Divorce : "La loi du (...)

Divorce : "La loi du 23 mars 2019 ne constitue qu’une étape intermédiaire"

Le divorce a connu des réformes d’envergure ces dernières années. Et ce n’est sans doute pas terminé.

"L’évolution de notre droit vers un nouveau divorce est en marche et la loi du 23 mars 2019 avec ses décrets d’application n’en constitue qu’une étape intermédiaire", a récemment assuré Patrice Hilt, maître de conférences HDR à l’Université de Strasbourg et directeur de l’Institut d’études judiciaires de Strasbourg. "Tel est à mon sens le véritable apport de ces textes : sous le prétexte presque anodin de vouloir simplifier la procédure de divorce, le législateur ne fait finalement que poursuivre une réforme de fond qui pourrait bien bouleverser notre droit de la famille dans très peu de temps", prédit-il. La loi du 23 mars 2019, avec ses décrets d’application du 17 décembre 2019 et du 27 novembre 2020, est applicable depuis le 1er janvier 2021. "Ces textes ont profondément changé la physionomie générale du divorce pour altération définitive du lien conjugal (…), ils illustrent la volonté du législateur de faciliter un peu plus encore l’accès au divorce", a expliqué Patrice Hilt au cours d’une journée d’étude en droit de la famille du CERDP, organisée début juin par la Faculté de droit et science politique de Nice. Dans le divorce pour altération définitive du lien conjugal, l’un des époux a quitté le domicile conjugal et l’un ou l’autre engage la procédure de divorce pour rompre définitivement le mariage en justifiant de la séparation.

Supprimer le divorce pour faute ?

Avec la loi du 23 mars 2019, le délai de séparation caractérisant l’altération définitive du lien conjugal est réduit à un an. Ce délai était de deux ans depuis 2004 et de six ans auparavant. "La prochaine étape dans cette marche vers la libéralisation de l’accès au divorce pourrait bien être la suppression de tout délai dans le divorce pour altération définitive du lien conjugal", analyse Patrice Hilt. "Il suffirait alors aux époux qui ne souhaitent pas poursuivre le mariage de démontrer par tout moyen l’échec
irrémédiable du couple, peu importe la cause et la durée de cet échec et sans que le conjoint ne puisse s’y opposer. Dans cette évolution se posera alors inévitablement la question suivante : ne faut-il pas en profiter pour supprimer le sacrosaint divorce pour faute ? Et finalement ne faudrait-il pas en profiter alors pour faire du divorce pour échec irrémédiable du mariage l’unique divorce contentieux de notre droit ? L’étude d’impact qui a accompagné la loi du 23 mars 2019 envisage cette issue expressément. (…) Les mentalités me semblent prêtes à accueillir dans notre droit un divorce reposant uniquement sur l’échec du couple, la très grande majorité des justiciables aspirant de nos jours à voir se dénouer les liens du mariage le plus rapidement et le plus simplement possible. Et la création en 2016 d’un divorce sans juge a assurément accéléré la préparation des esprits
".

La France se mettrait alors au diapason de nombreux pays européens, l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique, la Grèce, l’Espagne, les Pays-Bas, la Hongrie, le Portugal ou encore la Pologne, où la législation repose déjà sur la prise en considération du seul échec du mariage pour justifier le divorce

Bilan positif pour le nouveau divorce par consentement mutuel

"Nous nous sommes parfaitement adaptés" à la réforme du 1er janvier 2017 "et je pense que les époux le vivent particulièrement bien. Il y a une grande satisfaction de la part des époux avec ce nouveau divorce par consentement mutuel conventionnel". Les propos de Maître Nathalie Beurgaud, vice-bâtonnier du barreau de Nice, sont confirmés par des chiffres de l’Observatoire national de la profession d’avocat selon lesquels, un an après l’entrée en vigueur de la réforme, plus de huit justiciables sur 10 jugeaient
favorablement ce nouveau dispositif (en janvier 2018). Pour les divorces par consentement mutuel, il n’est plus nécessaire de recourir à un juge pour divorcer. Chaque conjoint est obligatoirement représenté par un avocat, qui l’accompagne tout au long de la procédure. "La place de l’avocat est centrale et même renforcée mais c’est une place partagée. (…) L’avocat doit partager ses responsabilités avec le notaire. Dans ce nouveau processus, le notaire a une double casquette : celle de notaire liquidateur et celle de notaire dépositaire". Il a fallu un peu de temps à chaque professionnel du droit pour trouver sa juste place. Et afin d’éviter les éventuelles tensions, le Conseil supérieur du notariat et le Conseil national des barreaux ont signé une charte commune le 23 décembre 2020 avec "l’objectif de permettre une collaboration fluide et efficace entre les professionnels impliqués lors d’un divorce par consentement mutuel". Me Beurgaud rappelle que le notaire "dépose l’acte au rang de ses minutes après avoir exercé un simple contrôle formel. Il n’est pas là pour vérifier l’équilibre, l’équité de la convention".

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