La diffamation : l'informa

La diffamation : l’information globale et la comparaison de la diffamation en France et en Angleterre

La liberté de la presse a été consacrée par la loi du 29 juillet 1881 qui en fixe le cadre juridique nécessaire à son application et détermine également plusieurs limites. La question se pose régulièrement au regard de l’actualité de savoir si toute information est susceptible d’être protégée et divulguée au regard de la loi, ou s’il est nécessaire de considérer certaines informations comme devant être soustraites au public, notamment de par leur caractère injurieux, mensonger ou trompeur. La presse a-t-elle donc toutes les libertés ? Existe-il un « droit de savoir » du public ?

En février 2015, plus de 150 journalistes de plusieurs dizaines de médias publient les résultats d’une enquête menée à l’échelle internationale : l’affaire Swissleaks. Les révélations rendues publiques portent sur les évasions fiscales mises en place par la banque HSBC. Une liste est publiée, contenant les noms de plusieurs centaines de clients liés à la France et soupçonnés de fraude fiscale. Quelques personnalités dont le nom a été étalé dans la presse choisissent d’intenter une action en diffamation.

Quelles sont les modalités de cette procédure et les chances d’aboutir ?

La répression des infractions de la presse se concilie donc avec un droit de savoir du public. Ce droit du public se matérialise plus particulièrement dans les faits justificatifs de la diffamation.

La vision ancienne de l’aspect fiscal est celle du respect de la vie privée. Toute information fiscale concernant des particuliers ne concernait pas le public. Cependant, dans un contexte de crise, les courants d’opinions vont plutôt vers la transparence fiscale. Les citoyens souhaitent en effet davantage de visibilité. Ainsi, au vu de la globalisation de l’information, la comparaison des systèmes français et anglais de diffamation est intéressante.

La diffamation en France est une articulation de faits précis et objectifs qui peuvent faire l’objet d’une vérification et d’un débat contradictoire sans difficultés.

En effet, l’article 29 de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, modifiée par ordonnance du 6 mai 1944 dispose que :

« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait, est une injure. »

Si l’accusation ne relève pas d’un fait véritable, elle relève alors de l’injure. Une autre distinction doit s’opérer lorsque les propos litigieux concernent une entreprise. Dans ce cas, ils ne relèvent de la diffamation que si les propos visent un membre du personnel ou l’entreprise en elle-même. Les propos visant la qualité d’un produit ou d’un service relèvent davantage du dénigrement.

L’infraction est caractérisée en fonction du public présent lors des propos. En effet, la diffamation publique constitue un délit et relève donc du tribunal correctionnel, alors que la diffamation non publique est une contravention qui relève donc du tribunal de police.

L’article 41 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 pose les exceptions au délit de diffamation. Si la vérité des faits diffamatoires est établie, ou bien la bonne foi du prévenu, l’action en diffamation ne peut aboutir.
La preuve de la vérité des faits peut être produite par tous moyens, c’est à dire que le prévenu peut produire des éléments provenant d’une violation du secret de l’enquête ou de l’instruction ainsi que tout secret professionnel.
La bonne foi suppose le cumul de 4 critères : d’abord la prudence et la mesure dans l’expression ; ensuite l’absence d’animosité personnelle contre le plaignant ; puis la présence d’un but légitime et enfin le sérieux de l’enquête, distinct de la véracité des faits. Dans le cadre d’une enquête médiatisée comme l’affaire Swissleaks, il semblerait que les deux exceptions puissent être facilement établies par les médias qui disposent de toutes les sources du rapport. Ce genre d’affaire ayant un impact multinational, une comparaison avec un système juridique différent du notre, tel que la Grande-Bretagne, est intéressante.

L’origine du développement législatif en Angleterre en matière de diffamation date du Moyen Age, en solution aux duels afin de permettre aux « gentlemen » de défendre leur réputation sans recourir à la violence.

Le droit britannique différencie cependant entre le « libel », « slander » et « defamation ». Le dernier étant définit comme un propos public qui peut nuire à la réputation, il est subdivisé en deux catégories. La qualification de « libel » permet de regrouper de manière générale la calomnie, qui est une diffamation sous une forme permanente et enregistrée, par exemple par l’intermédiaire d’un journal, d’un livre, de la télévision ou de la radio. A contrario, la subdivision « slander » qualifie des propos médisants sous forme non permanente et le plus souvent à l’oral.

Tout comme le droit français, la Common Law prévoit des exceptions au délit de diffamation. La première est celle du « fair comment », ou de juste critique. Toute personne a le droit de critiquer les faits et paroles d’une autre sans pour autant que cela relève de la diffamation ; il faut néanmoins s’abstenir de tout propos insultant ou manifestement erroné ou mal intentionné. La deuxième exception concerne uniquement certains types de communications, dites privilégiées. C’est le cas pour les membres du gouvernement et parlementaires notamment. La jurisprudence anglaise a par la suite établi une troisième exception, basée sur l’affaire Reynold’s, et qui affirme une exception afin de protéger le journalisme responsable. C’est-à-dire que les rapports de faits ou de propos, même incertains, sont protégés d’une action en diffamation à condition qu’il y ait un intérêt public au rapport des faits. Cette dernière exception correspond bien au « droit de savoir » français.

Dans le cadre de l’affaire Swissleaks, les allégations de comptes tenus par la banque HSBC en Suisse ne sembleraient pas relever de la diffamation, si les informations sont prouvées. La divulgation des informations sur la situation fiscale des particuliers de notoriété et d’entreprises soulève des débats particulièrement actuels, compte tenu des demandes de transparence à ce sujet, accentuées par la crise, et favorisées par le relâchement des limites de la vie privée.

Maître Anne-Marie PECORARO
Cabinet Akléa Turquoise
http://www.aklea.fr/Anne-Marie-Pecoraro

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