L'employeur peut-il (...)

L’employeur peut-il être déclaré civilement responsable du comportement d’un représentant du personnel ?

L’arrêt de la Chambre Criminelle du 28 mai 2013 (n°11-88.009) porte sur la situation suivante : un représentant du personnel
est condamné pour harcèlement moral à l’encontre d’une salariée victime, essentiellement lors de réunions du comité d’établissement,
d’attaques personnelles gratuites, de propos diffamatoires et de pressions réitérées destinés à la discréditer auprès de
la société. La salariée entend faire condamner l’employeur conjointement et solidairement à son « collègue » harceleur.

L’employeur est civilement responsable du fait de ses salariés (responsabilité
civile dite du commettant du fait des préposés). En effet, en
application de l’article 1384 du code civil, les maîtres et commettants
sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés
dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.

Ce principe rappelé, plusieurs hypothèses doivent être distinguées.

S’agissant des actes sans rapport avec les fonctions constitutifs de
délits ou crimes commis par le salarié (meurtre, rixes entre salariés,
vol dans un lieu où son travail ne l’appelait pas, etc.), ces derniers
n’engagent pas la responsabilité de l’employeur.

En revanche, lorsque le salarié n’a pas agi dans l’exercice strict de ses
fonctions mais que néanmoins son acte n’est pas totalement étranger
à celles-ci, l’employeur peut être responsable (ce qui, au demeurant,
ne fait pas échec à la reconnaissance de la responsabilité du salarié).

Ainsi, la reconnaissance d’une faute constitutive d’une infraction
pénale volontaire, autre que de négligence ou d’inattention de nature
quasi-délictuelle, n’est pas suffisante pour exonérer l’employeur de
l’obligation d’assumer les conséquences civiles des fautes commises
par ses salariés (Cass. civ., 2e 12 mai 2011, n°10-20.590).

En effet, le commettant ne sera exonéré que si trois conditions cumulatives
sont réunies (Cass. Ass. Plén., 19 mai 1988, n°87-82.654) :
- agissement du salarié en dehors de ses fonctions,
- sans autorisation,
- et à des fins étrangères à ses attributions.

Or, la jurisprudence a une analyse restrictive de ces conditions d’exonération.
Ainsi pour un professeur de musique qui abuse d’élèves
placés sous son autorité, se rend coupable de viols et agressions
sexuelles dans l’enceinte de l’établissement et pendant les cours qu’il
doit y donner. La Cour considère que le préposé avait trouvé dans
l’exercice de sa profession sur son lieu de travail et pendant son
temps de travail, les moyens de sa faute et l’occasion de la commettre,
fût-ce évidemment sans autorisation et à des fins étrangères à
ses attributions : Cass. civ., 2e 17 mars 2011, n°10-14.468.
Il en est également ainsi d’un directeur d’une agence bancaire qui,
pour procurer de la trésorerie à certains clients, fait fonctionner entre
différents comptes ouverts dans cet établissement et dans d’autres
banques, un circuit de chèques et d’effets de commerce non causés,
constitutif d’escroquerie (Cass. crim., 8 avril 1997, n°96-83.427), ou
encore de la contrefaçon, falsification et usage de chèques contrefaits
ou falsifiés par un salarié d’une société d’assurance à qui ils étaient
remis (Cass. civ., 2e, 24 mai 2012, n°11-10.856).

L’arrêt de la chambre criminelle du 28 mai 2013 statue dans le même
sens à propos d’un représentant du personnel s’étant rendu coupable
de harcèlement moral à l’égard d’une salariée de l’entreprise dans le
cadre de réunions du comité d’établissement. L’entreprise avait vainement
soutenu que le commettant n’est pas civilement responsable des
actes commis par le préposé dans le cadre d’activités échappant au
pouvoir de direction de l’employeur et que tel était le cas des actes
commis par le préposé à l’occasion de l’exercice d’une activité syndicale.
Cette analyse n’a malheureusement pas été retenue, ceci dans
la droite ligne de la jurisprudence précitée.

Dans ces conditions, les employeurs « commettants » devraient légitimement
pouvoir compter sur un soutien de l’administration du travail
à l’occasion des demandes d’autorisation de licenciement fondées sur
des faits de harcèlement moral ou sexuel, lesquels, outre leur caractère
par nature de gravité suffisante, sont de surcroît susceptibles d’engager
la responsabilité civile de l’entreprise. Pour autant, un tel soutien
n’est, pour l’heure, pas vraiment perçu.

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