 103
(7) Cass. Ch. Mixte, 28 sept. 2012, n° 11-11381.
(8) Civ. 3e, 27 févr. 2013, n° 12-13624.-Civ. 1re, 30 avr. 2014, n° 12-21484

deconnecte