L'Incident de caducité

L’Incident de caducité de déclaration d’appel, fin de non recevoir ou exception de procédure ?

Une déclaration d’appel n’est pas dénoncée par huissier à la partie
intimée qui n’avait pas constitué avocat en défense dans le mois
suivant l’invite par mail reçue sous mode RPVA (réseau privé virtuel
des avocats) du greffe de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence d’avoir
à effectuer cette formalité prévue sous peine de caducité par l’article
902 du Code de procédure civile.

La formalité n’avait pas été respectée car, dans les 5 jours suivant
l’expiration des 30 jours, l’intimé avait pris avocat.

Les parties concluent au fond dans les délais imposés de 3 mois pour
l’appelant et 2 mois pour l’intimé principal et le co-intimé, autre partie
recherchée en relevé et garantie en première instance.

L’affaire est fixée à plaider à échéance de 8 mois sans calendrier de
mise en état pour de nouvelles conclusions, aucune partie n’ayant
voulu reconclure.

Quinze jours après l’avis de fixation à plaider par le Conseiller de la
mise en état, l’intimé principal bénéficiaire du jugement de première
instance introduit un incident devant le même Conseiller afin de déclaration
de caducité de la déclaration d’appel, faute de dénonce de
celle-ci dans le mois de l’avis du greffe.

La difficulté procédurale à l’admission d’un tel moyen tient à ce qui a
été soulevé après régularisation de conclusions au fond.

Constitue-t-il une fin de non recevoir invocable jusqu’à ce que la Cour
statue au fond ou une exception de procédure devant être soulevée
in limine litis ?

L’intimé se prévaut d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 25 avril
2013 ayant considéré que "si l’article 914 du Code de procédure civile
donne compétence exclusive au Conseiller de la mise en état pour
se prononcer sur la caducité de la déclaration d’appel, la demande
de caducité de la déclaration d’appel présentée par la société intimée
ne constitue pas une exception de procédure telle que visée par
l’article 73 du Code de procédure civile qui effectivement, à peine
d’irrecevabilité, doit être soulevée avant toute défense au fond ou fin
de non-recevoir, mais un incident d’instance. Les exceptions de procédure
sont en effet énumérées dans le chapitre 2 du titre V du livre I
du Code de procédure civile alors que la caducité constitue la section
III du chapitre IV du titre XI du même Code relatif aux incidents d’instance.
En conséquence, la société appelante ne peut se prévaloir des
dispositions de l’article 74 du Code de procédure civile pour soutenir
que la demande de l’intimée en caducité de la déclaration d’appel
serait irrecevable faute d’avoir été présentée avant toute défense au
fond" (in Juris-data n°2013-008665).

Consulté, Me Patrice Spinosi, avocat aux conseils, est d’un avis tout à
fait différent : l’intimé qui invoque la caducité de la déclaration d’appel
soulève une exception de procédure car le moyen peut entraîner
l’extinction de l’instance et semble bien répondre à la définition posée
par l’article 73 du Code de procédure civile selon lequel "constitue
une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer
la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours".

A titre de comparaison, l’article 385 du Code de procédure civile
énonce que l’instance s’éteint notamment "par la caducité de la citation".

Un raisonnement a pari doit pouvoir s’imposer avec la caducité de la
déclaration d’appel.

En outre, dans un arrêt du 22 novembre 2001 (in Bull Civ II n°171),
la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a jugé que l’incident
tendant à faire constater la caducité du jugement par application de
l’article 478 du CPC est irrecevable dès lors que l’appelant l’a fait
précéder de conclusions au fond.

La Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 25 avril 2013 a cru
devoir indiquer que les exceptions de procédure sont énumérées dans
le chapitre II du livre I du Code de procédure civile aux articles 73
et suivants alors que la caducité de la citation est réglementée dans
un titre relatif aux incidents d’instance pour aboutir à la conclusion
que la société appelante ne pouvait se prévaloir de l’article 74 dudit
code.

Toutefois l’opposition entre exception de procédure visant à éteindre
l’instance et incident d’instance ne paraît guère convaincante puisque
l’extinction d’instance est également envisagée dans le CPC comme
un incident d’instance (article 384 et suivants) et que - pour rappel -
l’article 73 du CPC énonce que le moyen qui tend à faire déclarer la
procédure éteinte est une exception de procédure.

