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Jean-Marcel Giuliani : développer les modes alternatifs de résolution des différends

Parmi les différentes solutions appliquées au Tribunal de Commerce de Nice pour résoudre les différends, le président Giuliani a nommé trois juges conciliateurs.

Au Tribunal de Commerce de Nice, la conciliation est-elle très utilisée ?

Le développement des modes alternatifs de résolution des différends continue d’être une priorité de notre juridiction : son acceptation par les parties n’est pas toujours évidente, certaine s’imaginant qu’un délibéré de trois juges est mieux à même de les satisfaire que la conciliation à laquelle elle participaient pourtant activement. La conciliation est une pratique courante dans les affaires. Elle peut avoir lieu avant tout procès, avec l’assistance d’avocats-conseils. Elle peut aussi intervenir une fois le procès
engagé, en étant entreprise directement par le juge, ou alors confiée à un "juge-conciliateur" ou à un conciliateur de justice.

Sur quels textes vous appuyez-vous ?

Le décret n°2015-282 du 11 mars 2015 impose que soient précisées dans l’assignation (article 56 du CPC) ou dans la requête (art 58 du CPC) qui saisissent le Tribunal "les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige".

Et concrètement, cela se passe comment au Tribunal ?

J’ai désigné trois juges conciliateurs qui ont reçu pour ces missions une formation spécifique.

Quelles sont les obligations de ces juges conciliateurs ?

Ils doivent respecter certaines règles comme l’organisation d’une réunion entre les parties pendant laquelle ils ne portent pas de robe, réunion qui est
distincte de l’audience. Ils doivent aussi se dessaisir en cas d’échec de la conciliation et, bien sûr, toute information et tout document produit à cette occasion reste strictement confidentiel : ni le juge, ni les tiers n’en seront informés.

Et comment décidez-vous que tel ou tel dossier “mérite“ une conciliation ?

Nous sélectionnons les dossiers susceptibles de faire l’objet d’une conciliation dans les chambres de contentieux général. Il y a une audience spéciale le vendredi matin qui renvoie les dossiers dans chaque chambre.

Le cas est-il fréquent à Nice ?

Nous avons retenu cette année une centaine d’affaires. Sur les quatre vingt dix dossiers réalisés, plus de la moitié s’est soldée par un succès avec un accord des parties. Cela signifie qu’il est essentiel de bien sélectionner les litiges et de préparer les parties et leurs conseils à la conciliation.

Quelle forme peut prendre l’accord ?

Il peut s’agir d’un accord entre les parties. À tous les stades de la procédure, il appartient ainsi au juge d’apprécier, au vu des caractéristiques et des circonstances de l’affaire, s’il lui est possible lui même de concilier les parties (art 21 du CPC) ou s’il convient de proposer une conciliation ou une médiation lui permettant de parvenir à une solution amiable (dispositions prévues des articles 127 à 131-15 du CPC).

Et quid de la médiation ?

Avec l’accord des parties, le juge peut désigner un médiateur pour les entendre, confronter leurs points de vue et tenter de trouver ainsi une solution au litige. Cela est prévu des articles 131-1 à 131-15 du CPC. Cette désignation peut intervenir en tout état de la procédure et même en
référé. Elle ne dessaisit pas le juge, la décision ordonnant la médiation indique la date à laquelle l’affaire sera rappelée à l’audience. Le rôle du médiateur est d’aider à la formation d’un accord en dehors de la présence du juge qui ne devra pas être tenu au courant de la
teneur des négociations.
La mission du médiateur ne peut excéder trois mois, renouvelable une fois. Contrairement au conciliateur, le médiateur percevra une rémunération fixée par le juge qui indiquera aussi la répartition de cette charge entre les parties.

Et à la fin ?

À l’issue de la médiation, le tribunal pourra homologuer l’accord (article 131-12 du CPC) à la demande des parties.

Y a-t-il d’autres formules utilisables pour parvenir à un accord sans avoir à passer devant un juge ?

Les parties peuvent demander à un juge de statuer en "amiable composition", c’est à dire de juger autant en équité qu’en droit dans des limites qu’elles peuvent fixer. Il y a aussi la "transaction" qui est un contrat par lequel les parties terminent une contestation ou en préviennent une à naître, elle a l’autorité de la chose jugée (art. 2044 à 2058 du CPC). Et encore "l’arbitrage" qui sera rédigé comme un jugement ayant autorité de la chose jugée.

Propos recueillis par
Jean-Michel CHEVALIER

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