Facturation électronique

Facturation électronique : moins de coûts, plus de contrôles

Dominique David, expert-comptable du groupe Cibelly, référent en facturation électronique, l’assure : les entreprises vont faire des économies. Mais la surveillance de Bercy va s’accroître.

Quel est le but de la facture électronique ?

C’est de faire des économies en matière de traitement parce que recevoir une facture dans une entreprise, cela coûte de l’argent. Il faut la réceptionner, l’enregistrer, la valider. Selon des études, le coût de traitement d’une facture, en réception, c’est entre 14 et 20 euros en moyenne. Une facture qu’une entreprise émet, cela coûte entre 5 et 10 euros. L’encre, le papier, les imprimantes, tout cela coûte beaucoup d’argent. En plus, le fait de faire du papier ralentit un peu le traitement. Ce qu’espèrent les pouvoirs publics et les entreprises, c’est de gagner du temps, en automatisant cette partie de transfert et de saisie des factures. On espère aussi que cela va permettre de raccourcir les délais de paiement entre entreprises.

Quelles sont les étapes à venir ?

Au 1er juillet 2024, on aura l’obligation d’accepter les factures qui vont venir des grands comptes, d’entreprises de l’énergie et des télécoms. Les factures en France, ce sont deux milliards de documents par an, c’est gigantesque. Donc pour ceux qui font beaucoup de factures, les économies seront énormes. A partir du 1er juillet 2026, ce sera pour tout le monde. Toute entreprise qui fait du commerce avec l’État et les collectivités locales a déjà l’obligation, depuis le 1er janvier 2019, de déposer les factures sur un portail qui s’appelle Chorus Pro. Sinon, on n’est pas payé. L’État a montré l’exemple sur ce coup-là. On va se servir de l’expérience du B to G (business to government) pour étendre cela à tout le secteur privé. Le but du jeu c’est que les factures vont transiter par des plateformes comme Chorus Pro, ils vont vérifier les factures et après cela partira chez le client.

Vous pouvez nous en dire plus sur cette phase de vérification ?

C’est une réforme à deux étages. On supprime le papier, on gagne du temps, on enlève du travail administratif à faible valeur ajoutée qui prenait beaucoup de temps et qui coûtait finalement très cher. Mais Bercy veut avoir une copie de tout cela. Cela va leur permettre d’avoir une vision précise de tout ce qui se passe au niveau des opérations économiques des entreprises. La deuxième chose qu’ils veulent, même s’ils ne le disent pas trop mais c’est la réalité, c’est qu’ils connaîtront en direct tout ce qu’il se passe en matière de TVA : combien j’ai collecté, combien j’ai déduit ? Ils pensent qu’ils vont récupérer à peu près 20 milliards d’euros de retard de TVA. Les déclarations de TVA se feront quasiment automatiquement. On aura le droit de se tromper mais il y aura une trace.

Les entreprises, en plus de gagner du temps, vont gagner de l’argent ?

Des quelques études que j’ai vues, on estime que le coût du traitement en électronique baissera à moins d’un euro. C’est un avantage indéniable.

A quoi va ressembler cette facture électronique ?

Elle va être scindée en deux : il y a un PDF, car on a besoin de lire ce qu’il y a dans la facture, et il y a un deuxième fichier, au format XML, qui est codé. Le logiciel, avec un peu d’intelligence artificielle, est capable de le lire et de l’imputer directement. Les gens qui faisaient de la saisie de facture ne vont plus le faire parce que cela va rentrer automatiquement mais il va falloir donner toutes ces informations à l’administration fiscale tous les 10 jours ou tous les 30 jours. Les entreprises prestataires de services, à cause des règles de TVA sur les encaissements, devront envoyer les encaissements tous les 10 jours. La norme de la facturation électronique, c’est Factur-X, une norme franco-allemande. La facture électronique vient de l’Europe. En France, on est plutôt en retard. En Italie c’est déjà le cas depuis plus de deux ans et cela fonctionne plutôt bien.

Quel conseil donner à un chef d’entreprise qui ne serait pas à l’aise avec le numérique ?

Le conseil, c’est d’anticiper. On va pouvoir faire des factures dès juillet 2024. Il va falloir choisir cette fameuse plateforme qui va réceptionner les factures. Il y aura des plateformes privées et des plateformes publiques. Les publiques seront gratuites, les privées apporteront d’autres services et elles seront agréées. Aujourd’hui, il n’y a que Chorus Pro et cela fonctionne très bien. J’ai eu une formation de trois heures et en trois heures on sait la faire fonctionner. Ce qui est indispensable, c’est d’avoir une sécurité informatique. En informatique, on oublie trop souvent la sécurité. Je vois des entreprises dans lesquelles il n’y a pas de mots de passe... J’ai un peu peur pour la population des 55-65 ans. J’ai peur qu’ils se disent : c’est un truc de plus, je n’ai plus envie, est-ce que ce n’est pas le bon moment pour arrêter ? C’est une marche de plus à passe. Mais bien accompagné, on peut la passer.

Bio express

Dominique David, 53 ans, est un expert-comptable associé du groupe Cibelly, fondé en 1981 par Michel Cibelly et qui compte aujourd’hui 85 collaborateurs, avec des bureaux à Nice, Antibes, Grasse, Puget-Théniers, Pont de Clans et Paris. Dominique David a rejoint le groupe en 1996 en tant que stagiaire expert-comptable. Il a été élu à la Compagnie des commissaires aux comptes, chargé notamment de l’informatique, pendant huit ans. Il a ensuite été délégué régional auprès du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables dans la commission dite informatique, pendant quatre ans : « J’ai suivi l’avancée des travaux de la facture électronique. Il y a eu d’énormes travaux préparatoires pour cette facture électronique ».

Photo de Une DR

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