Indemnisation des arrêts

Indemnisation des arrêts de travail : point sur les règles applicables

Dans le cadre des mesures de prévention visant à limiter la propagation du coronavirus, les pouvoirs publics ont instauré, pour certains assurés, des conditions dérogatoires de mise en arrêt maladie et d’attribution des indemnités journalières. Ainsi, plusieurs décrets successifs sont parus :
Le décret 2020-73 du 31 janvier 2020 modifié par les décrets 2020-227 du 9 mars 2020 et 2020-277 du 19 mars 2020, dispositions précisées par la caisse nationale d’assurance maladie sur ameli.fr.
Le décret 2020-193 du 4 mars 2020 et dernièrement, l’ordonnance 2020-322 du 25 mars 2020, lesquels suppriment certaines conditions d’attribution du maintien de salaire.

Nous vous proposons en partenariat avec Médiation Conseil de faire un point sur les règles applicables résultant de ces différents textes (avec un tableau de synthèse) et pour finir nous vous rappellerons les règles d’articulation avec l’activité partielle (lesquelles sont exposées dans l’annexe du questions/réponse du gouvernement mise à jour le 3 avril 2020).

PRISE EN CHARGE PAR LA CPAM

Assurés faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile  :
Depuis le 2 février 2020, ces assurés peuvent bénéficier, au titre de cet arrêt de travail, des indemnités journalières dans les conditions dérogatoires suivantes :
Les IJ leur sont attribuées même s’ils ne remplissent pas les conditions d’ouverture des droits à ces prestations ;
Elles leurs sont versées dès le premier jour d’arrêt, le délai de carence n’étant plus appliqué dans ce cas ;
L’arrêt est d’une durée de 20 jours maximum et il est délivré par la CPAM (jusqu’au 11 mars 2020, pour bénéficier de ce régime dérogatoire, les personnes devaient avoir été identifiées par les agences régionales de santé et l’arrêt de travail délivré par un médecin de ces agences).

Parents d’enfants scolarisés
Depuis le 3 mars 2020, le régime dérogatoire de prise en charge par la CPAM est étendu aux parents sans possibilité de télétravail et contraints de rester à domicile, en raison de la fermeture de l’établissement accueillant leur enfant de moins de 16 ans :
Les IJSS leur sont attribuées pendant toute la durée de fermeture de l’établissement ;
Elles leurs sont versées dès le premier jour d’arrêt, le délai de carence n’étant plus appliqué dans ce cas ;
La déclaration se fait sur le site declare.ameli.fr par l’employeur qui doit également établir l’attestation de salaire ;
Une attestation sur l’honneur du salarié doit être jointe à la déclaration ;
La durée de cet arrêt est de 21 jours maximum (renouvelable dans les mêmes conditions) dans la limite de la date du 15 avril, échéance annoncée à ce jour par le gouvernement (donc susceptible d’être prolongée dans les prochains jours par le gouvernement).

A noter que le site declare.ameli.fr ouvre également cette possibilité au parent non malade devant garder un enfant handicapé sans limite d’âge pour fermeture de son établissement scolaire.

Enfin, par mesure de simplification, il est mis à disposition des entreprises concernées ayant des volumes importants de déclarations relatives à de tels arrêts un service de dépôt de fichier sur net-entreprises.fr .Ce service « Déclaration de maintien à domicile » est ouvert pour les utilisateurs inscrits à la DSN et à la déclaration PASRAU.

Les personnes à risques élevé
Depuis le 18 mars 2020, les assurées enceintes dans leur 3e trimestre de grossesse et les assurés pris en charge en affection de longue durée (ALD) qui n’ont pas de possibilité de télétravail peuvent, pour obtenir un arrêt de travail, s’autodéclarer sans passer par leur employeur ni par leur médecin traitant sur le portail declare.ameli.fr :
Ils bénéficient des IJ sans application du délai de carence ;
Ils peuvent être mis en arrêt de travail pour une durée initiale pouvant aller jusqu’à 21 jours dans la limite de la date du 15 avril, échéance annoncée à ce jour par le gouvernement (donc susceptible d’être prolongée dans les prochains jours par le gouvernement).
Cet arrêt peut être déclaré rétroactivement à la date du vendredi 13 mars.

Les ALD concernées par le dispositif sont les suivantes (Communiqué Cnam 17-3-2020) :
- Accident vasculaire cérébral invalidant ? ; insuffisances médullaires et autres cytopénies chroniques ? ; artériopathies chroniques avec manifestations ischémiques ? ; insuffisance cardiaque grave, troubles du rythme graves, cardiopathies valvulaires graves, cardiopathies congénitales graves ? ;
- Maladies chroniques actives du foie et cirrhoses ? ; déficit immunitaire primitif grave nécessitant un traitement prolongé, infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ? ; diabète de types 1 et 2 ? ;
- Maladie coronaire ? ; insuffisance respiratoire chronique grave ? ; maladies métaboliques héréditaires nécessitant un traitement prolongé spécialisé ? ; mucoviscidose ? ;
- Néphropathie chronique grave et syndrome néphrotique primitif ? ; vascularites, lupus érythémateux systémique, sclérodermie systémique ? ;
Polyarthrite rhumatoïde évolutive ? ; rectocolite hémorragique et maladie de Crohn évolutives ? ; sclérose en plaques ? ; spondylarthrite grave ? ; suites de transplantation d’organe ? ;
- Tumeur maligne, affection maligne du tissu lymphatique ou hématopoïétique.

