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Cours criminelles de justice : un manque de concertation dénoncé

Après une période d’expérimentation dans une trentaine de départements, les Cours criminelles de justice sont dans le principe entrées en fonction sur tout le territoire ce 1er janvier. Composées de cinq magistrats professionnels, elles se substituent aux cours d’assises et à leurs jurés « populaires » et auront à juger les crimes susceptibles d’une peine égale ou inférieure à vingt années de prison, soit presque 60 % des affaires. Elles seront aussi la chambre d’appel des cours d’assises.

Dans son (excellent) blog « Liberté, libertés chéries », Roselyne Letteron, professeure de droit public à Paris-Sorbonne souligne avec malignité que ces cours criminelles sont des enfants des « chantiers de la Justice » ouverts par l’ancienne ministre Nicole Belloubet, pour que l’institution judiciaire réponde « efficacement aux attentes des justiciables et de ceux qui rendent la justice chaque jour ». Bien sûr, cette réforme devait être accompagnée d’une large concertation, qui n’a existé selon la blogueuse « que dans la communication officielle ».

Dire que la professeur-blogueuse serait une fan de nouvelles cours criminelles relèverait du mensonge. « Cette réforme a suscité l’opposition de l’ensemble des professionnels de la justice. Les syndicats de magistrats, USM et syndicat de la magistrature, comme le Conseil national des barreaux et le bâtonnier de Paris dénonçaient, en mai 2020, « une extension qui, sous couvert d’une décision politique d’opportunité, mettrait en place, de fait, une juridiction de droit commun sans que son expérimentation en ait été débattue ». L’auteur rappelle au passage qu’Eric Dupond-Moretti, lorsqu’il était avocat pénaliste, était le premier à s’indigner de la mort de la Cour d’assises : « la justice, dans ce pays, est rendue au nom du peuple français et le peuple en est exclu […]. Il faudrait être rassuré, mais je ne le suis pas du tout. Le barreau n’a pas été consulté […]. C’est un projet de la chancellerie fait par et pour les magistrats. On ne veut plus du jury populaire dans ce pays » déclarait-il à l’époque.

Roselyne Letteron enfonce le clou : « Alors que l’Exécutif n’hésite pas à recourir aux cabinets de conseil, et notamment au cabinet MacKinsey, pour évaluer les politiques publiques, et invoque à ce propos la nécessité d’avoir un regard extérieur, les cours criminelles ont donné lieu à une évaluation purement interne ». Le rapport d’évaluation publié en octobre dernier « ne remet jamais en cause le principe même de la réforme. Au contraire, il se réjouit que le temps d’audience soit de 12 % inférieur à celui des cour d’assises, chiffre dérisoire si l’on considère l’ampleur de la réforme. Il ajoute même, sans que l’on sache sur quoi il se fonde, que les victimes sont moins intimidées lorsqu’elles s’expriment devant cinq magistrats que devant un jury populaire ». Après un long exposé, elle conclut en s’interrogeant s’il est réellement possible qu’en France le peuple soit « ainsi méprisé et écarté d’une justice rendue en son nom ? ».

Adresse du blog : libertescheries.blogspot.com

Visuel de une : les jurés sont remplacés par cinq magistrats professionnels - illustration DR

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