La réglementation américai

La réglementation américaine FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act)

A la suite de la crise de 2008, le monde financier voit s’effondrer tous les fondements sur lesquels il se base depuis la deuxième guerre mondiale. De nombreux Etats dans la tourmente se tournent vers les organisations internationales et les institutions de régulation mondiale afin de répondre dans l’urgence à cette « chute vertigineuse » de l’économie sans précédent par son caractère systémique.
Les milieux politiques et d’affaires décident d’organiser des réunions au sommet et les G20 s’enchaînent afin d’apporter des solutions viables et rapides pour enrayer l’effet domino et la contamination de la crise à toutes les sphères économiques, et pouvant avoir pour conséquence une crise sociale majeure.

« De l’irréversible montée du monde des citées vers la cité du monde [1] » , citation de notre Maître à tous (juristes issus de l’IDPD : Institut du droit de la paix et du développement, à Nice), l’éminent Professeur René-Jean DUPUY. Je reprends humblement son idée selon laquelle un gouvernement mondial serait constitué d’une « gouvernance » qui saisit les Etats et non pas seulement dans des relations inter-étatiques. La réglementation internationale au lendemain de cette crise représente cette gouvernance qui n’est qu’au début de sa gestation.

La plupart des Etats développés sont endettés et ne peuvent lever des fonds sur les marchés financiers sans en payer le prix fort, c’est-à-dire des taux d’intérêts exorbitants. Les conséquences sont connues de tous malheureusement avec les cas de la Grèce et de l’Espagne, les Etats voient leur note (triple AAA) descendre à BB, voire à CC [2], où l’Etat concerné est quasiment en défaut de paiement.
Il est ensuite très difficile pour ces Etats de se financer et de remonter ces notes avant plusieurs années ou décennies.

La conséquence directe de cette crise est la recherche par tous les Etats des moyens les plus sûrs et rapides de récupérer des fonds financiers.

De tout temps, les Etats ont utilisé le levier fiscal afin de renflouer leurs caisses.
Or cette crise financière et économique a mis en exergue la fuite de certains capitaux de grandes entreprises nationales, ainsi que de riches contribuables, qui par des montages fiscaux et la création de certaines sociétés écrans cachaient leurs revenus non déclarés à leur pays d’origine.

Les paradis fiscaux offrent de nombreuses possibilités d’évasion fiscale, par une réglementation imprécise et une administration conciliante [3].

Depuis de nombreuses années des projets de lutte contre l’évasion fiscale sont à l’étude, mais n’ont pas eu d’impact concret, jusqu’à l’apparition de FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act).

Ce dispositif FATCA permet à l’administration américaine de pallier à ce vide juridique et fiscal mondial, qui permet à certains Etats de bénéficier de l’évasion fiscale au détriment d’autres Etats ayant un système fiscal plus strict.

La loi fédérale américaine FATCA est issue de la loi générale « Hiring incentives to restore employment » de 2010. Cette loi FATCA incite les entités et les individus américains à déclarer leurs avoirs détenus à l’étranger, et requiert des institutions financières étrangères à reporter les clients US et leurs avoirs.

Depuis plusieurs années, cette nouvelle réglementation nord américaine tend à se généraliser auprès des établissements financiers, et notamment bancaire sous peine de retenue à la source (30% du montant global des avoirs) et d’avertissement de la part des autorités financières américaines telles que l’IRS.
Les Etats-unis d’Amérique avaient déjà commencé à élaborer une réglementation fiscale nommée « Qualified Intermediary agreement » : QI [4] à la suite des attentats du 11 Septembre 2001.

Ces dispositions prévoient un statut privilégié aux institutions financières étrangères qui achètent ou vendent des titres US, si celles-ci acceptent de communiquer à l’IRS tous les revenus crédités à des contribuables US ayant un compte dans leurs livres. Ce dispositif QI reste inchangé et indépendant de FATCA, même si des procédures d’enregistrement et de renouvellement d’accord sont croisées avec celles de FATCA.

FATCA complète d’une certaine manière le système QI, et apparaît comme un redoutable instrument contre l’évasion fiscale nord américaine.
Ce dispositif nécessite cependant l’attention de tous les pays abritant des américains ou effectuant des actes de commerce au sens large, et de ce fait les Etats participants ont perçu dans FATCA, un possible modèle de régulation fiscale globale.