Les personnes ne bénéficiant pas d’une prise en charge en ALD, mais dont l’état de santé conduit à les considérer, selon le Haut Conseil de la Santé Publique, comme présentant un risque de développer une forme sévère de Covid 19 (patients aux antécédents cardiovasculaires, patients présentant une insuffisance rénale chronique dialysée ?…) ne peuvent obtenir un arrêt de travail qu’en contactant leur médecin traitant ou à défaut un médecin de ville (Communiqué Cnam 17-3-2020).

VERSEMENT DU COMPLÉMENT EMPLOYEUR AUX IJSS

Principe
Tout salarié placé en arrêt de travail bénéficie du versement par l’employeur :
Du complément de salaire légal prévue par la loi (durée et taux d’indemnisation fixée par le code du travail), dès lors :
- Qu’il bénéficie d’un an d’ancienneté à la date du 1er jour d’arrêt maladie,
- Qu’il est soigné sur le territoire français ou dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État partie de l’Espace économique européen.
- Qu’il transmet son arrêt de travail dans les 48 heures.

Le complément employeur est alors versé à compter du 8ème jour (carence de 7 jours) dans le cas des arrêts de travail pour maladie simple

Ou du complément prévu dans les conditions (notamment condition d’ancienneté et délai de carence) et modalités fixées par la convention collective si celle-ci est plus favorable (en application du principe de « faveur »).

Dans le contexte du Covid

Depuis le 5 mars 2020, le versement légal du complément de salaire est fait sans carence, dès le 1er jour d’arrêt de travail,
sauf pour :
- Le salarié non malade devant garder un enfant handicapé sans limite d’âge pour fermeture de son établissement scolaire ;
- Le salarié non malade présentant un risque élevé (seuls les IJSS sont versées sans carence).

De plus, à partir du 26 mars 2020, la condition d’un an d’ancienneté à laquelle est subordonnée, en principe, le versement du maintien de salaire légal, est écartée
sauf pour :
- Le salarié non malade devant garder un enfant handicapé sans limite d’âge pour fermeture de son établissement scolaire ;
- Le salarié non malade présentant un risque élevé (seuls les IJSS sont versées sans carence).

Par ailleurs, l’ordonnance du 25 mars 2020 prévoit de manière temporaire, que les salariés travaillant à domicile, les salariés saisonniers, les salariés intermittents et les salariés temporaires bénéficient du maintien de salaire, y compris pour ceux qui seraient en arrêt de travail pour une affection non liée au coronavirus.

Enfin, pour les personnes bénéficiant d’un arrêt de travail dans le contexte de l’épidémie de covid-19 (notamment ceux qui font l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile, ainsi que ceux qui sont parents d’un enfant de moins de 16 ans faisant lui-même l’objet d’une telle mesure, et qui se trouvent, pour l’un de ces motifs, dans l’impossibilité de continuer à travailler), le maintien de salaire n’est plus subordonné au respect d’un délai de 48 h pour justifier de son arrêt de travail, ni à une condition de territorialité des soins.

Articulation complément employeur conventionnel

L’éventuel délai de carence conventionnel reste applicable tout comme l’éventuelle condition d’ancienneté conventionnelle.

En conséquence, et compte tenu du principe de faveur sus exposé, le complément de salaire légal ( avec ses nouvelles règles) et le complément de salaire conventionnel devraient être comparés pour que le dispositif le plus favorable soit appliqué. En effet, l’indemnisation complémentaire légale « ?sans conditions ? » pourra devenir plus favorable que l’indemnisation complémentaire conventionnelle « ?avec conditions ? ».

Toutefois, il faut noter que, concernant l’indemnisation du salarié au titre des arrêts de travail pour garde d’enfant pendant l’épidémie de Covid 19, le question/réponse du gouvernement, dans la partie « salarié », mentionne le fait que « s’agissant de l’indemnité complémentaire conventionnelle ou légale, elle s’applique également sans délai de carence en application du décret n° 2020-193 du 4 mars 2020 relatif au délai de carence applicable à l’indemnité complémentaire à l’allocation journalière pour les personnes exposées au coronavirus. »

Ainsi, alors même que le décret cité ne fait référence qu’à la carence légale, le question/réponse semble étendre l’absence de carence à l’indemnisation employeur conventionnelle.
Ce point n’étant pas prévu par le décret, il semble tout à fait possible de ne pas l’appliquer. Toutefois, dans la mesure où le document est disponible par tous ( notamment par vos salariés) et qu’il est plutôt clair, nous vous laissons donc juger de l’opportunité d’appliquer le question/réponse.

