De la validité des clauses

De la validité des clauses "de conscience"

Dans un arrêt du 10 avril 2013 (n°11-25.841) la Cour de cassation
valide, sous certaines conditions, une clause contractuelle
imputant la rupture du contrat de travail à l’employeur en cas de
départ du salarié à son initiative, suite à un changement de mandataire
social ou à une modification dans la détention du capital
de l’entreprise.

1. Quelle sont les circonstances d’espèce ?

Un salarié est engagé par une société multinationale en qualité de
Directeur Europe du Sud et Amérique. Son contrat de travail stipule
que : « dans les cas où, au cours des 24 mois suivant la date d’effet, le
président du directoire viendrait à quitter la société, ou un changement
de contrôle portant sur plus de 33 % du capital de la société viendrait
à survenir, le salarié pourra quitter la société et obtenir une indemnité
équivalente au double de la rémunération totale perçue au cours des
12 mois précédant le fait générateur. »

Cette clause est manifestement inspirée de la clause de conscience accordée
par la loi aux journalistes, selon laquelle la rupture à l’initiative
du journaliste produit les effets d’un licenciement lorsqu’elle motivée,
notamment, par l’une des raisons suivantes :

• Cession du journal ou du périodique ;

• Changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal
si ce changement créé, pour le salarié, une situation de nature à
porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d’une manière
générale, à ses intérêts moraux.

Or, un an après son embauche, le Président du Directoire de la société
employeur démissionne et est remplacé. Le salarié démissionne alors
à son tour et sollicite le bénéfice de son indemnité contractuelle… ce à
quoi son employeur s’oppose.

Pour justifier ce refus, l’employeur soutient qu’il s’agit d’une obligation
dépourvue de cause et qu’à ce titre, elle ne peut avoir aucun effet.
Serait ainsi dépourvue de cause l’obligation de payer au salarié une
indemnité contractuelle de rupture qui trouve son fait générateur dans
la seule décision d’un tiers au contrat de travail ou de circonstances
extérieures à ce contrat, parmi lesquelles, notamment le départ du président
du directoire de la société employeur ou un changement de
contrôle portant sur un pourcentage déterminé du capital de la société.

Dans le même esprit, serait également dépourvue de cause, la clause
permettant au salarié de rompre dans ces circonstances son contrat de
travail et de bénéficier du versement d’une indemnité dès lors que cette
dernière ne trouve sa contrepartie, ni dans le salaire versé, ni dans
l’indemnisation d’un préjudice.

2. Quelle est la position prise par la Cour de cassation ?

Pour la Cour de cassation, la clause contractuelle, qui permet au salarié
de rompre le contrat de travail en cas de changement de direction,
de contrôle, de fusion-absorption ou de changement significatif
d’actionnariat entraînant une modification importante de l’équipe de
direction, est licite.

Constatant en outre que la clause litigieuse avait été convenue en
raison des avantages que la société tirait du recrutement de ce salarié
et de l’importance des fonctions qui lui avaient été attribuées, elle en
déduit que l’obligation de l’employeur avait, à l’origine, une cause.
Une telle clause doit cependant, d’une part, être justifiée par les fonctions
du salarié au sein de l’entreprise, d’autre part, ne pas faire
échec à la faculté de résiliation unilatérale du contrat par l’une ou
l’autre des parties.

• Clause justifiée par les fonctions du salarié

La Cour exige des juges du fond un contrôle des raisons qui ont
motivé la conclusion de la clause de conscience ainsi que leur légitimité.
Il s’agit indirectement de « causer », au sens civil, l’imputabilité
de la rupture mise à la charge de l’entreprise quand bien même seul
le salarié prend l’initiative de cette rupture.

• Clause ne rendant pas impossible la faculté de résiliation unilatérale
du contrat.

Cette condition est classique s’agissant des clauses dites « golden parachute
 » et se justifie par l’interdiction des engagements perpétuels.
La Cour de cassation entend donc qu’il soit vérifié que l’application
d’une telle clause ne soit pas de nature à porter atteinte au principe
de liberté de rupture du contrat à l’initiative de l’une quelconque des
parties.

En conclusion, la validité de ce type de clause, assez régulièrement
mise en oeuvre au profit des cadres supérieurs ou des cadres dirigeants,
est confirmée.

Ceci est une excellente nouvelle… pour les intéressés bien sûr, mais
aussi pour les entreprises qui disposent ainsi d’un outil susceptible de
faciliter l’accueil en leur sein de cadres de haut niveau.

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