I/ FATCA : UN REDOUTABLE INSTRUMENT CONTRE L’ÉVASION FISCALE NORD AMERICAINE .

Le dispositif FATCA, est exceptionnel parce qu’il implique l’adhésion et la participation de tous les pays et de toutes les institutions financières afin de restaurer une fiscalité américaine effective : A/ Un système de récupération des bénéfices US détenus à l’étranger. Cependant, ce système se doit d’être efficace par sa réglementation intrinsèque et son organisation : B/ L’effectivité et le pragmatisme de FATCA. sous la menace de sanctions telles que les revenus à la source.

A/ Un système de récupération des bénéfices US détenus à l’étranger.

La fiscalité américaine est basée essentiellement sur les individus qui doivent impérativement participer au financement de l’Etat et de ses infrastructures, quelque soit leurs revenus. Les personnes morales, sont considérées différemment et leur fiscalité est relative. Les autres pays ont culturellement une autre vision de la fiscalité d’où la nécessité d’obtenir des accords avec ces autres Etats : 1/ Par la conclusion d’accords inter-gouvernementaux. Certains Etats refusent cette hégémonie américaine même si cela ne concerne que les contribuables américains : 2/ Et nonobstant le refus d’adhésion de la part des Etats.

1/ Par la conclusion d’accords inter-gouvernementaux.

L’administration américaine a été confrontée aux réflexions et observations persistantes des Etats, selon lesquelles le droit de prélever l’impôt relevait exclusivement des prérogatives étatiques. La France est un bon exemple : la dîme et la gabelle datent du XIème siècle, et seules les autorités fiscales représentatives du pouvoir étatique en avaient le droit. Des discussions ont été engagées et l’administration américaine a confirmé la possibilité de conclure des accords inter-gouvernementaux (IGA : « Inter-gouvernmental agreement » [5]), permettant à chaque Etat de désigner les modalités de son adhésion à FATCA. Une liste des juridictions ayant signées un IGA avec l’IRS, est consultable et est mise à jour régulièrement, permettant ainsi à toutes les institutions et entités concernées par FATCA de consulter ces données [6].

La France a adopté une loi récente [7] relative à l’approbation des accords entre les USA et la France et notamment la mise en oeuvre de la loi FATCA. La France fait désormais partie des pays « compliant », et à ce titre toutes les institutions financières et les entités concernées par FATCA doivent s’acquitter de leurs obligations de déclaration aux autorités françaises qui échangeront automatiquement avec l’autorité américaine l’IRS.

Ces accords inter-gouvernementaux sont nécessaires d’un point de vue juridique et fiscal, et le nombre croissant des accords signés démontre à quel point FATCA s’est imposé au niveau international, et a acquis une certaine crédibilité. Cependant, de nombreux Etats ont refusé de signer ces accords pendant de longs mois afin de négocier leur adhésion.

2/ Et nonobstant le refus d’adhésion de la part des Etats.

A la suite de la crise financière mondiale, les états se renferment sur eux-même et tentent de protéger leurs marchés financiers respectifs. Les conséquences sont immédiates et sans appels : les marchés et le commerce mondial sont trop imbriqués les uns aux autres et leur inter-connexion ne leur permet pas l’isolationnisme. La réaction doit être globale, d’où le « G 20 » [8] de Londres en Avril 2009 et celui de Pittsburg (USA) en septembre de la même année, qui engagent les principales organisations internationales telles que le FMI [9], l’OCDE [10] et de nombreux Etats membres à réagir aussi rapidement que possible. Le FSB [11] crée afin d’éviter que la finance mondiale soit de nouveau exsangue à la suite d’un choc des marchés financiers.

L’administration américaine décide alors un dispositif d’envergure qui ne laisse aucune chance aux contribuables américains d’échapper à l’impôt. Et dans le même temps, toutes les entités ayant une activité reliée aux USA ou répondant aux indices d’américanité doit communiquer ces informations à l’IRS. Les Etats refusant l’adhésion à ce dispositif, se voient isoler car les entités internationales installées sur leur territoire n’acceptent pas la rétention à la source et ses conséquences, c’est à dire la diminution des transactions et du chiffre d’affaire.
Le caractère exceptionnel de FATCA se traduit par son adaptabilité aux situations les plus complexes, et la réactivité de l’administration qui gère son application, l’IRS.

