Conditions permettant à

Conditions permettant à un maire d’interdire pendant la nuit la vente à emporter de boissons alcoolisées

La loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant « réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires » a innové en octroyant au maire le pouvoir d’interdire sur le territoire communal la vente à emporter de boissons alcoolisées. L’article 95 de cette loi précise que l’arrêté municipal du maire pris à cet effet doit indiquer la plage horaire d’interdiction qui ne peut pas démarrer avant 20 heures et qui doit impérativement s’achever au plus tard à 8 heures du matin.

Bien entendu, comme toute mesure de police administrative, la décision du maire prise en application de l’article 95 de la loi n°2009-879 doit être strictement nécessaire pour assurer le maintien de l’ordre public.

L’arrêté municipal interdisant la vente d’alcool à emporter ne peut donc pas être rédigé de manière trop générale et ne peut pas aboutir à une prohibition absolue. Les mesures en cause doivent, en outre, respecter le principe d’égalité, les discriminations étant en conséquence illégales. Enfin, le maire ne doit pas commettre de détournement de pouvoir en usant de ses prérogatives dans un but autre que celui en vue duquel elles lui ont été confiées.

Appliqué à la vente à emporter de boissons alcoolisées, cet état du droit est particulièrement difficile à mettre en œuvre.

Un arrêt récent de la Cour administrative d’appel de Douai permet d’appréhender la marge de manœuvre reconnue aux maires pour l’adoption de telles mesures de police. Dans cette espèce, le maire du Havre a, par arrêté du 21 février 2011, interdit la vente de toutes boissons alcoolisées à emporter des 2e à 5e catégories entre 20 heures et 6 heures du matin dans les magasins d’alimentation, épiceries et établissements de vente à emporter dans les secteurs géographiquement strictement définis dans l’arrêté.

Saisi par des commerçants, le tribunal administratif de Rouen a annulé l’arrêté en question.

Pour ce faire, le tribunal a considéré que l’interdiction édictée n’était pas suffisamment justifiée au regard du prétendu risque encouru. Saisi en appel, la Cour administrative d’appel de Douai a censuré le raisonnement adopté par le tribunal. Pour ce faire, la Cour va, tout d’abord, constaté que la mesure de police adoptée par le maire du Havre était fondée sur des rapports des services de police élaborés entre 2006 et 2011. Or, ces rapports constataient une forte consommation d’alcool sur la voie publique ainsi que des attroupements de personnes sur les secteurs géographiques visés par l’arrêté attaqué. La Cour considère, contrairement au tribunal, que l’interdiction de vente à emporter des boissons alcoolisées peut se fonder sur des rapports de police. Il s’agit, ici, du premier important apport de cet arrêt.
Ensuite, après avoir rappelé que le juge doit vérifier si l’interdiction de vente à emporter de boissons alcoolisées ne porte pas une atteinte disproportionnée aux libertés publiques, la Cour s’est livrée, dans cette espèce, à cette analyse. La Cour a, ainsi, considéré que les rapports de police établis entre 2006 et 2011 faisaient apparaître que la consommation de boissons alcoolisées dans certains quartiers de la ville engendrait une forte augmentation des attroupements bruyants et gênants, des infractions pour conduite en état d’ivresse et ivresse manifeste sur la voie publique, et des accidents notamment en fin de journée et dans la nuit.

Dès lors, pour la Cour, la nécessité de prévenir et de réprimer ces nuisances justifie la mesure d’interdiction de vente à emporter de boissons alcoolisées sans que cette interdiction ne porte une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et d’industrie.

Cet intéressant arrêt rappelle donc aux élus locaux qu’ils peuvent se fonder sur les rapports de police municipale et/ou étatique constatant d’importantes nuisances provoquées par la consommation sur la voie publique de boissons alcooliques pour interdire, entre 20 h et 8h00, la vente à emporter de telles boissons dans les secteurs géographiques strictement concernés par ces nuisances.

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