Durcissement en perspecti

Durcissement en perspective du régime fiscal et social des indemnités de rupture du contrat de travail

Les praticiens du droit n’ignorent pas que, depuis ces dernières années, le régime fiscal et social des indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail a considérablement évolué.

L’évolution s’est naturellement faite dans le sens d’une limitation progressive des plafonds d’exonération fiscaux et sociaux.

Jusqu’au 31 décembre 2015, le régime est synthétiquement le suivant :

1. Au plan fiscal (Article 80 duodéciès du code général des impôts)

Ce texte pose le principe de l’assujettissement à l’impôt sur le revenu de l’ensemble des indemnités versées aux salariés à l’occasion de la rupture du contrat de travail.

Ce principe général d’assujettissement à l’impôt est néanmoins assorti d’un certain nombre d’exceptions limitativement énumérées et notamment, les indemnités de licenciement versées en dehors d’un plan de sauvegarde de l’emploi, lesquelles sont exonérées dans la limite la plus élevée des deux suivantes :

- le montant prévu par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.

- 2 X le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié concerné au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail ou, si ce montant est supérieur, 50 % du montant total des indemnités perçues, ces montants alternatifs étant eux-mêmes retenus sous un plafond égal à 6 X le montant annuel du plafond de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités (soit 228.240 € en 2015).

2. Au plan social (Article L 242-1 du Code de la sécurité sociale)

Ces indemnités sont normalement exonérées de cotisations sociales pour leur part non imposable dans la limite toutefois :
-  soit de la moitié du total des indemnités versées,
-  soit du double de la rémunération annuelle brute versée au 31 décembre de l’année civile précédent,
-  la valeur la plus importante de ces deux sommes étant plafonnée à la valeur de 2 X le PASS (soit 76.080 € en 2015).

Cependant, lorsque les indemnités de rupture versées sont supérieures à 10 PASS (soit 380.400 € en 2015), elles sont intégrées dans l’assiette des cotisations pour leur intégralité dès le premier euro.

3. Qu’en est-il de la CSG et de la CRDS ?

La partie des indemnités versées excédant le montant de l’indemnité légale (ou de l’indemnité conventionnelle de licenciement pour les entreprises entrant dans le champ d’application de l’ANI du 11 janvier 2008 et son avenant n°4 du 18 mai 2009), est assujettie à la CSG et à la CRDS dans la limite de 2 X le PASS (soit 76.080 € en 2015).

4. Le cas particulier des indemnités de rupture conventionnelle

Le régime de ces indemnités est sensiblement identique à celui exposé ci-dessus. Il diffère cependant principalement sur deux points :

- L’indemnité de rupture conventionnelle est soumise au forfait social de 20% :
 ? pour la part exclue de l’assiette des cotisations et de l’assiette de la CSG/CRDS ;
 ? pour sa part exclue de l’assiette des cotisations et soumise à CSG/CRDS (au- delà du montant de l’indemnité légale (ou de l’indemnité conventionnelle de licenciement pour les entreprises entrant dans le champ d’application de l’ANI du 11 janvier 2008 et son avenant n°4 du 18 mai 2009) dans la limite de 2 PASS.

- Le régime de faveur n’est applicable que dans la mesure où le salarié n’a pas droit à une pension de retraite au titre d’un régime obligatoire, que le taux plein soit atteint ou non.

Quid à partir de 2016 ?

Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, une modification du régime social des indemnités de rupture est prévue.
Le seuil de déclenchement d’assujettissement aux cotisations de sécurité sociale dès le 1er euro des indemnités de rupture les plus élevées, fixé aujourd’hui à 10 plafonds (380 400 € en 2015), devrait passer à 5 plafonds à compter du 1er janvier 2016, soit 190 200 € (sur la base du plafond 2015).
Ce nouveau régime devrait s’appliquer aux indemnités de rupture versées à compter du 1er janvier 2016, quelle que soit la date de notification de la rupture du contrat.

Ce durcissement ne surprendra pas vraiment dans la mesure où il s’inscrit dans la droite ligne des précédentes lois de financement pour la sécurité sociale. Les employeurs souhaitant se séparer d’un collaborateur susceptible de percevoir plus de 190.000 € d’indemnité, auraient été bien inspirés de programmer un tel départ avant la fin de l’année plutôt que d’attendre le début de l’année 2016. Cette anticipation n’aurait en effet pas manqué de se traduire par de substantielles économies pour chacune des parties concernées, employeur et salarié !

Par André CHARBIN
Cabinet Capstan
Avocat au Barreau de Grasse
Spécialiste en droit du travail
http://www.capstan.fr/fr/nos-avocat...

deconnecte