Le tribunal judiciaire

Le tribunal judiciaire de Grasse accueille une présidente fédératrice

"Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose... Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer".
C’est en citant Antoine de Saint-Exupéry qu’Emmanuelle Perreux a conclu, le 19 janvier, son premier discours de rentrée au TJ de Grasse.

Une façon pour la nouvelle présidente, qui a pris ses fonctions dans la cité des parfums voici quatre mois, de signifier la méthode qu’elle entend suivre pour piloter "le navire judiciaire grassois". Elle va reposer sur une logique fédératrice. Celle-là même qui a permis à la juridiction de faire face à une année 2020 tempêtueuse. "L’activité a été très perturbée, d’abord par le mouvement de grève inédit du Barreau, puis par la crise sanitaire", a rappelé la magistrate, en précisant que le tribunal avait néanmoins "fonctionné à plein régime" pendant le second confinement. L’occasion pour elle de remercier l’ensemble des services, dans lesquels "tout a été mis en œuvre pour limiter les effets des audiences supprimées et des retards accumulés". Même si dans les deux chambres civiles le stock de dossiers s’est à nouveau épaissi pour frôler un âge moyen de 17 mois, Emmanuelle Perreux a tenu à souligner "l’engagement professionnel" qui a animé ses collaborateurs, évoquant "l’objectif commun d’une justice forte de son collectif et à l’écoute des préoccupations et des attentes de nos concitoyens". Et de poursuivre : "Il y a ici une forte culture du dialogue et de la concertation". Elle a notamment permis au TJ de Grasse de "porter des projets innovants", à l’image de la dématérialisation que la présidente veut accentuer via la mise en place de la saisine en ligne.

Une volonté d’ouverture

Saluant l’action de Michaël Janas, son prédécesseur dont elle souhaite incarner une continuité, Emmanuelle Perreux a révélé les axes qui guideront sa mission de "capitaine". Premier cap, créer les conditions d’une justice ouverte sur la cité, visible et comprise des justiciables. "Cet ancrage dans la vie locale suppose de faire vivre le conseil de juridiction qui me semble être le lieu de la transparence sur notre action et où le dialogue institutionnel, notamment avec les élus du territoire, est possible". Une première réunion sur la nouvelle organisation de la justice dans l’arrondissement de Grasse a déjà eu lieu, annonçant une seconde à propos des violences conjugales, un sujet qui a fortement mobilisé le tribunal l’an dernier.
"Cette volonté d’ouverture doit également se concrétiser par un dialogue permanent avec nos différents partenaires". Dans la longue vue de la présidente figurent les bonnes relations avec le Barreau, à maintenir pour relever, par exemple, le défi des réformes judiciaires. Mais aussi les collaborations avec les huissiers et les notaires, toujours dans le but "d’améliorer notre efficacité au profit du justiciable". Enfin, elle compte resserrer les liens avec l’université, et plus particulièrement la faculté de droit de Nice. "Nous avons souhaité, avec le doyen Latour, concrétiser un projet collaboratif autour de la médiation".
Outre cette démarche partenariale, Emmanuelle Perreux est décidée à "replacer l’humain au cœur du projet de juridiction". Selon elle, "la justice ne serait rien sans le dévouement, la compétence et parfois le courage de tous ses acteurs". D’où sa volonté de "leur offrir un cadre de travail serein et bienveillant". Enseignement de la crise sanitaire, le télétravail voit désormais sa place grandir dans l’organisation du tribunal, ouvrant "des perspectives nouvelles qui permettent de renforcer encore la solidarité et la polyvalence". Développer des actions en faveur de la santé et de la qualité de vie au travail, "associer les équipes pour déterminer collectivement ce que nous souhaitons prioriser", créer "des lieux d’échanges sur nos pratiques professionnelles" ou encore "faire émerger les besoins de formation", telles sont quelques-unes des convictions sur lesquelles Emmanuelle Perreux a choisi de fonder le soutien à son équipage face aux vagues des réformes et des incertitudes de l’époque.
Au TJ de Grasse, c’est ainsi que la barre est tenue.

Fabienne Atzori : "La juridiction a toujours fonctionné"

Fabienne Atzori DR J.P

L’activité du TJ de Grasse a baissé en 2020 (9 951 affaires nouvelles contre 10 896 en 2019), comme l’a rappelé Fabienne Atzori. La procureure de la République y voit les conséquences du premier confinement, des restrictions qui l’ont suivi ou encore de la verbalisation électronique. Le nombre de réponses pénales a lui aussi reculé, comme celui des poursuites rapides. Mais la patronne du parquet grassois a tenu à le souligner : "La juridiction a toujours fonctionné et géré les urgences", alors même que "l’année a été marquée par la conjugaison de deux événements : le mouvement de grève des avocats et la crise du Covid". Le premier a réduit le nombre de procédures jugées (441 sur 942 fixées) tandis que le second a provoqué le renvoi de 412 dossiers sur 602. "Nous avons réorienté pour les majeurs 654 procédures. Seules 181 d’entre-elles ont été reversées sur les ordonnances pénales. Le reste, nous en avons fait, si j’ose dire, notre affaire, avec du recours massif à l’alternative aux poursuites", a détaillé la procureure, avant d’aborder "les chantiers" qui attendent le ministère public en 2021. À commencer par "le maintien de la réponse ferme que nous adressons aux auteurs de violences conjugales". Et d’ajouter que "la collaboration entre les magistrats du Siège et du Parquet a été, sur ce thème, de grande qualité". 39 ordonnances de protection ont ainsi été rendues l’an dernier. Parmi les autres préoccupations des prochains mois, citons la mise en œuvre du code de justice des mineurs, une réflexion pour une réponse pénale plus rapide et "une attention extrêmement soutenue" au fonctionnement des trois tribunaux de commerce du ressort du TJ de Grasse, eu égard aux répercussions de la crise économique. Un impact sur la charge de travail est attendu, a prévenu Fabienne Atzori, qui a clos son propos par un soutien appuyé aux forces de sécurité.

Photo de Une : L’audience de rentrée du TJ de Grasse a été l’audience d’installation de sa présidente, Emmanuelle Perreux. En outre, la juridiction a accueilli un nouveau vice-procureur, Guillaume Lequai. DR JP

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