Cession de bail commercia

Cession de bail commercial et clause de garantie solidaire

Quand un bail commercial stipule une clause de garantie solidaire au vu de laquelle, en cas de cession, le cédant reste solidairement tenu des loyers et charges à venir dus par le cessionnaire, cela implique-t-il que ce dernier soit, de manière réciproque, tenu solidairement d’éventuelles dettes du cédant pour le passé ?

La clause de garantie solidaire est destinée à sécuriser le bailleur, qui aura, après la cession, deux débiteurs : l’ancien locataire (le cédant) et le nouveau ( le cessionnaire). Le bailleur conserve ainsi ses prérogatives contre le cédant, qu’il a initialement choisi, alors que lors de la cession, ce n’est pas lui qui choisit le cessionnaire. Cette garantie est donc pleinement justifiée. Néanmoins, elle n’a pas lieu de plein droit ; il est nécessaire qu’elle soit prévue par une clause du bail.

Un récent arrêt de la Cour de cassation contribue à déterminer les effets d’une telle clause (Cass. civ. 3, 27 sept. 2011). Par acte du 27 octobre 1994, une SCI (société civile immobilière) avait donné à bail des locaux à une SARL, mise en liquidation judiciaire le 21 juillet 2006. Le fonds de commerce est ensuite cédé, le 16 mars 2007, à une autre SARL. Une action du bailleur tendant à la révision du loyer était en cours à cette époque, ce dont le cessionnaire est informé. L’action aboutit à un jugement du 9 janvier 2008 fixant le montant du loyer révisé à effet du 1er avril 2004, et faisant apparaître un arriéré de 159 734 euros, afférent, pour la majeure partie, à la période antérieure à la cession. Le cessionnaire était-il tenu de cet arriéré ?

Sur le principe

Le bail énonçait que « le cessionnaire sera dans tous les cas, du seul fait de la cession, garant du paiement par le preneur de la totalité des sommes dues au titre du présent bail par ledit preneur à la date de la cession ». Cette clause suffit à répondre, sur le principe, à la question posée. La clause de garantie solidaire étant une stipulation contractuelle, il appartient aux parties de déterminer librement, dans cette clause, si elle ne joue que dans un sens - le cédant garantissant les dettes du cessionnaire -, ou si elle joue dans les deux sens - le cessionnaire garantissant aussi les dettes du cédant. Cette seconde variante est plus rare, mais c’est celle que le bail avait ici adoptée ; le cessionnaire était dès lors tenu des 159 734 euros d’arriéré.

Qu’il s’agisse d’un arriéré de loyer déterminé après la cession ne change rien. Il appartient aux parties de déterminer, dans la clause, quelles sont les dettes couvertes par la garantie solidaire : loyers seuls, loyers et charges, ou toutes obligations du preneur. Ici la clause visait « la totalité des sommes dues au titre du présent bail par ledit preneur à la date de la cession ». L’arriéré résultant de la fixation rétroactive du loyer révisé était concerné ; l’article R. 145-20 du Code de commerce énonçant que le nouveau loyer est dû à dater du jour de la demande, il s’agissait, pour l’arriéré antérieur au 16 mars 2007, de sommes dues « à la date de la cession ». Le cessionnaire poursuivi tentait néanmoins de s’exonérer en arguant de règles propres à la liquidation.

Le cas particulier du cédant en liquidation

L’article L. 641-12 du Code de commerce, issu de réformes de 1994, 2005 et 2008, énonce, à propos de la cession du bail en période de liquidation judiciaire, que « toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire est réputée non écrite » (en sauvegarde : art. L. 622-15, et en redressement : art. L. 631-14). Sur ce fondement, la clause de garantie solidaire est assurément écartée en ce qu’elle imposerait au cédant en procédure collective de garantir les dettes du cessionnaire. Une telle garantie serait de fait impossible à mettre en œuvre ; l’exiger ferait obstacle à la cession.

La clause en son aspect inverse, stipulant la garantie des dettes du cédant par le cessionnaire, était-elle aussi réputée non écrite ? C’est ce que prétendait la SARL cessionnaire. La Cour de cassation refuse d’interpréter ainsi l’article L. 641-12. Elle prend dès lors le risque de faire fuir les candidats repreneurs, effrayés d’avoir à supporter les impayés de loyers et les révisions rétroactives. En droit, la solution ne convainc pas, car l’article L. 641-12 ne distingue pas suivant que c’est le cédant qui garantit la dette du cessionnaire ou le contraire ; il se borne à viser la clause imposant une solidarité de l’un avec l’autre, ce qui était assurément le cas examiné. Les conditions étaient donc réunies pour que la clause soit écartée.

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