Infractions en ligne (...)

Infractions en ligne : les contenus illicites

Le Web n’est pas une zone de non-droit. En matière d’infractions commises en ligne, toute la difficulté réside dans le fait de caractériser le contenu comme illicite, devant être retiré du site par l’hébergeur.

Diffamation ou injures. Sont notamment considérés comme étant des contenus illicites devant être retirés par l’hébergeur : les commentaires constituant des actes de diffamation ou d’injure au sens de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse (article 29).

Constitue un acte de diffamation : « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé », et une injure : « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ».

La distinction entre injure et diffamation fait régulièrement débat devant les tribunaux ; la différence entre ces deux délits reposent sur la notion d’ « imputation d’un fait précis ». A titre d’illustration, le terme « irresponsable » n’a pas été considéré comme contenant l’imputation d’un fait précis, et constitue dès lors une injure. En l’espèce, le premier président de la Cour d’appel de Paris avait qualifié d’irresponsable le fait qu’un magistrat ait lancé des mandats d’arrêts contre cinq personnalités marocaines, dans l’affaire Ben Barka, avant le voyage de Nicolas Sarkozy à Rabat. A l’occasion de cette affaire, la Cour de cassation a rappelé que « pour constituer une diffamation, l’allégation ou l’imputation qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime doit se présenter sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être, sans difficulté, l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire » (13 avril 2010, n°09-82.389).

Par ailleurs, ces infractions en matière de presse sont soumises à une prescription spécifique et particulièrement courte, de trois mois (art. 65 de la loi du 29 juillet 1881). Ce délai s’applique évidemment aux infractions de presse sur Internet. En outre, la jurisprudence a précisé que le point de départ de ce délai doit être fixé à la date du premier acte de publication, soit la date à laquelle le message a été mis pour la première fois à disposition des utilisateurs (Cour de cass., 6 janvier 2009, n°05-83.491).

Dénigrement. Le dénigrement sur Internet, qui constitue également un contenu illicite devant être retiré, relève quant à lui du régime de responsabilité de droit commun. Dénigrer les produits ou les services d’une société constitue, en effet, un acte dont l’auteur doit être puni et la « victime » indemnisée. Mais les tribunaux peuvent parfois se montrer sévères quant à l’indemnisation de ce préjudice. Le tribunal de commerce de Montpellier a ainsi refusé, le 17 janvier dernier, d’indemniser le demandeur dont le site de ventes immobilières avait été dénigré sur des forums de discussion, ternissant ainsi sa réputation : il n’avait pas prouvé que seuls les messages émanant de son concurrent étaient à l’origine de son préjudice. Afin d’obtenir des dommages et intérêts, il aurait dû apporter la preuve que des internautes s’étaient détournés de son site à cause des actes de son concurrent.

Autre acte constitutif de dénigrement (ainsi que de concurrence déloyale et parasitisme, en l’espèce) le fait pour une société d’avoir tenté de supprimer la référence à un site concurrent sur la célèbre encyclopédie en ligne Wikipédia. L’affaire concernait deux sociétés de publicité en ligne et de micro-paiement : la société HI-Media avait tenté de faire supprimer de la fiche « micropaiement » son concurrent, Rentabiliweb. Pour ces faits, le tribunal de commerce de Paris, l’a condamnée, le 1er juillet dernier, à verser 25 000 euros à son concurrent dénigré.

Faux avis sur la Toile. En sens contraire, une nouvelle pratique a récemment émergé sur le Web, assez déconcertante. Les agences de e-réputation françaises ou étrangères proposent, comme services aux sociétés du Web, de poster sur leur site ou sur des forums des commentaires élogieux de faux clients. Cette pratique, déloyale trompeuse, constitue évidemment une infraction au Code de la consommation . La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes s’est naturellement chargée de ce dossier, et ses agents mênent une enquête afin de sanctionner le plus rapidement possible ces « pratiques déviantes », selon les termes de la DGCCRF.

Atteintes à la vie privée ou au droit à l’image. Enfin, la qualification du contenu illicite peut également relever de l’atteinte à la vie privée ou du droit à l’image de l’internaute. Prévu à l’article 9 du Code civil, le droit au respect de la vie privée – qui n’y est cependant pas défini – permet de s’opposer à la divulgation d’informations concernant, notamment, la vie conjugale, la vie familiale, la santé, la sexualité ou encore le patrimoine de l’individu. De ce concept de vie privée, la jurisprudence a développé le droit à l’image, permettant alors de protéger la personne contre toute publication, sans son autorisation, d’images, de photographies, ou de films la représentant.

Droit à l’oubli numérique

Sujet d’actualité, l’e-réputation fait naturellement couler beaucoup d’encre et intéresse le législateur. Ainsi, le Sénat a-t-il proposé le 23 mars 2010 une loi prévoyant le « droit à l’oubli numérique ». Cette proposition de loi, des sénateurs Anne-Marie Escoffier et Yves Détraigne, vise à faciliter les recours en cas d’abus et également octroyer davantage de pouvoirs à la Cnil (Commission nationale Informatique et Libertés). Elle prévoit la suppression des données sur simple demande par courriel et l’information sur la durée de la conservation. Ce texte n’a, à ce jour, pas encore été examiné par l’Assemblée Nationale.

Autre initiative, en octobre 2010, le droit à l’oubli numérique a fait l’objet d’une charte. En la signant, les réseaux sociaux et les moteurs de recherche se sont engagés à protéger plus particulièrement les mineurs et à mettre en place un système de signalement et de recours pour les internautes désirant faire supprimer leurs informations. Problème, l’effet de cette charte reste mesuré : les géants Google, Twitter et Facebook n’en sont pas signataires, contrairement à Bing de Microsoft ou encore la plate-forme Skyblog.

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