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Chambre des Notaires 06 : La vision de Me Laurent Libouban

Laurent LIBOUBAN, le nouveau président, innove à la tête de l’instance départementale avec des conseillers délégués aux actifs numériques, à l’intelligence artificielle et à la cybersécurité. Il répond aux questions des Petites Affiches.

Quelle est la feuille de route de votre mandat ?

Laurent Libouban : La Chambre des Notaires a beaucoup d’éléments du quotidien à gérer, aussi bien au niveau des relations entre les notaires que des relations des notaires avec leurs clients. Il y a en plus trois axes principaux que je souhaite développer, avec un membre dédié pour chacun de ces axes.
Pour la première fois, nous avons une Chambre avec des conseillers qui sont délégués à telle ou telle activité. Par exemple, Pauline Magnaldi, notaire à Nice, est déléguée aux actifs numériques et a pour tâche de former les notaires sur la manière dont le notariat doit s’emparer de ces actifs numériques car des sondages montrent que beaucoup de Français sont détenteurs de cryptoactifs. Il y a également un délégué au déploiement de l’intelligence artificielle, Frédéric Vouillon, notaire à Grasse. Il est chargé du déploiement de l’IA dans nos études. En termes de gestion du quotidien, cela devrait changer la vie des notaires et des collaborateurs mais il faut que cela soit encadré, que l’on puisse former nos collaborateurs et former les notaires. L’IA doit être un outil d’assistance, qui améliore notre productivité et qui ne doit pas être un danger pour la sécurité juridique. À nous de trouver le bon équilibre.
Le troisième axe est justement la sécurité informatique, avec comme délégué Antoine Cadudal, notaire à Nice. Il a pour mission de mettre en œuvre et d’assurer la sécurité la plus optimale possible dans nos études, même si on sait que c’est très difficile. Il faut identifier tous les points de fragilité et essayer de trouver des réponses. […] Le Conseil supérieur du notariat, avec à sa tête Bertrand Savouré, est en train de mettre en place, au niveau national, des actions concernant le déploiement de l’IA. Mon rôle consiste également à mettre en œuvre des actions au niveau local.

Quels sont vos autres chantiers à côté de ces trois axes principaux ?

© DR courtesy Chambre des Notaires 06

Laurent Libouban : Il y a également l’idée de diversifier l’activité des notaires. Le cœur d’activité des notaires est connu, à savoir l’immobilier et le droit de la famille. L’objectif est d’exporter l’acte authentique, la confiance notariale, dans des secteurs qui ne sont pas aujourd’hui, même s’ils l’ont été par le passé, le cœur de l’activité notariale. Cela peut être le droit des affaires, la gestion locative, la gestion patrimoniale… Ce sont des axes de développement et je pense que les clients nous attendent sur ces sujets-là. La rédaction de statuts et de cessions de parts authentiques, par exemple, apporte beaucoup de sécurité puisqu’aujourd’hui tout est dématérialisé et sujet à de potentielles falsifications.

En ce qui concerne la gestion locative et la gestion de patrimoine, comment voyez-vous les relations avec les agents immobiliers ?

Laurent Libouban : La gestion de patrimoine, nous en avons toujours fait. Et en ce qui concerne la gestion locative, nous faisons déjà de la négociation notariale et nous le faisons de manière intelligente, avec nos partenaires. Il est vrai qu’en 2015-2016 les relations ont pu être un peu tendues lorsque nous avons lancé la négociation notariale lors de la première diversification mais aujourd’hui nous avons de bons rapports avec les instances, notamment la FNAIM. L’idée n’est pas d’être une déferlante mais que chaque notaire, dans le département, puisse se saisir d’une activité qu’il n’exerce pas aujourd’hui et qui pourrait apporter une diversification, une approche élargie de son métier et qui permettrait de répondre à un besoin des clients.

Votre prédécesseur, Me Hervé Accorsi, avait déjà souhaité cette diversification alors que beaucoup d’études dépendent presque exclusivement de la vente de biens immobiliers.

Laurent Libouban : C’est historique. Mais il y a 50 ans les notaires ne dépendaient pas exclusivement de l’immobilier. Les notaires étaient gestionnaires locatifs, conseillers en gestion de patrimoine. Ils rédigeaient des baux commerciaux, des baux ruraux et ils procédaient également à des opérations de banque parce qu’à l’époque il était possible de placer son argent chez le notaire. Aujourd’hui c’est interdit évidemment. Le notaire avait un rôle global sur les aspects juridiques et patrimoniaux qu’il a plus ou moins abandonné avec le temps et s’est axé de plus en plus vers l’immobilier. Quand on gère une entreprise, la spécialisation peut avoir des avantages. L’immobilier a toujours été une activité cyclique mais les cycles sont de plus en plus courts et il est de plus en plus difficile de gérer l’entreprise notariale avec des cycles aussi courts. Depuis le Covid, nous avons connu trois cycles. En l’espace de cinq ans, c’est du jamais vu ! Il est donc important d’aller vers des domaines qui sont moins dépendants de la conjoncture immobilière.

Vous utilisez souvent le mot « entreprise ». Il est important pour vous de rappeler que les notaires sont aussi des chefs d’entreprise…

Laurent Libouban : Bien qu’officiers publics et ministériels, les notaires sont, pour la plupart (les deux tiers dans les Alpes-Maritimes), des chefs d’entreprise. C’est fondamental de ne pas l’oublier. Avec le recul, je trouve que le terme de profession libérale n’est pas adapté car trop orienté vers une activité individuelle. Depuis toujours, les notaires sont des employeurs et ont eu une approche de chef d’entreprise. […] Il faut accompagner les jeunes dans cette approche entrepreneuriale de la profession. C’est nécessaire, du fait de notre nombre. Quand nous étions deux fois moins nombreux – et on nous l’a suffisamment reproché – le notaire attendait le client. Maintenant, il faut être meilleur que les autres, plus spécialisé dans un domaine, pour pouvoir attirer le client. Si un client n’est pas satisfait, il fait cinquante mètres et il va chez un autre notaire. La confiance est fragile et elle peut disparaître rapidement. Les clients sont de plus en plus exigeants, de plus en plus volatils et il faut répondre à leurs attentes. Si nous répondons à leurs attentes, ils restent.

Propos recueillis par Sébastien GUINÉ

Photo de Une ©DR courtesy Chambre des Notaires 06