Voici un tableau récapitulant les différentes situations

ARRÊTS DE TRAVAIL ET ACTIVITÉ PARTIELLE

Si le salarié bénéficie au préalable d’un arrêt de travail pour maladie et que les salariés de l’entreprise sont postérieurement placés en activité partielle
Le salarié reste en arrêt maladie indemnisé jusqu’à la fin de l’arrêt prescrit.

Le complément employeur, versé en plus de l’indemnité journalière de sécurité sociale, s’ajuste pour maintenir la rémunération à un niveau équivalent au montant de l’indemnisation due au titre de l’activité partielle, soit au moins 70 % du salaire brut, car le complément employeur ne peut conduire à verser au salarié un montant plus élevé que celui qu’il toucherait s’il n’était pas en arrêt.

Le complément employeur reste soumis aux mêmes prélèvements sociaux et fiscaux  : il est donc soumis aux cotisations et aux contributions sociales de droit commun comme s’il s’agissait d’une rémunération.
Cet ajustement du complément employeur peut faire l’objet de régularisations a posteriori.

A la fin de l’arrêt de travail, le salarié bascule alors vers l’activité partielle.

Si le salarié bénéficie au préalable d’un arrêt de travail dérogatoire mis en place dans le cadre de la gestion de l’épidémie pour isolement ou garde d’enfant et que l’entreprise place ses salariés postérieurement à cet arrêt en activité partielle
Il convient, dans ce cas, de distinguer deux situations : celle dans laquelle l’activité de l’entreprise est totalement interrompue et celle dans laquelle l’activité de l’entreprise est réduite.

1- Cas de l’entreprise qui place ses salariés en activité partielle en raison de la fermeture totale ou d’une partie de l’établissement :
La justification des arrêts dérogatoires étant d’indemniser le salarié qui ne peut pas se rendre sur son lieu de travail soit par mesure de protection soit parce qu’il est contraint de garder son enfant, ceux-ci n’ont plus lieu d’être lorsque l’activité du salarié est interrompue puisqu’il n’a plus à se rendre sur son lieu de travail.

Dans ces conditions, le placement des salariés en activité partielle, lorsque l’établissement ou la partie de l’établissement auquel est rattaché le salarié ferme, doit conduire à interrompre l’arrêt de travail du salarié : l’employeur doit alors signaler à l’assurance maladie la fin anticipée de l’arrêt selon les mêmes modalités qu’une reprise anticipée d’activité en cas d’arrêt maladie de droit commun.
Toutefois compte tenu des circonstances exceptionnelles, si l’arrêt de travail dérogatoire est en cours au moment du placement en activité partielle des salariés en raison de la fermeture de tout ou partie de l’établissement, l’employeur peut attendre le terme de l’arrêt en cours pour placer le salarié en activité partielle.
En revanche, aucune prolongation ou aucun renouvellement de l’arrêt ne pourra être accordé une fois le placement en activité partielle intervenu.
Les employeurs sont donc tenus à ne pas demander le renouvellement des arrêts pour garde d’enfants de leurs salariés. S’agissant des arrêts de travail pour personnes vulnérables qui ont pu valablement se déclarer sur le télé-service de l’assurance maladie, ceux-ci étant automatiquement prolongés par l’Assurance maladie pour la durée du confinement, l’employeur est tenu d’y mettre un terme : l’employeur doit alors signaler à l’assurance maladie la fin anticipée de l’arrêt selon les mêmes modalités qu’une reprise anticipée d’activité en cas d’arrêt maladie de droit commun.

2- Cas de l’entreprise qui place ses salariés en activité partielle en raison d’une réduction de l’activité :
Il n’est pas possible de cumuler sur une même période de travail une indemnité d’activité partielle et les indemnités journalières de sécurité sociale.
C’est pourquoi quand l’activité partielle prend la forme d’une réduction du nombre d’heures travaillées, il n’est pas possible de cumuler cette activité partielle avec un arrêt de travail dérogatoire pour garde d’enfant ou pour personne vulnérable. L’employeur ne pourra donc pas placer son salarié en activité partielle pour réduction du nombre d’heures travaillées si un arrêt de travail est en cours.

Si le salarié est d’abord placé en activité partielle et qu’il tombe ensuite malade
Un salarié placé en activité partielle conserve son droit de bénéficier d’un arrêt maladie (hors arrêts pour garde d’enfant ou personne vulnérables). Le bénéfice du dispositif d’activité partielle s’interrompt alors jusqu’à la fin de l’arrêt prescrit (le salarié percevant des indemnités journalières sans délai de carence).

Dans ce cas, l’employeur lui verse un complément employeur aux indemnités journalières de sécurité sociale qui s’ajuste pour maintenir la rémunération à un niveau équivalent au montant de l’indemnisation due au titre de l’activité partielle, soit au moins 70% du salaire brut, car le complément employeur ne peut conduire à verser au salarié un montant plus élevé que celui qu’il toucherait s’il n’était pas en arrêt.
Ce complément employeur est soumis aux cotisations et aux contributions sociales de droit commun comme s’il s’agissait d’une rémunération.

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