Décisions : focus sur (...)

Décisions : focus sur les conditions de validité d’une marque

Diverses décisions de justice, rendues ces derniers mois, permettent de revenir sur les conditions de validité de la marque, fixées par le Code de la propriété intellectuelle .

Le Code de la propriété intellectuelle pose certaines conditions pour qu’un signe puisse constituer une marque valide. Un signe déceptif, au même titre qu’un signe descriptif, générique ou encore banal, ne peut constituer une marque valide. Si ces critères sont bien légaux, il n’en demeure pas moins que les décisions laissent place à une certaine interprétation des juges en la matière.
Ainsi, par un arrêt rendu le 21 janvier 2014 , la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur le caractère déceptif ou non des marques « Confi’Pure » et « Hero Confi’Pure fraise », pour désigner, notamment, des confitures, gelées, compotes et marmelades à base de fruits.

En effet, estimant que ces marques étaient déceptives, et donc non-valides, la société Andros France a demandé la nullité de ces deux marques, considérant qu’elles étaient de nature à induire le public en erreur sur la qualité des produits similaires à ceux qu’elles désignaient. Andros estimait ainsi qu’utiliser l’adjectif « pur » pour qualifier une denrée alimentaire renvoyait à son caractère naturel, suggérant, par contraste, que les produits concurrents ne le seraient pas.

Mais, dans un arrêt du 20 juin 2012, la Cour d’appel de Paris avait considéré que le consommateur normalement avisé savait que la confiture, composée d’un mélange de fruits et de sucre, est censée ne contenir aucune bactérie tant qu’elle n’est pas ouverte. Egalement, que le signe « Confi’Pure » est un signe qui, pris dans son ensemble, est évocateur des gelées, confitures et marmelades à base de fruits mais qui, constitué d’une feuille stylisée ou de la représentation en trois dimensions du conditionnement du produit, ne tend pas à souligner la pureté et présente un caractère arbitraire.

La Cour de cassation confirme donc l’arrêt d’appel et estime que « le consommateur d’attention moyenne ne perçoit pas le vocable ’pur ’ comme désignant une qualité particulière que les produits concurrents ne posséderaient pas, mais comme constituant, avec le terme « confi » et l’élément figuratif, un terme de fantaisie ne présentant aucun caractère trompeur pour identifier l’origine des produits visés par les enregistrements ».
En définitive, pour la Haute cour, le fait de désigner un produit de confiture par la marque « Confi’pure » n’était pas trompeur quant à la qualité du produit et ces marques n’étaient donc pas déceptives. Néanmoins, il n’apparaît pas certain que cette interprétation de l’adjectif « pur » puisse s’appliquer à toute denrée alimentaire.

Une marque doit être distinctive et non-descriptive

En revanche, quelques mois auparavant, la Cour de cassation avait considéré que la marque « Château le Grand Housteau » était, pour sa part, déceptive et donc non protégeable au sens du Code de la propriété intellectuelle.

En l’espèce, cette marque avait été déposée pour désigner les vins d’appellation d’origine contrôlée provenant de l’exploitation dénommée « Château le Grand Housteau ».

La Cour a estimé qu’il s’agissait d’une marque déceptive quant à l’origine du vin, dès lors que les parcelles, situées sur le lieu que ce toponyme désigne, ne représentent qu’un faible pourcentage du vignoble exploité et qu’il n’est pas établi que la production de cette parcelle en faisait l’objet.

En conséquence, ces arrêts permettent de rappeler qu’il est important, lorsque l’on choisit une marque pour désigner des produits et services, que ce signe ne soit pas trompeur et ne permette pas d’induire le consommateur en erreur, notamment, quant aux qualités ou à la provenance du produit ou du service.

En outre, il convient, également, de préciser que, de manière générale, pour être valable, une marque doit être distinctive et non-descriptive. Un signe distinctif suppose – tel que cela vient d’être évoqué – que le signe ne soit pas trompeur et, également, qu’il ne soit pas « dans le langage courant ou professionnel, […] la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service », tel que l’énonce le Code de la propriété intellectuelle (art. L.711-2 a). Un signe distinctif se définit ainsi comme un signe arbitraire, ou encore un signe indépendant des produits ou services désignés par la marque, qui ne présente aucun point de contact avec eux. Les illustrations de ce critère sont légion en jurisprudence.

La marque « vente-privée.com »

C’est ainsi que, récemment, un arrêt du Tribunal de grande instance de Paris a fait couler beaucoup d’encre. Il a, en effet, annulé la célèbre marque française « vente-privée.com », estimant que « les termes vente-privée.com étaient au jour du dépôt entièrement descriptifs de l’activité pour tout consommateur intéressé, c’est-à-dire pour toute personne désirant acheter des produits de marque « dégriffés » en ligne et donc nécessaire pour désigner l’activité des ventes privées ».

Considérant que ce signe n’était pas arbitraire et qu’il était descriptif du service, la société Showroomprivé.com avait donc engagé une action en nullité de cette marque, et obtenu gain de cause. Reste à attendre la décision de la Cour d’appel de Paris, car Vente-privée.com a interjeté appel de la décision du TGI de Paris.

En définitive, choisir un terme arbitraire comme titre de marque apparaît comme étant la meilleure protection contre tout risque de voir sa marque ultérieurement annulée, sur action d’un concurrent souhaitant éviter qu’un terme générique, descriptif, banal, en un mot non-distinctif, ne soit accaparé par un tiers.

Par ailleurs, on notera que le fait d’ajouter une légère modification au signe ne rendra pas le signe valide pour autant et, ce d’autant plus, qu’a été constaté, depuis quelques temps, un renforcement des contrôles des offices de propriété industrielle, que ce soit l’INPI (Institut national de la propriété industrielle) ou l’OHMI, quant aux conditions de validité des marques et ce, dès le stade de l’enregistrement.

Par Blandine POIDEVIN et Clémence VANCOSTENOBLE, avocats au barreau de Lille

deconnecte