L'évolution du loyer (...)

L’évolution du loyer au cours d’un bail commercial

Quand les parties ont prévu dans le bail une indexation du loyer fondée sur la variation d’un indice, cette indexation est-elle automatique ou ne joue-t-elle qu’en présence d’une demande du bailleur ? Un arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2011 [1] apporte une réponse à la question.

On sait qu’un tel bail a une durée minimum de neuf ans, ce qui implique de prendre en compte le paramètre du temps, en prévoyant une évolution du loyer. Les dispositions en vigueur distinguent deux sortes de révision du loyer, l’une d’origine légale, l’autre d’origine conventionnelle.

Deux catégories de révision

La première est prévue par l’article L. 145-38 du Code de commerce et par les articles R. 145-20 et R. 145-21. Cette révision est triennale, c’est-à-dire qu’il doit s’écouler au moins trois ans entre chaque mise en œuvre. Elle ne joue pas automatiquement, mais à compter du jour où elle est demandée ; à défaut d’avoir été demandée à temps, elle est perdue pour le passé. Ce dispositif est d’ordre public en vertu de l’article L. 145-15 du Code de commerce ; les parties ne peuvent l’écarter dans le bail.

La révision d’origine conventionnelle est traitée par le Code de commerce de manière plus discrète ; c’est logique car elle a vocation à être régie au premier chef par la convention des parties. Le Code de commerce ne lui consacre donc, sous le nom de clause d’échelle mobile, que de brèves dispositions, aux articles L. 145-39 et R. 145-22, lesquels visent, pour l’essentiel, le cas d’emballement de l’indice retenu par les parties ; le jeu de la clause d’échelle mobile est alors mis à l’écart au profit d’une prise en compte de la valeur locative (mécanisme que l’article L. 145-35 appelle aussi… révision).

Le Code monétaire et financier est, pour sa part, plus prolixe : sous le nom de clause d’indexation, il encadre la clause, aux articles L. 112-1 à L. 112-4. Guidé par des préoccupations d’ordre public monétaire, il limite la liberté des parties dans le choix de l’indice, et impose d’ajuster la durée de la période de variation de l’indice sur la durée s’écoulant entre deux fixations du loyer (question aujourd’hui d’actualité). Dans le cadre légal ainsi défini, il appartient aux parties d’organiser elles-mêmes, dans leur contrat, la mise en œuvre de l’indexation qu’elles ont prévue.

Or, à cet égard, force est de reconnaître que la rédaction adoptée est parfois défectueuse, les parties n’utilisant pas clairement ou pas pleinement les espaces de liberté qui leur sont laissés.

Une liberté à exploiter

Ainsi la périodicité de l’indexation est laissée à la discrétion des parties. L’usage le plus fréquent est celui de l’indexation annuelle, mais les parties pourraient aller jusqu’à prévoir que le loyer varie à chaque parution de l’indice. Inversement, il est possible de ne faire varier le loyer que sur des périodes plus longues, notamment tous les trois ans ; mais le risque est alors, si la clause est en outre imparfaitement rédigée, qu’elle ne constitue au final qu’un rappel de l’existence de la révision légale triennale [2].

S’agissant de savoir si l’indexation est automatique ou si elle doit être demandée par le bailleur, il n’existe aucune règle légale. L’un des intérêts de la clause d’indexation est qu’elle peut jouer, à la différence de la révision légale triennale, de manière automatique, sans qu’une demande soit nécessaire [3], mais encore faut-il, pour qu’il y ait automatisme, que les parties l’aient prévu dans la clause.

Dans son arrêt du 1er juin 2011 [4], la Cour de cassation a statué sur une clause ainsi libellée : « Le montant de la redevance est révisable chaque année en fonction de l’indice INSEE de la construction ». La Cour a estimé, à juste titre, que stipuler que le loyer était « révisable » n’impliquait pas qu’il soit automatiquement « révisé ». La révision devait donc être demandée par le bailleur ; à défaut, elle ne pouvait jouer et le bailleur, qui avait été négligent pendant plusieurs années, ne pouvait donc, après coup, réclamer un complément de loyer pour les années passées.

La solution retenue est irréprochable. En-dehors des quelques règles d’ordre public ci-dessus évoquées, la clause d’indexation est laissée à la liberté des parties ; il appartient donc à celles-ci de s’exprimer sur son automaticité, laquelle n’a lieu que si elles l’ont prévue.

[1Cass.Civ. 3 n° 10- 19036

[2Sur une clause ambigüe, voir Cass. civ. 3, 30 octobre 2002, Gaz. Pal. 2004, somm. p. 592, note J.-D. Barbier

[3Cass. civ. 3, 10 nov. 2010, D. 2010.2769, obs. Rouquet, AJDI 2011.361, obs. Dumont-Lefrand

[4Loyers et copro., sept. 2011, p. 21, note Brault

Crédit photo : Photos Libres

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