Droit du travail : (...)

Droit du travail : le point sur le harcèlement

La question du harcèlement subi par le salarié figure au titre 5 chapitre 1 - 2 - 3 et 4 du Code du Travail et plus spécialement aux articles L1151- 1 à L1154 -1.
Ces dispositions législatives traitent des différents harcèlements mais également des actions en justice qui peuvent intervenir à la suite de tels faits.

Par Maître Jean Iosca, Avocat honoraire au barreau de Grasse, Spécialiste en droit du travail, Ancien chargé d’enseignement

À qui s’applique les dispositions législatives sur le harcèlement ?

L’article L 1151-1 prévoit que les dispositions légales sont applicables aux employeurs de droit privé, ainsi qu’aux salariés des personnes publiques employés dans les conditions du droit privé.

Le harcèlement moral

Le harcèlement moral se caractérise par la conjonction et la répétition de certains faits laissés à l’appréciation souveraine du fonds.

L’article L 1152 - 1, prévoit « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet la dégradation de leurs conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel  »
On voit bien ici qui il appartient à l’employé d’exposer des faits qu’il considère comme des faits de harcèlement moral et qui sont soumis à l’appréciation du juge.
Toutefois quelques éléments directeurs doivent être dégagés pour l’admissibilité du harcèlement moral.
Tout d’abord les faits constitutifs de harcèlement moral peuvent se dérouler sur une brève période.
Les faits doivent présenter un certain caractère répétitif, C’est le critère décisif .
Il est impossible de dresser un catalogue des faits de harcèlement moral qui sont appréciés, affaire par affaire par la juridiction saisie.

Le harcèlement sexuel

Le harcèlement sexuel est expressément prévu par le chapitre 3 du titre V du Code du travail et particulièrement par les articles L- 1153 - 1 à L- 1154. L’article L. 1153 -1 un prévoit qu’aucun salarié ne doit subir des faits- -
- premièrement, soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos, comportement à connotation sexuelle répétée qui, soit porte atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant créant à son encontre une situation intimidante, hostile, offensante.
- deuxièmement, sont assimilées au harcèlement sexuel, toute forme de pression grave, même non répétées exercées dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
Cet article prévoit la répétition de propos ou l’accomplissement d’un seul acte, visant à obtenir un acte de nature sexuelle.
Par conséquent, tout d’abord, on doit se poser la question de savoir quels sont les faits qui peuvent constituer des actes de harcèlement sexuel et suivant le cas, qu’elle doit être la nature de ces actes.
En second lieu, et c’est très important pour l’employeur, il est nécessaire qu’il puisse identifier et sanctionner les auteurs de ces harcèlements, dans la mesure bien entendu, où il s’agit d’un tiers dans les rapports contractuels de travail.

Quel sont les faits qui peuvent être qualifiés de harcèlement sexuel.

Il n’est pas possible de dresser une liste complète, il convient que le salarié expose des faits qui pourraient aboutir à un harcèlement répété ou un harcèlement unique comme il est visé à l’article L1153-1

La jurisprudence a dégagé quelques notions.

En effet l’atteinte à la dignité résulte d’un « comportement ouvertement sexiste, ... obscène, qui peut prendre la forme de paroles, d’écrits répétés
constituant des provocations, des injures, des diffamations, même non
publiques commises en raison du sexe ou de l’orientation ou de l’identité sexuelle de la victime », par ailleurs, les situations intimidantes, offensantes doivent rendre les conditions de travail « insupportables
 »
" Il en est ainsi par exemple, lorsqu’une personne importune quotidiennement son ou sa collègue en lui adressant sans cesse des messages ou des objets à connotation sexuelle" (circulaire Criminelle 2012 - du 7 août 2012 .. ) (Code du travail 2015).

Les observations ci-dessus visent le harcèlement lorsqu’il a un caractère répété qui viserait à déstabiliser la victime.

On remarquera ici que le harcèlement peut être perpétré oralement ou par écrit, d’une façon publique ou privée.
Une autre forme de harcèlement sexuel est visé par le texte, il faut bien y prendre garde car elle ne nécessite qu’un seul acte de nature de harcèlement.
Il s’agit d’un acte unique assimilé à du harcèlement sexuel. Il s’agit d’une forme de « chantage sexuel » qui peut être constitué d’un acte unique alors que le délit de harcèlement sexuel à proprement parler implique une répétition dans le comportement et les propos ... En pratique, ce chantage peut s’exercer lors de l’entretien d’embauche, entretien annuel, ou lorsqu’une un(e) salarié(e) craint de perdre son emploi.

Le lecteur doit bien distinguer les deux formes de harcèlement qui à notre avis sont improprement visés au même article ; dans le premier cas il s’agit indiscutablement de répétition de propos, c’est bien du harcèlement, dans le second acte, il s’agit plus spécialement "d’un chantage".

Les auteurs et victimes de harcèlement sexuel
Au premier rang des auteurs se trouvait évidemment l’employeur mais également, cela peut-être un collègue de travail, un supérieur hiérarchique, l’objet d’un tel harcèlement est bien entendu le salarié. Avant toute chose, il semblerait que le législateur ait souhaité que le harcèlement sexuel soit indépendant de l’ancienneté dans l’entreprise. Si l’article prévoit l’interdiction de sanctions à l’égard de ceux qui n’auraient fait que relater de tels faits, il faut bien en déduire que les faits de harcèlement sont totalement indépendants de l’ancienneté ; le salarié peut faire l’objet d’un harcèlement dès son entrée dans l’entreprise.
Outre l’employeur, l’auteur de harcèlement sexuel peut être un collègue de travail, et, à nos avis, bien entendu, doté d’un certain pouvoir de direction ou encore un certain pouvoir dans l’entreprise .
Dans ce cas là, si un salarié se rend coupable de harcèlement, que ce soit continûment ou non, le salarié qui en est victime, doit le signaler à son employeur, qui lui-même procédera comme il sera vu à la dernière section aux mesures visant à faire cesser ce harcèlement ou encore à se défaire de l’employé auteur des faits.
Les modalités d’action de l’employeur, dans ce dernier cas, sont d’importance car l’employeur ne doit pas se tromper en procédant à une sanction inappropriée sous peine de faire l’objet d’un contentieux devant le Conseil des Prud’hommes.