B/ L’effectivité et le pragmatisme de FATCA.

Le dispositif FATCA démontre une grande technicité par son champ d’application étendu à tous les pays concernés, donc son contenu doit être aussi pertinent que son applicabilité doit être modulable selon les circonstances et les réglementations locales et nationales.

1/ Par une réglementation claire et concise.

L’accord FATCA / France (pré-cité) a permis d’élaborer un cadre juridique dans lequel les institutions Françaises concernées ainsi que les institutions étrangères installées en France se doivent respecter ces dispositions. La majorité des établissements, n’ont pas attendu ce texte pour se préparer à FATCA. En effet, les grands groupes financiers et les principales banques ont commencé en amont, par l’organisation de projets groupe dans lesquels tous les Compliance officer (responsables conformité, réglementation et déontologie) ou agents dédiés FATCA ont travaillé sur l’anticipation et les impacts pouvant découler de FATCA.

Cette réglementation américaine est assez précise en proportion de son champ d’applicabilité, son cadre général regroupe tous les types d’établissements pouvant être concernés, les activités exercées et leurs champs d’application (comme les EAG : expanded affiliated group [12] , qui inclut toutes les entités comme les filiales ou succursales dont les droits de vote ou la valeur globale de la société sont supérieurs ou égales à 50% de la maison mère), ainsi que les personnes concernées grâce à des indices d’américanité [13] .

FATCA classifie tout d’abord les accords inter-gouvernementaux (IGA, cités précédemment) de type Model 1 : avec une communication des informations devant être déclarées à l’IRS par l’intermédiaire des autorités Françaises (ou nationales selon le pays et selon les dispositions de l’IGA), qui font suivre ces informations à l’IRS.
Les IGA de type Model 2 : avec une communication des informations devant être communiquées à l’IRS de manière directe, sans intermédiaire.

Ensuite FATCA classifie les types d’entités personnes morales par leur champ d’activité : comme les FFI : « foreign financial institutions » ou les institutions financières étrangères, les NFFE : « non financial foreign entity » ou les entités non financières étrangères.
Le fait de se conformer aux dispositions FATCA : « Participating » or « non participating » ou participantes et non participantes et d’effectuer le report des informations à l’IRS sur le model IGA 2.

Les « Registered Deemed Compliant Participating Foreign Financial Institutions : RDCPFFI », qui représentent les entités qui ne reportent pas à l’IRS au nom d’un groupe financier, les fonds d’investissement, les fonds restrictifs, les entités sponsorisées et entités étrangères contrôlées, ainsi que les émetteurs qualifiés de cartes de crédits.
Les « limited FFI » : les institutions financières étrangères qui ne peuvent contracter un accord avec l’IRS dû à leurs restrictions réglementaires locales ou nationales, ainsi que celles qui ne peuvent être considérées comme RDCPFFI ou PFFI.

Ces mesures s’appliquent aussi aux personnes physiques qui peuvent être considérées comme « récalcitrant » si il existe un refus formel de respecter FATCA et les obligations qui en découlent.
Le terme « récalcitrant » s’applique aussi aux entités personnes morales, et dans les deux cas, la conséquence est la retenue à la source des 30% (précédemment citée) effectuée par les institutions financières.

L’administration américaine a mis en place des numéros d’identification pour l’enregistrement des entités et des personnes, ainsi que pour la communication des informations directement ou indirectement à l’IRS ( [14]).
Cette réglementation exhaustive ne peut s’appliquer de manière effective sans une certaine flexibilité et une adaptabilité de la part des autorités américaines.

2/ Par un calendrier pragmatique et flexible.

L’administration américaine a établi un calendrier relativement précis des premiers rapports devant être communiqués à l’IRS [15] :
-Les FFI doivent commencer en 2014, 2015 à communiquer les noms, adresses et TIN (précédemment cité) des personnes et entités US, ainsi que leur soldes bancaires ;
- En 2016, tous les revenus associés aux comptes US ;
- En 2017, tous les revenus relatifs aux transactions sur titres ;

Ce calendrier permet aux institutions financières et entités concernées par FATCA d’anticiper leur besoins en personnel ainsi qu’en matière informatique (notamment les logiciels informatiques qui vont faciliter la récolte des données).
La majorité des entités bancaires ont constitué des groupes de projets en interne avec des collaborateurs dédiés. Ce type de projet a notamment permis d’anticiper sur les possibles problématiques dues à la récolte de données mais aussi à leur interprétation, et enfin celles devant être déclarées à l’IRS.

