Huissiers de justice (...)

Huissiers de justice : de profonds bouleversements à attendre...

Pour Maître Jean-Charles Albertini, président de la Chambre départementale, le nombre de créations de nouvelles études dans les A-M est déraisonnable par rapport aux besoins.

Création de 202 études d’huissiers de justice en France. Où en est-on ?

Par un avis du 26 décembre 2016, l’Autorité de la concurrence a proposé la création de ces études à répartir sur le territoire national, dont quinze pour le ressort de notre Cour d’Appel. Sont prévues cinq études sur les Bouches-du-Rhône, trois dans le Var et, pour les Alpes-Maritimes, neuf études et quinze confrères. Nous sommes le troisième département de France pour le nombre des créations, après Paris et la Gironde.

Neuf études et quinze confrères ?

On va bien voir ce que cela va donner avec ces créations au 1er février 2018. Elles pourront être soit des sociétés civiles ou commerciales, soit des ouvertures à titre individuel.

Concrètement, cela se passe comment ?

Depuis le 1er février, il est possible de déposer sa candidature sur le portail du Ministère de la Justice. Nous sommes aujourd’hui le premier département en nombre de demandes puisque, pour neuf études proposées, nous avons eu plus de 240 dépôts en vingt-quatre heures !

Il y aura donc un tirage au sort, comme pour les Notaires ?

Oui. Comme il y a des demandes très supérieures au nombre des créations, il aura lieu à la fin des opérations, le 19 avril.

Les tirés au sort auront-ils la liberté d’installation partout dans le département ?

Tout à fait. Nous sommes un département en "zone verte", donc en liberté totale, contrairement à d’autres où les installations sont limitées à de petits secteurs, communes ou cantons. Cela signifie que si, par exemple, vous avez demandé une création pour Villars-sur-Var, le lendemain vous pourrez aller vous installer à Nice, et vice-versa.

Et pour les Huissiers déjà installés ?

Ils peuvent eux aussi bouger, ce qui n’était pas le cas. Jusqu’à présent, on ne pouvait se déplacer qu’au sein de la commune où nous étions déjà titulaires de l’office.

Autant de créations, était-ce justifié ? Étiez-vous en situation de tension ?

Clairement, non. Les critères pris en considération ont été seulement les chiffres d’affaires. Or nous sommes dans un département où la population et l’activité sont concentrées sur le littoral et le proche moyen pays. Nos études répondent déjà aux besoins avec un maillage territorial cohérent. On a calculé qu’un justiciable fait au maximum 25 kilomètres pour trouver un Huissier, ce qui est correct.
Nous pensons que trois créations auraient été suffisantes : une sur la zone de Mandelieu, une sur Sophia et une vers Beausoleil. Il faut savoir que sur les trente-cinq études installées dans les Alpes-Maritimes, six représentent 42% du chiffre d’affaires. Ces dernières ont un client particulier qui est
l’URSSAF. Quand demain vont être créés neuf nouveaux offices, cet organisme n’ira pas vers les nouvelles installations. Ce qui signifie que le fossé va encore se creuser entre les plus grosses et les petites. En plus de cela, seuls les chiffres d’affaires ont été pris en considération, pas les bénéfices après charges et endettement.

Beaucoup d’effets pervers ?

Ce qui est sournois, c’est qu’un Huissier déjà installé peut aussi "candidater" dans un autre département. S’il est tiré au sort, il pourra donc s’installer ici dans les A-M mais ne sera pas compté dans les créations. On ne sera donc pas forcément à neuf études supplémentaires, mais peut-être à onze, quinze, dix-huit... À partir de 2026, en intégrant les offices de Commissaires priseurs, on pourrait passer à 51 études de Commissaires de justice et à 102 confrères, ce qui est déraisonnable.

Ces créations risquent-elles de bouleverser l’équilibre des études déjà existantes ?

Bien sûr, car ces nouvelles études ne vont pas augmenter le marché. Elles iront forcément chercher de nouvelles parts et donc les prendre à celles déjà existantes. On risque alors de voir des choses interdites par la déontologie, comme des baisses de prix de certains actes ou le démarchage. On peut craindre une baisse de la qualité.

Vos tarifs ont-ils été écrêtés ?

Oui, depuis mai 2016, avec -2,5% en moyenne. Mais on n’a pas encore le recul nécessaire pour juger de l’impact réel.

Que recouvre la nouvelle appellation "Commissaire judiciaire" ?

C’est la fusion des Huissiers de justice et des Commissaires
priseurs judiciaires. On deviendra donc, à partir du 1er juillet 2026, des "Commissaires de justice". Les Huissiers qui n’auront pas fait les formations nécessaires seront destitués...

Cela crée t-il une concurrence entre métiers du Droit ?

Pas dans ce département, dans lequel règne une bonne entente entre Huissier et commissaires-priseurs. Mais nous n’avons pas demandé cette fusion. Nous avions déjà la possibilité de faire des ventes dans des communes où il n’y avait pas de commissaires-priseurs, c’était suffisant. D’ailleurs, dans les faits, seules deux ou trois études d’Huissiers en réalisent.
Propos recueillis par Jean-Michel CHEVALIER

Photo de Une : (DR JMC)

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