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Déficits, prélèvements obligatoires et compétitivité : la sommation de Bruxelles ou l’impertinence de l’effet miroir

Olli Rehn, qui est le commissaire européen en charge des affaires économiques, a présenté le mercredi 5 mars son bilan relatif aux Etats de l’Union Européenne qui ont fait l’objet d’un mécanisme d’alerte au mois de novembre dernier. A cet effet, il a substantiellement évoqué la situation de la France de manière ouverte et claire ainsi que l’inquiétude que cela suscite.

Monsieur Rehn a annoncé à cet égard que la Commission pourrait exercer une procédure dite de « contrôle spécifique » des comptes publics français (et pour mémoire aussi de ceux de la Slovénie) compte tenu, en particulier, du risque de dérapage du déficit budgétaire français. Il est à noter que la Commission prévoit que le déficit des comptes publics français représentera 4 % du produit intérieur brut en 2014, alors que l’objectif du gouvernement français est de 3,6 %.

En contravention avec ses propres engagements pris dans le cadre du Traité de l’Union Européenne (dont le pacte de stabilité), la France avait en effet négocié, avec ses partenaires européens et avec la Commission européenne, un délai de deux ans pour que la France revienne à son objectif de 3 % de déficit public rapportés au PIB, tel que prévu par le pacte de stabilité à la fin de l’année 2015.

Par cette déclaration, la Commission européenne émet publiquement un doute quant à la capacité du gouvernement français de véritablement atteindre cet objectif, ce qui nécessiterait de procéder à des coupes drastiques dans les dépenses publiques.

Rappelée à l’ordre par la Commission, la France est officiellement enjointe de réduire substantiellement et rapidement son déficit budgétaire en « coupant dans les dépenses », afin de pouvoir atteindre son objectif de 3 % de déficit public en 2015.

La Commission note également la « détérioration de la balance commerciale et de la compétitivité » françaises ainsi que le « haut niveau d’endettement du secteur public ». La Commission explique cette détérioration principalement du fait d’une faible rentabilité des entreprises françaises qui résulte, notamment, des coûts du travail et du niveau des prélèvements obligatoires qui pèsent sur les entreprises (en particulier, petites et moyennes), ce qui constitue un « environnement défavorable aux affaires ».

Le lien entre le niveau des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises et la perte de compétitivité française est désormais publiquement affirmé au niveau international et européen.

Le Président de la République, dans ses vœux du 31 décembre dernier, avait pourtant anticipé cela et annoncé un « pacte de responsabilité » pour les entreprises. Une loi prévoyant « moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur leurs activités et, en même temps, une contrepartie, plus d’embauches et plus de dialogue social » devait être votée au début de l’année 2014.

Mais engluée dans la question de la contrepartie d’embauches pour les entreprises, la baisse des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises (et notamment assis sur le travail) se fait toujours attendre.

Il faut que ce soit la Commission de Bruxelles qui rappelle la France à ses propres engagements, en brandissant cette fois-ci, pour la première fois, la menace du contrôle à exercer sur les comptes publics.

Alors à quand le « grand soir » des prélèvements obligatoires ? A quand la refonte et la fusion promise, par le candidat devenu Président, de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux ?

A quand la réduction de l’écart entre les niveaux de cotisations sociales des différents pays de l’Union Européenne ?

Il est vrai que le taux moyen de cotisations sociales (part salariée et part employeur) rapportées aux salaires en France atteint un sommet qu’aucun de nos partenaires européens (ou en dehors de l’Europe) ne connaît.

Pour s’en convaincre, il suffit de faire un bref calcul qui est sans doute approximatif, moyen et simple (mais trop souvent juste). Le taux moyen de cotisations sociales sur les salaires (hors mécanismes de réduction de charges sociales) en France peut être calculé ainsi que suit :

Hypothèse : salaire brut : 100
Cotisations sociales (part salarié) : (23)
Cotisations sociales (part employeur) : (45) en plus du salaire brut

Le coût chargé moyen pour l’entreprise est donc au total de 145 alors que le salaire net reçu par le salarié n’est que de 77. Le vrai taux de cotisation sociales doit en fait être calculé par rapport au salaire net (et non pas en retenant une dichotomie artificielle et cosmétique entre la part dite « salarié » et la part dite « employeur »).

Le taux de cotisations sociales moyen sur les salaires nets (145/77 = 188) est en fait de 88%. Ce taux peut même être de 100% pour les cadres dit moyens (dont le salaire est entre 2.500 et 4.000 euros bruts mensuels) et qui ont des taux de cotisations sociales supérieurs autour de cette tranche de revenus.

Or la moyenne européenne continentale du même taux de cotisations sociales (total des cotisations sociales rapporté au salaire net) se situe aux alentours de 45-50%. L’écart moyen avec la France est donc de 45 à 50 points rapportés aux salaires nets, ce qui est considérable !

C’est précisément l’écart que nous avons avec des pays qui ont néanmoins des systèmes sociaux comparables au nôtre, comme notamment l’Allemagne ou l’Espagne mais aussi Monaco.

Pour mémoire, au Royaume-Uni ou en Irlande, ce même taux est inférieur à 20%. Notre écart avec ces pays est donc de 70 à 80 points rapportés aux salaires nets, ce qui est inconcevable alors que nous faisons tous partis d’un seul et même marché unique.

En d’autres termes, à salaires nets égaux et en moyenne (hors mécanismes de réduction de charges sociales), cela coûte presque le même prix pour un entreprise française d’employer trois salariés (3*188) que pour une entreprise allemande d’employer quatre salariés (4*150) ou à pour une entreprise irlandaise d’employer cinq salariés (5*120).
L’enjeu est dès lors considérable, pour l’emploi et la compétitivité française !

On ne peut nullement le nier, surtout quand l’on sait que le coût du travail est supérieur en France en moyenne (du fait des cotisations sociales et non pas du fait des salaires) à ce qu’il est aujourd’hui en Allemagne.

Comment pourrait-on rester compétitifs alors que nous produisons plus cher que le pays dont l’image de qualité et le volume d’exportations sont les plus importants au monde ?

Les tenants de la relance par la consommation intérieure ont pour habitude de condamner ce type de raisonnement en les reléguant au rang de propos « patronaux » inspirés par les tenants considérés comme idéologisés de la politique de l’offre (théorie économique retenant l’offre et non pas la demande comme principal objectif de politique économique).

Pour autant ce miroir que nous tend désormais la Commission de Bruxelles (et dont la composition politique est assez hétéroclite) nous rappelle non sans impertinence ce qui devrait être pour nous une vraie évidence de survie.

Alors ne faut-il pas tout remettre à plat ? Repenser nos dépenses mais aussi le mode et l’assiette de nos recettes ?

Le système de sécurité sociale, en général, mais aussi, en particulier, les caisses d’allocations familiales, ne devraient-ils pas être financés par l’impôt plutôt que par des prélèvements sur les salaires qui alourdissent le coût du travail dans le secteur privé ?

A ce titre, une augmentation de la TVA ne serait-elle pas une voie dont on ne pourrait se priver si l’on veut réduire substantiellement et durablement le surcoût de prélèvements sociaux qui nuit tant à la compétitivité des entreprises françaises ?

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