L’administration américaine a aussi anticipé sur les difficultés pouvant apparaitre pour les entités et plus précisément les petites et moyennes entités qui n’ont pas les mêmes moyens financiers engagés dans les réformes dites « réglementaires ».
En 2012, de nombreuses institutions ont communiqué à l’IRS leurs observations et leurs difficultés, et des discussions ont été engagées entre les autorités américaines et les autorités financières étrangères [16]. Les dates fixées par l’administration américaine ont été modifiées afin de permettre plus de latitude aux acteurs concernés et de s’organiser de manière approprié.

Cette adaptabilité de l’administration américaine cumulée à un dispositif précis et clair a démontré une mise en place relativement efficace de FATCA, et de nombreux pays participants ont souligné la pertinence d’un système tel que celui-ci pour l’adapter à d’autres régions du monde.

II/ FATCA : UN EXEMPLE DE RÉGULATION GLOBALE .

L’interconnexion des places financières et de ses principaux acteurs, les institutions financières, les grands groupes et les Etats ne peut que renforcer l’impact de FATCA. Les flux financiers n’attendent pas d’être régulés et leur rapidité s’intensifie avec les progrès technologiques. La réglementation internationale s’élabore souvent a posteriori, alors qu’il serait nécessaire d’anticiper les défis potentiels de cette finance que l’on qualifie trop souvent d’incontrôlée. FATCA s’est imposé et représente désormais une des réglementations fiscales les plus importantes, à tel point que l’Europe et certains de ses fonctionnaires parlent déjà d’un possible FATCA Européen.

A/ L’imposition de FATCA aux institutions financières.

La majorité des grands groupes ont des conseils d’administration qui pourraient s’inter-changer les uns avec les autres, parce que les actionnaires ont souvent leurs investissements dans les mêmes groupes à fort potentiel financier. Les décisions sont donc rapidement communiquées et prises en compte. FATCA s’est donc imposé aux institutions financières qui ont décidé de s’adapter à ces changements réglementaires par un personnel approprié et une nouvelle organisation interne.

1/ La globalisation de l’applicabilité des normes imposées aux grands groupes.

Le site de l’ISR contenant la liste des IGA (cité ci-dessus) démontre que de nombreux Etats sont désormais prêts à adhérer au dispositif FATCA, et ne souhaitent plus être isolés sur les marchés financiers. L’impact sur leurs économies respectives est substantielle.

En effet, la majorité des grands groupes financiers et bancaires ont des filiales et des succursales dans tous les pays du monde, et sont dans l’obligation de respecter les réglementations en vigueur.
Or les principales normes financières s’appliquent dans de nombreux cas aux sièges des grands groupes qui se trouvent dans la plupart des cas, dans les places financières. Les établissements considérés comme les « maisons mères » font l’objet d’une grande responsabilité quant à l’application des normes internationales à leurs branches respectives.

Les principales normes européennes et internationales ont été initiées et discutées par les grands groupes financiers, les autorités législatives nationales et les organisations internationales. Le lobby financier composé généralement des grands groupes est souvent à l’origine des réflexions globales sur le système financier, et permet souvent de confronter différentes positions, ce qui aboutit à faire avancer le débat.

C’est un cercle vertueux puisque le système est global, l’impulsion provient de ces mêmes groupes, et l’application est dorénavant généralisée.
La réglementation internationale et notamment celle relative à FATCA, constitue un challenge sur l’organisation interne de l’entité, et sur les coûts engendrés, tant au niveau du personnel qualifié que des systèmes informatiques.

2/ La nécessaire anticipation des institutions financières et des entités.

Le dispositif FATCA engendre de nombreuses modifications dans l’organisation interne de l’entité ainsi que du groupe, puisqu’il impose de récolter des données sur tous les clients qu’ils soient existants ou nouveaux entrants.
Tous les départements sont concernés, les commerciaux ou « relationship managers » du front office doivent effectuer les premiers stades de la « due diligence », c’est à dire vérifier si ce sont des clients a priori considérés comme US et si la réglementation interne de l’entité accepte ces clients et selon quelles modalités (il est à noter que certains établissements ont modifié leur réglementation interne afin de refuser les clients déterminés comme US).

