Légalité d'un avenant (...)

Légalité d’un avenant à un marché de maîtrise d’œuvre bouleversant l’économie initiale du contrat

La Cour administrative d’appel de Nantes vient, dans un arrêt récent, de rappeler les règles qui entourent la conclusion d’un avenant à un marché de maîtrise d’œuvre. Après avoir confirmé que ces avenants obéissent au droit commun et qu’à ce titre ils ne peuvent pas modifier l’économie initiale du marché, la Cour va indiquer les éléments qu’il convient de prendre en compte pour déterminer le seuil de bouleversement.

Les faits de l’espèce portaient sur la construction par la Communauté d’agglomération de Lorient (département du Morbihan) de son hôtel d’agglomération sur le site de Péristyle.

Pour la réalisation de cette opération, le conseil communautaire avait, ainsi, arrêté l’enveloppe prévisionnelle des travaux à un montant de 14.130.000 euros HT. Sur la base de cette enveloppe, le marché de maîtrise d’œuvre a été attribué, en 2005, pour un montant de 1.740.397,90 euros HT. Le démarrage de l’opération a, alors, connu de nombreuses difficultés qui ont conduit, en 2009, le Conseil communautaire de Lorient a porté l’enveloppe affectée aux travaux à un montant de 21.210.000 HT (+ 50%) et a autorisé la signature de d’un avenant n°1 du marché de maîtrise d’œuvre pour un montant de 2.798.679,79 euros HT (+60,8%). Quatre « contribuables locaux » et une association ont sollicité l’annulation de la délibération du Conseil communautaire en tentant de démontrer que l’avenant au marché de maîtrise d’œuvre serait illégal puisqu’il engendrerait un bouleversement de l’économie générale du marché initial (+60,8%).

Pour juger de la légalité de l’avenant, la Cour administrative d’appel va adopter un raisonnement en deux temps.

Tout d’abord, le juge va rappeler que les avenants d’un marché de maîtrise d’œuvre doivent respecter les dispositions de l’article 20 du Code des marchés publics qui interdissent, sauf sujétions techniques imprévues, au maître de l’ouvrage de conclure un avenant qui aurait pour effet de bouleverser l’économie du marché ou d’en changer l’objet. La Cour indique, ainsi, clairement que la loi « MOP » et le Code des marchés publics ne prévoient aucune dérogation à ce principe qui viendrait s’appliquer aux marchés de maîtrise d’œuvre en raison du fait que ces marchés sont conclus à prix provisoire. L’état du droit est donc limpide : un avenant à un marché de maîtrise d’œuvre ne doit pas, sauf sujétions techniques imprévues, bouleverser l’économie initiale de ce marché.

Une fois le principe posé, la Cour va vérifier si, en l’espèce, l’avenant augmentant la rémunération du maitre d’œuvre de 60,8% emporte un bouleversement illégal de l’économie du contrat en examinant les causes de cette augmentation de rémunération.

L’augmentation de la rémunération du maître d’œuvre est, ainsi, liée en premier lieu à l’évolution (+24%) de l’indice de révision BT01 entre 2005 et 2009. Le juge va considérer que cette augmentation résultant de la seule évolution d’un indice de révision des prix ne peut pas caractériser un bouleversement de l’économie du contrat. De même, la Cour va considérer que l’augmentation de la rémunération du maître d’œuvre liée à la prise en compte des nouvelles normes parasismiques (Eurocode 8) ne peut pas constituer un bouleversement de l’économie du contrat. En effet, la nécessité de prendre en compte ces nouvelles normes parasismiques était imprévisible lors de la conclusion du marché et est devenue, par la suite, indispensables à la réalisation de l’opération. Le juge administratif a suivi le même raisonnement concernant l’augmentation de la rémunération du maître d’œuvre à raison de la prise en compte des objectifs de la loi du 3 aout 2009 qui exigent que les bâtiments publics présentent une consommation d’énergie primaire inférieure à 50 kilowattheures par mètre carré et par an en moyenne. Concernant cette nouvelle norme intervenue entre la signature du marché de maîtrise d’œuvre et la signature de l’avenant, la Cour va considérer que ces nouvelles obligations qui pèsent sur la maîtrise d’œuvre sont devenues indispensables en cours de marché. Elles ne peuvent pas, selon le juge, entraîner un bouleversement du contrat initial.

Il restait à trancher la question de l’augmentation de la rémunération du maître d’œuvre liée à une modification du programme décidée par le maître de l’ouvrage.

La Communauté d’agglomération a, en effet, décidé d’ajouter au projet initial une salle d’exposition, un auditorium, un bar-restaurant-brasserie, des belvédères, et un hall d’accueil prolongé par une salle d’exposition. Cette modification de programme a engendré une augmentation de 10,3% de l’augmentation de la rémunération du maître d’œuvre. Or, la Cour va juger, sans surprise, qu’une augmentation de 10,3% ne constitue pas un bouleversement du contrat initial puisqu’il est traditionnellement admis qu’en dessous de 15% un avenant demeure légal.

Cet arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes rappelle, par conséquent, que pour apprécier la légalité d’un avenant d’un marché de maîtrise d’œuvre, il convient ne pas prendre en compte les prestations supplémentaires confiées au maître d’œuvre qui étaient imprévisibles lors de la conclusion du marché et qui sont devenues indispensables lors de la réalisation du projet. Cette méthode de calcul permet, ainsi, de valider, dans ce cas d’espèce, un avenant augmentant de 60% la rémunération du maître d’œuvre.

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