Les actions en justice suite à des actes éventuels de harcèlement.

Il va être envisagé ci-après, les actions judiciaires en rapport avec les faits de harcèlement ; il faut préciser ici que les acteurs de cette action sont l’employeur et le salarié mais il peut y avoir effectivement des cas où le salarié est victime d’actes de harcèlement de la part d’un autre salarié.

Obligation du salarié demandeur à l’action.
Le salarié doit tout d’abord établir les faits donc il aura à se plaindre, démontrer que ces faits font présumer le harcèlement.
-  Établir les faits qu’il prétend être des faits de harcèlement au sens du texte.
il devra donc établir les faits eux-mêmes :
-  à titre d’exemple : il lui appartiendra d’établir que l’employeur ne cesse de lui imposer arbitrairement des obligations non fondées alors que les autres salariés en sont dispensés.
-  démontrer que les faits font présumer le harcèlement ; sur ce point le salarié devra étudier la jurisprudence qui a été retenue en pareil cas,
-  L’action en justice elle-même.
À partir du moment où le salarié a rempli les deux types d’obligations (établissement des faits et de leurs présomptions de harcèlement) il introduira une action devant le Conseil des prud’hommes.
Cette action peut avoir pour but de faire cesser les actes de harcèlement ou encore de rompre le contrat de travail ; l’employeur étant dans ce cas, alors responsable de cette rupture.
L’instance est introduite comme en matière ordinaire, sous réserve des applications apportées, des modifications données par les nouvelles dispositions sur la procédure prud’homale.
Le procès se déroule comme toute autre instance prud’homale.

Cependant, l’attention du lecteur est attirée sur le fait que l’employeur prend un risque majeur, s’il décide de rompre le contrat de travail lui-même à son initiative en prétendant être l’objet de harcèlement. Le cas de figure est le suivant, un salarié peut faire l’objet de harcèlement il expose par écrit à son employeur les éléments et lui indique que il estime que le contrat ne peut perdurer, faute par l’employeur de prendre les mesures adéquates et dès lors, il considère que ce contrat est rompu. À défaut de réponse de l’employeur ou à défaut de mesures, le salarié doit faire suivre sa lettre d’une action devant le Conseil des prud’hommes avec pour finalité de faire juger que l’employeur est responsable de la rupture du contrat de travail même si c’est le salarié qui en a pris l’initiative.

Si l’action prospère l’employeur sera donc redevable de dommages-intérêts comme s’il avait procédé à un licenciement abusif. Cependant dans ce cas il ne faut pas oublier que le salarié ne pourra en principe, toucher des indemnités de chômage que tout autant que l’action devant le Conseil des prud’hommes est couronné de succès, c’est donc un risque énorme à la charge du salarié.

Les obligations de l’employeur
Deux situations sont à examiner :
-  la responsabilité personnelle de l’employeur dans le harcèlement ou la responsabilité de l’employeur en cas de harcèlement par un autre salarié
-  l’employeur auteur du harcèlement.

Quelle va être la position de l’employeur et ses moyens de défense en cas d’action du salarié
- tout d’abord il pourra, si c’est le cas, nier les faits qui lui sont imputables et considérer encore que les faits ne laissent pas présumer le harcèlement.
- en second lieu, tout est question de qualification des faits et c’est la limite admissible. Rappelons ici que l’employeur possède, un pouvoir de gestion et de direction. Le salarié ne peut valablement s’opposer à des instructions précises et qui rentrent dans le cadre normal de ses attributions.
Par ailleurs, l’employeur peut contrôler et diriger le salarié dans toutes les tâches à accomplir.
Encore nous n’oublions pas que les faits de harcèlement moral doivent être répétés et non isolés.
lci encore l’employeur devra prendre soin d’étudier la jurisprudence (c’est-à-dire les précédentes qui ont fait l’objet de jugements ou d’Arrêt de Cour d’appel ou de Cour de Cassation) pour considérer qu’il fallait écarter la notion de harcèlement.
En principe il est préférable de confier cette tâche à un praticien en droit social.

Le cas du tiers aux rapports contractuels, harceleur (un collègue de travail par exemple).
Le problème est réglé par les textes, article 1152.
- tout d’abord le salarié devra toujours établir les faits et le caractère présumé du harcèlement.
- par suite, il en avertira l’employeur et lui demandera d’intervenir. Deuxièmement l’employeur doit mettre en œuvre toute action pour faire cesser le harcèlement c’est-à-dire le trouble. Il devra donc convoquer le harceleur et entendre ses explications et prendre une sanction, si c’est le cas pouvant aller jusqu’au licenciement. À ce sujet on consultera l’excellent article contenu au numéro neuf du 2 mars 2017 de la revue - indicator- éditions Francis Lefebvre - "harcèlement = faute grave".

En dernier lieu on doit retenir que l’employeur négligeant qui s’abstiendrait de prendre les mesures appropriées, s’expose lui-même, à être redevable de dommages-intérêts.

Photo de Une : illustration de l’isolement d’un(e) salarié(e) harcelé(e) au travail. DR

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