La vente de la crèche (...)

La vente de la crèche paroissiale était-elle seulement bien catholique ?

Un curé peut-il vendre la crèche de sa paroisse, et si oui, à quelles conditions ? Un antiquaire peut-il l’acheter et la revendre ? Le particulier l’ayant acquise à l’antiquaire en est-il réellement le propriétaire et peut-il en disposer à sa guise ? Les juristes vont trouver matière à réflexion avec l’histoire saugrenue qui agite depuis quelques jours une riante bourgade du Berry, Châteauneuf-sur-Cher, ses 1 500 habitants, son château inscrit aux Monuments Historiques et sa basilique Notre Dame-des-enfants, construite au XIXème siècle par la volonté du curé de l’époque. Qui fit appel à la générosité de tous les enfants de France pour la réalisation de ce bâtiment néo-gothique aux dimensions disproportionnées pour ce village.

75 000 euros, tout de même...

Les paroissiens de Châteauneuf-sur-Cher sont donc en effervescence depuis que la crèche de leur basilique s’est retrouvée en vente sur le site leboncoin.com. Le quotidien local, Le Berry Républicain, rapporte que la plupart des habitants ignoraient même que la crèche avait quitté le lieu saint. Et leur sang ne fit qu’un tour lorsqu’ils constatèrent qu’elle était proposée sur le site internet pour la modique somme de 75 000 euros !
Même en cette période de Noël, qui est pourtant a priori la plus propice pour la vente de crèches, une transaction à ce prix relèverait du miracle...
Tout commence en 1887, lorsque le décidément très actif curé-doyen de Châteauneuf passe commande de la crèche en question auprès de l’Institut catholique de Vaucouleurs dans la Meuse.

Il achète - comptant - des figurines de belle taille, en plâtre peint, pour une facture de 950 francs. Un maçon gagnait alors 2,30 francs par jour, ce qui donne une idée de la valeur de ces pièces.
Pendant un siècle, au moment de la Nativité, Melchior, Balthazar et Gaspard ont donc veillé avec fidélité l’enfant Jésus aux côtés de Joseph et Marie. La messe de minuit passée, les personnages bibliques étaient pieusement remisés dans le presbytère, jusqu’à l’année suivante, où ils reprenaient du service.
Certes, pendant toutes ces années, les santons géants se sont patinés, et même un peu plus puisque la peinture s’est écaillée par endroits et que les inévitables petits chocs des manipulations ont laissé ici et là quelques traces.

Leur possesseur actuel, un particulier, les a restaurés par petites touches, sans aller jusqu’à une chirurgie esthétique totale. Sans doute juge t-il aujourd’hui que ce travail mérite récompense... Mais au-delà du prix affiché sur leboncoin, ce qui a vraiment énervé les solides Berrichons qui en ont pourtant vu d’autres, c’est quand il a confié au journal local qu’il n’aimait rien tant que les regarder, "assis dans son canapé, une bière à la main".
Pour les fidèles, attachés à leur crèche, nous sommes à deux doigts du sacrilège. L’histoire commence donc à sentir le soufre dans cette jolie province de la France profonde, par ailleurs réputée pour ses sorciers et leur "version" féminine les "birettes". Ces personnages maléfiques seraient-ils à l’origine de cette tempête dans un bénitier ?
Dans le village, personne ne veut y croire.

Provocation et diableries...

Aujourd’hui, les curés en charge de la basilique et des paroisses circonvoisines sont bien embêtés. Car la crèche n’a pas été volée. Elle fut bel et bien vendue par leur prédécesseur, aujourd’hui décédé, à un antiquaire qui a noté la transaction sur son livre de police. Prévenus de la réapparition soudaine sur le net des santons géants, les bons pères ont contacté leur propriétaire - l’homme au canapé et aux bières - pour faire une proposition, qui n’a pas abouti.
Pire, depuis il ne répond plus au téléphone, et les personnages ont été retirés du site marchand.

On ne sait s’ils ont déjà été vendus, à qui et à quel prix. Ou si ce silence est une stratégie pour faire monter les enchères. 75 000 euros, ce n’est pas rien, et la paroisse n’a évidemment pas les moyens de dépenser une telle somme pour ce qu’elle considère d’ailleurs comme sa propriété, se disant prête à aller en justice pour récupérer son bien.
Il y a là dessous bien des diableries. Et sûrement un brin de provocation de la part du détenteur, qui s’ajoute à l’avarice, l’envie et l’orgueil qui figurent dans la liste des péchés capitaux...
Le voilà prévenu.

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