Les départements du middle office sont généralement chargés de vérifier tous les aspects compliance et juridique des dossiers notamment par l’analyse et la corrélation de la situation présupposée du client et les documents qui sont communiqués à ces services.

Le dispositif FATCA impose des formulaires spécifiques à faire remplir de manière correcte, et à faire émarger par les clients. La technicité de FATCA est singulière du fait que les documents sont fournis par l’administration américaine (site IRS), les entités ne peuvent pas créer leurs propres documents légaux adaptés à la réglementation locale.
Le personnel doit être qualifié, et le recrutement de personnes spécialisées engendre forcément des coûts supplémentaires. Les entités doivent donc anticiper ces coûts, et inclure des alternatives potentielles dans leurs projets FATCA.

La question informatique est aussi un élément essentiel dans la gestion du dispositif FATCA, et de nombreux établissements doivent anticiper sur la création de logiciels propres à leurs structures afin de ne pas entraver leurs système de protection des données et de sécurité.

FATCA impose une réflexion globale puisqu’il engage les Etats, les grands groupes et les institutions financières, mais aussi les petites et moyennes entités qui doivent respecter ces nouvelles réglementations. FATCA est un exemple de régulation fiscale globale et fait des émules, puisque la Commission aux Affaires européennes envisagerait d’adapter ce dispositif à l’Europe.

B/ L’émergence d’un FATCA européen.

FATCA apparait donc comme un modèle selon de nombreux experts fiscalistes mais pourrait-il s’appliquer à l’Europe ? Ce dispositif est prometteur, et devrait pouvoir s’adapter à une région du nord et proche culturellement des Etats-unis. Mais l’Europe n’est pas une fédération pour l’instant et les disparités apparaissent plus fortes que les rapprochements, malgré tout le trajet accompli depuis le discours de Robert Schuman le 9 mai 1950.

1/ L’Europe face aux défis de l’évasion fiscale mondiale.

Les dernières actualités relatives à l’évasion fiscale sont explicites, les Etats perdent des milliards d’euros à cause des fraudes fiscales. L’Europe est à un tournant de son histoire, les Etats sont endettés et doivent trouver des solutions pérennes pour continuer à relever les défis qui s’imposent à eux. Certains Etats sont désignés comme « fautifs » pour leur complaisance à l’égard des entités personnes physiques ou personnes morales qui évitent l’imposition fiscale de leur pays d’origine.

Le Luxembourg est le dernier en date, l’affaire dit « Luxembourg leaks » démontre à quel point, la réaction doit être globale afin que les Etats puissent rétablir leur balance économique. De nombreuses grandes entreprises dont les noms ont été citées dans la presse, ont donc installé leur siège au Luxembourg afin de bénéficier d’une imposition relativement faible.

Pour les entreprises américaines, le dispositif FATCA permettra de récupérer tous les revenus liés aux USA par l’intermédiaire des institutions financières selon les critères d’américanité (comme par exemple les transactions de fonds de l’entreprise vers un compte dédié aux USA, ainsi que les adresses localisées aux USA…).
Cependant pour les entreprises européennes, il n’a aucun moyen de récupération des dividendes qui passent par des structures offshores et terminent leur périple au Luxembourg.

Certains experts estiment que si les Etats veulent récupérer les recettes fiscales perdues, il faudra réformer leur propre système, afin d’attirer de nouveau leurs propres entreprises ainsi que les entités étrangères sur leur territoire ; et dans le même temps dissuader la fuite des capitaux vers des paradis fiscaux.

En effet, les paradis fiscaux se sont déplacés progressivement ces dernières années, avec une émergence des plateformes en Asie comme Hong-Kong où la fiscalité est restée très favorable aux entreprises chinoises et étrangères. Singapour qui depuis plusieurs années, représente une plateforme importante en Asie.
L’Europe doit donc s’adapter et établir un système lui permettant de faire face à cette attractivité fiscale vers les pays d’Asie.

2/ Les difficultés d’élaboration d’un projet européen similaire à FATCA.

Le dernier Commissaire Européen aux Affaires [17] nommé récemment a insinué la nécessité pour l’Europe d’établir son propre dispositif FATCA lors du Conseil Européen du 19/03/2014. Et ce n’est pas le premier, puisque l’OCDE (pré-cité) avait déjà repris certaines observations mentionnées lors du G20 (pré-cité) en 2009.

