LE RÉGIME DES INTERMITTENT

LE RÉGIME DES INTERMITTENTS DU SPECTACLE

La France connait aujourd’hui une économie de la Culture proéminente et relativement en bonne santé, soutenue par la mise en place de crédits d’impôts, de subventions, et grâce aux contrats de travail régis par le statut de l’intermittence.

Par Anne-Marie Pecoraro, Avocat Associé Cabinet ATurquoise

En effet, le régime des intermittents du spectacle est un statut singulier qui permet à un artiste ou un technicien du spectacle d’alterner les périodes d’emploi et de chômage tout en étant indemnisé lors des périodes d’inactivité sous réserve de respecter certaines conditions.
Ce régime, unique en France, favorise aussi les employeurs et investisseurs concernés, y compris ceux qui sous-traitent en France dans des conditions avantageuses non seulement pour l’employeur, mais aussi (dans une certaine mesure vu le contexte de précarité) pour l’employé et notamment grâce à la mise en place d’une protection sociale spécifique à leur statut.

Qui sont les intermittents ?

Créé en 1936, ce régime bénéficiait particulièrement aux producteurs de cinéma afin de leur permettre de trouver et employer des techniciens qualifiés durant une période limitée (en fonction des besoins de chaque film, puis spectacle).
Ce régime a été étendu aux artistes ; peuvent bénéficier de ce régime les personnes exerçant un métier inscrit dans les textes annexés à la convention d’assurance chômage : il s’agit de l’annexe 8 pour les ouvriers et techniciens et l’annexe 10 pour les artistes.
Menacé par plusieurs crises, ce dispositif a fait couler beaucoup d’encre. Il a donné lieu à des modifications diverses, souvent mal accueillies. En 2003 par exemple, la modification des annexes 8 et 10 a entraîné un durcissement des règles d’indemnisation des intermittents. A également été dénoncée l’absence de mesures permettant de lutter contre les abus et la précarité du travail.

La crise de 2014 a quant à elle débouché sur la "sanctuarisation" du régime des intermittents.
Désormais inscrit dans la loi depuis 2015 comme composante obligatoire des conventions d’assurance chômage, l’évolution des règles sera à l’initiative des partenaires sociaux des branches représentatives du secteur, dans les limites d’un cadre fixé par les organisations syndicales et patronales siégeant à l’UNEDIC. En cas d’accord, le texte sera ensuite soumis aux partenaires sociaux "nationaux" qui les accepteront ou les modifieront lors des négociations.
Depuis la sanctuarisation du régime, une ultime réforme en date de 2016 a fait évoluer les règles d’indemnisation des intermittents.
Par exemple,
- Désormais, il faut travailler 507 heures sur une période de 12 mois (contre 8 mois avant la réforme) pour être indemnisé pendant 12 mois.
- Les heures d’enseignement sont prises en compte pour le calcul des heures de travail ;
- A été instaurée une allocation "plancher" d’au minimum 38€ pour les bénéficiaires de l’annexe 8 et 44€ pour les bénéficiaires de l’annexe 10.
- Les cachets ont été valorisés à 12 heures ;
Par ailleurs, le Ministère de la Culture a créé le FONPEPS (Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle), d’une valeur de 90 millions d’euros valable jusqu’à décembre 2018. Ce fonds illustre la volonté du
gouvernement de favoriser l’emploi stable dans le secteur du spectacle, notamment en soutenant l’embauche en CDI.
Le statut particulier des intermittents les contraint à accumuler les contrats à durée déterminée. Quelle est la forme particulière de contrat spécifiquement réservée aux intermittents ?

Le Contrat à Durée Déterminée d’Usage CDDU

Ce contrat connait des règles dérogatoires par rapport aux autres CDD et peut être conclu de manière répétée et sans limitation.
Il est réservé à certains secteurs d’activités où il est d’usage de ne pas recourir au CDI en raison du caractère temporaire de l’emploi.
Cette spécificité du Code du travail présente plusieurs avantages pour l’employeur, dont notamment la possibilité d’embaucher immédiatement un autre salarié sans respecter la période de carence en principe obligatoire entre deux CDD, et l’absence d’indemnité de précarité (habituellement versée à la fin d’un CDD).
De même, l’employeur n’a pas pour obligation de prévoir une date de fin du contrat lors de la conclusion de celui-ci, puisque le contrat est "à objet", jusqu’à la fin du projet concerné. En revanche, le contrat doit être écrit, contenir la définition précise de son motif et bien remplir toutes les conditions.

La protection sociale des intermittents

Comme nous l’avons vu, un intermittent du spectacle est un salarié à employeurs multiples, qui cotise aux caisses de la Sécurité sociale. Comme tous les salariés, les périodes de chômage sont régies par les dispositions relatives à l’assurance chômage. Par principe, les intermittents peuvent donc bénéficier de protections comme l’ensemble des salariés.
S’agissant des couvertures maladie et parentalité, elles sont financées par les cotisations des employeurs et des artistes. Pour la retraite, les intermittents du spectacle et de l’audiovisuel adhèrent au régime de base mais également à un régime complémentaire, tous deux sont financés par les contributions des employeurs et des salariés.
Finalement, le modèle de protection sociale des intermittents en France, est structurée de manière forte et originale par le groupe de protection sociale AUDIENSfinancé par l’ensemble du secteur et piloté par la FESAC (la Fédération des Employeurs du Spectacle vivant, de la musique, de l’Audiovisuel et du Cinéma). Son modèle de paritarisme est particulièrement intéressant à observer et voir à ce sujet notre évènement "Le statut des intermittents et ses évolutions".
Ce système mutualisé, et spécifique aux intermittents est unique au monde et il est reconnu comme indispensable pour préserver la Création.
Certes, le mode d’indemnisation chômage lié au statut d’intermittent du spectacle est connu pour être largement déficitaire, entre autres travers souvent épinglés, mais il s’inscrit aujourd’hui dans un paysage de métamorphose de l’emploi et d’accélération des réformes du droit du travail,
auquel il apporte ses particularités, sa richesse et son paritarisme. Il donne à réfléchir pour les mutations de demain, alors qu’une des priorités est de penser le travail, l’emploi, la protection sociale et son
financement. Formons le souhait que chaque acteur du secteur joue le jeu et donne le change et que les employeurs qui en bénéficient soient conduits à en faire profiter le secteur, les travailleurs et consommateurs, et le marché de l’emploi.

Photo de Une : le régime spécial des intermittents concernent les artistes et techniciens du spectacle (illustration) DR

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