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Contrôle Urssaf : ce qui va changer (1/3)

La loi de Financement de la sécurité sociale pour 2015, du 22 décembre 2014, comporte plusieurs dispositions relatives aux vérifications menées par les Urssaf, parmi lesquelles la limitation à trois mois des contrôles visant les entreprises de moins de dix salariés.

Jusqu’à présent, aucune restriction n’existait dans le Code de la sécurité sociale quant à la durée du contrôle Urssaf.

Selon un rapport rédigé par le député Gérard Bapt , « les contrôles des Urssaf dans les TPE durent un peu plus d’un mois, mais certaines situations ont été rapportées où le contrôle a duré plus d’un an » (cette affirmation n’est cependant appuyée par aucun élément tangible). En 2009, la durée du contrôle était le plus souvent comprise entre une demi-journée et cinq jours ; elle peut atteindre exceptionnellement plusieurs mois pour les grandes entreprises. Dans ces conditions, d’aucuns s’interrogeront, légitimement, sur l’intérêt d’un tel ajout dans le Code de la sécurité sociale.

A y regarder de près, l’intérêt peut être trouvé dans plusieurs directions. Selon l’étude d’impact du projet de loi, le but est de s’inscrire « dans une démarche globale et équilibrée de confiance entre les organismes de recouvrement, les entreprises et les travailleurs indépendants » Or, un contrôle « peut constituer une gêne pour l’activité de l’entreprise d’autant plus importante que l’entreprise est petite. Dans les TPE, la mobilisation du personnel ou du chef d’entreprise lui-même est susceptible d’avoir une influence sur l’activité économique de l’entité contrôlée », note le rapport précité.

Ensuite, les règles applicables en droit fiscal constituent une grande attractivité en matière de contrôle Urssaf.

Ainsi, l’article 52 du Livre des procédures fiscales limite à trois mois la vérification sur place des livres et documents comptables pour les TPE (en fonction du chiffre d’affaires : actuellement, entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 783 000 euros).

De nombreux amendements avaient été déposés dans le cadre des lois de Financement de la sécurité sociale antérieures, afin d’étendre cette règle fiscale au droit de la sécurité sociale. Déjà, en 2008, la commission Fouquet s’était penchée sur cette question et, en 2011, la Cour de cassation a introduit, dans le domaine du droit de la sécurité sociale, sans la définir, la notion de « délai raisonnable ».

Enfin, la limitation de la durée des contrôles peut aussi être dans l’intérêt des organismes de recouvrement.

« Elle permettrait de libérer des inspecteurs pour contrôler davantage d’entreprises. Elle limiterait aussi les pertes liées à la prescription d’une partie des redressements », note le rapport Bapt. L’argument est intéressant : la prescription des cotisations commence à la mise en demeure, c’est-à-dire à la fin du contrôle. Ce qui en pratique signifie qu’un contrôle qui durerait trop longtemps pourrait desservir les intérêts de l’Urssaf.

Avancée pour les cotisants ?

Dans ces conditions, la limitation de la durée du contrôle est vite apparue comme une nécessité pour les organismes de recouvrement. Toutefois, par opposition à la fiscalité, on peut regretter une fois de plus, que le législateur ait mis en œuvre une mesure compliquée qui ne protégera en aucune manière les cotisants.
D’abord, les nouvelles dispositions visent les entreprises de moins de dix salariés ou les travailleurs indépendants et concernent tant le contrôle sur place que celui sur pièces. Ce seuil est fixé par l’article D. 241-26 du Code de la sécurité sociale (équivalents temps plein appréciés au 31 décembre sur la moyenne des douze mois de l’exercice). On notera cependant que l’article R. 243-59-3 du Code de la sécurité sociale concernant le contrôle des obligations déclaratives et de paiement vise « les employeurs et travailleurs indépendants occupant neuf salariés au plus au 31 décembre de l’année qui précède celle de l’avis de contrôle ».

En outre, le texte tient compte, en plus des salariés de l’entreprise, des autres personnes auxquelles l’entreprise contrôlée verse des rémunérations ( société de travail temporaire qui ne compte que peu de salariés mais gère le travail de plusieurs centaines de travailleurs intérimaires, par exemple) ainsi que des structures appartenant à un ensemble de personnes entre lesquelles un lien de dépendance ou de contrôle existe alors que l’effectif de ces entités est égal ou supérieur à dix.

Quant au délai de trois mois, il court entre le début effectif du contrôle (notion paraissant toutefois floue s’agissant d’un contrôle sur pièces) et la lettre d’observations.

Ce délai peut être prorogé une fois à la demande expresse de l’entreprise contrôlée ou du contrôleur. La prorogation est de droit et n’a même pas besoin d’être motivée ( selon l’étude d’impact, elle s’appliquerait seulement dans des circonstances exceptionnelles, comme la fermeture de l’entreprise contrôlée sur une durée prolongée, ou un accident subi par un inspecteur ou contrôleur du recouvrement). Si, au terme des trois ou six mois, la procédure n’a pas été clôturée par une lettre d’observations, il ne pourra plus être procédé une nouvelle fois à un contrôle portant sur les trois années précédant l’envoi de l’avis de contrôle.

Cette « avancée », applicable aux contrôles engagés à compter du 1er janvier 2015, risque de n’avoir aucun effet pratique pour le cotisant et de ne constituer que de la poudre aux yeux.

Réitérons que les délais de vérification dans les TPE se révèlent bien souvent bien souvent inférieurs à trois mois. En outre, la portée de cette mesure est limitée par plusieurs restrictions : possibilité pour l’organisme de prolonger ce délai comme bon lui semble, non application en cas de travail dissimulé – dont on connaît la définition particulièrement vaste -, obstacle au contrôle, abus de droit, comptabilité insuffisante ou documentation inexploitable. De plus, les dispositions ne créent pas de durée maximale de contrôle pour les entreprises de plus de neuf salariés.

(A suivre : le périmètre du contrôle élargi)

Les contrôles en chiffres

Les TPE ayant moins de 11 salariés, soit 1,2 million d’entreprises ou établissements représentent 85% des cotisants en France et 61% des opérations de contrôle sur place y sont diligentées. Dans les entreprises occupant moins de dix salariés, environ 53 000 contrôles sur place et 59 000 contrôles sur pièces seraient diligentés chaque année.

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