Certains experts commencent à confirmer que le secret bancaire : « se vide de sa substantifique moelle et devient obsolète ». La transparence fiscale tend à s’imposer progressivement à tous les Etats, et notamment à ceux pour qui leurs réputations les précèdent :
- La Suisse qui a décidé d’abandonner son « sacro-saint » secret bancaire entre 2015 et 2018 sous certaines conditions (toujours en négociation) ;
- L’Andorre.
- Monaco qui communique assez aisément les informations requises par d’autres Etats, et a signé de nombreuses accords d’échange d’information [18].
- Le Liechtenstein ;
- Saint-Martin.
Le Luxembourg et l’Autriche ont d’ores et déjà signé des accords d’échange automatique d’information pour des ressortissants européens et non résidents.

Lors du G5 fin 2012 réunissant : La France, L’Italie, le Royaume-uni, l’Espagne, et l’Allemagne, l’idée d’un cadre général permettant l’échange automatique d’informations et de données est abordé et la comparaison au dispositif FATCA est clairement mentionné.

Les difficultés principales d’établir ce même dispositif FATCA en Europe, sont tout d’abord la crise économique qui perdure dans l’espace européen (alors même que les Etats-Unis sont en pleine reprise), et qui empêche les Etats d’avoir une marge de manoeuvre suffisamment large pour agir de manière appropriée et sans entraves financières.

La seconde difficulté est la différence de système fiscal pour chaque Etat européen, et l’absence d’harmonisation fiscale de manière globale. La fiscalité est un bastion important de la souveraineté étatique que peu d’Etats sont prêts à concéder à l’Europe pour le moment.

L’Europe a de nombreux défis à relever notamment en matière d’harmonisation entre les Etats, afin d’établir une certaine cohérence et une réactivité qui permette de faire face à un monde globalisé en constante évolution.

En conclusion, ces dispositifs fiscaux sont une avancée en matière de transparence globale et répondent à des exigences nationales de récupération des flux financiers, qui s’avèrent nécessaires en ces temps difficiles. Mais ces dispositifs régionaux se heurtent aux pays émergents en pleine croissance qui ne sont pas toujours disposés à suivre ces tendances, et les places de Hong-Kong et Singapour représentent les plates-formes offshores permettant de jouer les rôles anciennement détenus par les paradis fiscaux.

[1(1/ Citation du Professeur René-Jean DUPUY dans « La clôture du système international » au verso de la couverture du livre que l’on retrouve également dans la Leçon inaugurale du 22/02/1980 au Collège de France, Paris, page 17.)

[2(2/ Note d’évaluation donnée par les agences de notation à la suite d’études économiques, sociales et environnementales sur les pays concernés, et d’évaluation sur leur capacité de remboursement. www.fitchratings.com, www.moodys.com, www.standardandpoors.com.)

[3(Définition selon l’OCDE, rapport 1998.)

[4(QI Qualified Intermediary www.irs.gov )

[5IGA : « Inter-gouvernmental agreement », définition dans la note d’information du formulaire 8957 de l’IRS. www.irs.gov

[8G 20 Meetings : www.g20.org )

[9(FMI : fond monétaire international : www.ifm.org )

[10( OCDE : organisation de coopération et de développement économique, www.oecd.org )

[11(FSB : Financial stability board, www.financialstabilityboard.org )

[12(EAG définition dans la note d’information du formulaire 8957 de l’IRS.
www.irs.gov )

[13(Indices d’américanité : Notice 2011-34, Notice 2014-44, Internal revue Bulletin IRS.
www.irs.gov )

[14FATCA ID : numéro d’identification aux fins d’enregistrement et GIIN : numéro d’identification aux fins de communication des FFI. TIN : pour les personnes et entités considérées comme US. Définition dans la note d’information du formulaire 8957 de l’IRS. www.irs.gov

[15(Calendar on www.irs.gov)

[16(Echanges entre l’IRS et les autorités financières étrangères.)

[17(Pierre Moscovici : Commissaire européen aux affaires.)

[18( Monaco TIES : www.gouv.mc, Accords bilatéraux signés par Monaco en matière fiscale.)

Par Valérie Maulave
International Legal & Compliance Officer
Article rédigé en l’honneur du Professeur agrégé de droit Public Alain Piquemal, Doyen de l’Institut du droit de la paix et du développement, à Nice.

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