Par ailleurs la caducité de la déclaration d’appel ne peut s’analyser
en une fin de non recevoir pouvant être soulevée à tout moment dans
la mesure où la fin de non recevoir tient son essence d’un défaut
d’intérêt ou de qualité à agir en remettant en cause le droit même de
porter une revendication en Justice.

Selon ordonnance du 10 décembre 2013, le Conseiller de la mise
en état près la Cour d’Aix-en-Provence rejette l’incident en retenant
que "la caducité de la déclaration d’appel est un moyen de défense ;
que le titre V du CPC (MOYENS DE DEFENSE) ne comporte que 3
chapitres : "les défenses au fond" (chapitre 1er) ce qu’assurément le
moyen de caducité n’est pas ; qu’elle n’est pas davantage une fin de
non recevoir (chapitre III) où l’instance dès l’origine est affectée par
un événement la rendant irrecevable, moyen qui peut être soulevé en
tout état de cause ; le chapitre II vise les "exceptions de procédure".
Le moyen de caducité de l’appel est une exception de procédure au
sens de l’article 73 du Code de procédure civile aux termes duquel
"constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à
faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre
le cours", la caducité de la déclaration d’appel entraînant l’extinction
de l’instance.

En application de l’article 74 "les exceptions de procédure doivent
à peine d’irrecevabilité être soulevées simultanément avant toute défense
ou fin de non recevoir", l’intimé n’est pas recevable à soulever
la caducité après avoir conclu sur le fond du litige renonçant ainsi
à s’en prévaloir ; il s’ensuit l’irrecevabilité de l’incident formé par
l’intimé".

Sur déféré, la 1ère chambre B de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence suivant arrêt n°2014/143 du 27 février 2014 infirme en estimant
que "la caducité de la déclaration d’appel est prévue à l’article 902
et à l’article 908 du CPC. Il s’agit du droit d’agir en appel en liaison
avec le respect de délais précis. La déclaration d’appel a sa validité
conditionnée par des événements postérieurs qui doivent intervenir
dans des délais précis.

La subsistance de la déclaration d’appel est conditionnée par la réalisation
d’événements qui doivent se produire dans un certain délai,
la signification de cette déclaration au titre de l’article 902 du CPC
à défaut de constitution spontanée antérieure, et le dépôt de conclusions
d’appel dans le cas de l’article 908. A défaut de la réalisation
de l’événement qui en conditionne la validité, l’acte tombe, devient
caduc.

Lorsque Mme Francine R. épouse G. a constitué avocat le 30 mai
2013, elle l’a fait dans une procédure dans laquelle la déclaration
d’appel était devenue caduque à son égard.
Sa constitution et ses conclusions ne pouvaient avoir pour effet de
faire revivre la procédure.

Mme Francine R. épouse G. pouvait en conséquence à tout moment
soulever cette caducité. Les actes accomplis par elle après la survenance
de la caducité ne pouvaient la faire disparaître".

Solution aixoise s’alignant sur celle de la Cour d’appel de Paris.

Un pourvoi est à l’étude.

En revanche la sanction de la caducité ne vaut que dans les rapports
entre l’initiateur de l’incident et l’appelant, ce dernier conservant
sauve son action récursoire en relevé et garantie parce que, au cas
présent, la Cour ne dit rien. Mais il faut l’entendre de façon implicite,
il n’y avait pas indivisibilité de la matière et de l’intérêt du litige,
s’agissant d’un relevé et garantie pour faute délictuelle, qui eût pu
générer une caducité de l’ensemble de la procédure.

Une circulaire CIV/16/10 du 31 janvier 2011 du Directeur des affaires
civiles et du Sceau (pièce n°6) est venue préciser qu’ « en cas
de pluralité d’intimés, le non-respect à l’égard de l’un d’entre eux des
prescriptions de l’article 902 ne pourra être invoqué par les autres
intimés en application de l’article 324 du Code de procédure civile
en sorte que la caducité de la déclaration d’appel n’aura pas d’effet
sur les intimés constitués. Il n’en ira autrement qu’en cas d’indivisibilité
à l’égard de plusieurs intimés (…) ».

Que recouvre la notion d’indivisibilité ? Autre sujet auquel les Cours
d’appel dans le maquis introduit par le Décret Magendie auront à
répondre avant que la Cour de cassation ne soit saisie de la question.

deconnecte