La délégation unique (...)

La délégation unique du personnel existe-t-elle ?

Si la question peut surprendre, c’est davantage en raison des pratiques constatées dans les entreprises que d’une analyse juridique
stricte.

Qu’est-ce qu’une Délégation Unique du Personnel (DUP) ?

Pour alléger la charge résultant pour les PME de la gestion des institutions représentatives du personnel, le législateur, il y a maintenant
bientôt 20 ans (loi n°93-1313 du 20 décembre 1993) a ouvert la
faculté, pour le chef d’entreprise, de décider que les délégués du personnel constituent la délégation du personnel au comité d’entreprise.

Quelles sont les entreprises concernées ?

Sont exclusivement concernées les entreprises dont l’effectif est au
moins égal à 50 salariés et inférieur à 200 salariés et au sein desquelles le chef d’entreprise a pris la décision que les délégués du
personnel constitueront la délégation unique du personnel au comité
d’entreprise après consultation des délégués du personnel et, s’il
existe, du comité d’entreprise.
Le recours à la DUP est possible à l’occasion de la constitution du
comité d’entreprise ou de son renouvellement.

Fusion des mandats….

Ce dispositif participant à simplifier les relations avec les institutions
représentatives du personnel, la délégation unique du personnel
connaît un franc succès. Ce succès a en outre été grandement facilité
par le fait que l’entreprise :

- n’est plus tenue d’organiser qu’une seule élection, celle des délégués
du personnel, lesquels, une fois élus, vont ipso facto constituer la délé-
gation au comité d’entreprise ;

- bénéficie d’une réduction du nombre des délégués à élire et d’une
limitation du nombre des heures de délégation auxquels les élus
peuvent prétendre.

À titre d’exemple, pour une entreprise de 80 salariés, si le chef d’entreprise opte pour une délégation unique, 4 titulaires et 4 suppléants
seront à élire, chaque titulaire bénéficiant d’un crédit mensuel de 20
heures de délégation. Si elle n’opte pas pour la DUP, l’entreprise
devra élire :

- 4 titulaires et 4 suppléants pour l’élection du comité d’entreprise
disposant chacun d’un crédit mensuel de 20 heures de délégation

- et 3 titulaires et 3 suppléants pour les élections des délégués du
personnel, disposant chacun d’un crédit mensuel de 15 heures de
délégation.

Mais pas fusion des institutions !

Pour autant, la fusion des mandats n’entraîne pas la fusion des institutions, lesquelles demeurent distinctes. C’est ainsi que :

- des réunions mensuelles propres à chacune des instances doivent
être organisées à la suite l’une de l’autre. Ainsi, une seule date mais
deux réunions distinctes et successives sont à prévoir en matière de
délégation unique du personnel. L’ordre des réunions importe peu,
l’essentiel étant qu’elles soient distinctes.

- les moyens consentis à chacune des instances ne sont pas mis en
commun ;

- leurs attributions respectives restent nettement différenciées.
Dans cet esprit, les documents établis à la suite des réunions de la
délégation unique du personnel doivent démontrer qu’aucun « mé-
lange des attributions » n’a été opéré.
Ainsi, conformément aux règles
propres à chaque institution, figureront sur le registre des délégués
du personnel les demandes des délégués et les réponses motivées
apportées par de l’employeur et sera établi par le secrétaire du CE un
procès-verbal de réunion du comité d’entreprise, lequel sera approuvé
à la réunion suivante par les élus du CE.

Il est donc impératif de respecter le formalisme propre à chaque institution et l’employeur doit être particulièrement vigilant en la matière.

La Cour de cassation vient de confirmer implicitement cette distinction.

Cette confirmation a été apportée à propos de l’éligibilité des salariés
mis à disposition par une entreprise extérieure.
On sait que, pour l’élection des délégués du personnel, les salariés
mis à disposition peuvent, sous certaines conditions, choisir d’exercer
leur droit de vote et de candidature au sein de leur entreprise d’accueil (dite entreprise utilisatrice) plutôt qu’au sein de l’entreprise qui
les emploie. Ils ne le peuvent cependant pas s’agissant des élections
des membres du comité d’entreprise. Le législateur n’a en effet pas
souhaité voir des salariés d’entreprises extérieures siéger au comité
d’entreprise.
Dans la mesure où le choix du recours à la délégation unique du
personnel aboutit à ce que les délégués élus soient ipso facto élus
membres du comité d’entreprise, l’administration (cf circulaire DGT
n°20 du 13 novembre 2008) en avait déduit que la règle de l’inéligibilité s’appliquait aussi pour la DUP.
Tel n’est cependant pas l’avis de la Cour de Cassation (Cass Soc.
5 décembre 2012 n°12-13.828) qui casse le jugement d’un tribunal d’instance qui avait retenu « que dans la mesure où la délégation unique du personnel exerce incontestablement les attributions du
comité d’entreprise, l’exclusion des salariés mis à disposition prévue
pour l’élection des membres du comité d’entreprise doit s’appliquer
également pour la délégation unique du personnel. »

Ce faisant, la Cour de Cassation ne fait que tirer les conséquences
du fait que seuls les mandats sont fusionnés et pas les institutions.
Dès
lors, la loi n’excluant l’éligibilité des salariés mis à disposition que
pour l’élection de l’institution « Comité d’entreprise », la Cour se refuse
d’étendre cette inéligibilité en cas d’élection dans le cadre d’une DUP,
laquelle est une institution….qui n’existe pas.
On peut certes regretter
qu’in fine la position de la Cour de cassation aboutisse à voir des
salariés d’entreprises extérieures siéger au Comité d’entreprise, mais
le raisonnement est imparable. Il appartient dorénavant au législateur
d’intervenir… s’il le souhaite.

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