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Les Notaires des A-M mobilisés auprès des propriétaires sinistrés

Des maisons rayées de la carte, des terrains dévastés, des biens disparus... Après la peur et les larmes, les intempéries du 2 octobre contraignent désormais les propriétaires des vallées à un périple administratif qui pourrait être aussi long que douloureux, en particulier pour ceux qui ont vu tous les documents en leur possession emportés par la furie des eaux.
Pour les aider à retrouver les actes nécessaires à l’enclenchement des démarches auprès des assurances, la Chambre des notaires des Alpes-Maritimes a décidé de se mobiliser. C’est ce qu’explique son président, Maître Nicolas Meurot, qui annonce une action menée en partenariat avec les services du Département.

Quelles difficultés vont rencontrer les propriétaires sinistrés ?

- L’arrêté de catastrophe naturelle, dont la nécessité ne pouvait pas être remise en cause au regard des dégâts occasionnés, est déjà un point positif pour les victimes. Sans cette reconnaissance, elles auraient été particulièrement perdantes. Si les conditions d’indemnisation vont leur être plus favorables, les sinistrés risquent tout de même de se heurter à des compagnies d’assurances débordées, qui vont leur demander beaucoup de pièces justificatives. Et notamment la preuve qu’ils sont bien propriétaires des biens endommagés.

Que peuvent faire les personnes qui ont perdu ces documents ?

- Les propriétaires concernés doivent se rapprocher de leur notaire. Deux cas de figure sont possibles. Les personnes qui possèdent encore leurs actes vont devoir passer par une actualisation hypothécaire, une démarche pour vérifier qu’elles sont toujours propriétaires. Elles auraient en effet pu vendre leurs biens... Le notaire se chargera alors de produire une attestation. Quand les actes sont perdus, cette demande hypothécaire permet de récupérer les références des actes, qui pourront alors être commandés et donner lieu aux attestations. A la Chambre des notaires, nous allons d’ailleurs mener une action conjointe avec le Département pour fournir aux sinistrés les bases documentaires indispensables au travail des assurances.

Toutes les maisons détruites ne pourront sans doute pas être reconstruites...

- Si l’Etat donne son accord, il appartient aux propriétaires, avec leur assureur, de régler les modalités d’évacuation des stigmates du sinistre, de réparation ou de reconstruction. Mais on se dirige, à n’en pas douter, vers une évolution des plans de prévention des risques dans ces vallées. Au vu des images que nous avons pu découvrir dans les médias, je suis sûr que certains endroits vont intégrer des zones noires jugées trop dangereuses, où la reconstruction ne sera pas autorisée. Au niveau foncier, l’Etat reprendra la main et rachètera ces terrains. Aux sinistrés de reconstruire ailleurs.

Certaines parcelles ont été entièrement remodelées par la crue, doit-on s’attendre à des changements au plan cadastral ?

- Non, la délimitation des parcelles reste celle du cadastre dans ces secteurs où il n’y a quasiment pas de bornes. La rivière a débordé puis s’est retirée. Dans l’hypothèse où serait observé un dévoiement manifeste d’un cours d’eau, les services fonciers pourraient être amenés à adapter les plans.

Des portions de routes vont sans doute être reconstruites sur de nouveaux terrains. Les propriétaires auront-ils leur mot à dire ?

- Non, du fait de la puissance publique. Si la volonté politique est justifiée, des déclarations d’utilité publique pourront être prises. Un processus de concertation, avec enquête publique, sera alors enclenché, mais les propriétaires doivent savoir que si leur terrain est nécessaire à la création d’aménagements ou d’équipements donnant lieu à une déclaration d’utilité publique, ils ne seront plus chez eux. Le montant de leur indemnité d’expropriation pourra être fixé à l’amiable ou par un juge en cas de contestation.

La mobilisation et la solidarité visibles en ce moment ne suffiront pas pour certains...

- Il ne faut pas se leurrer, les personnes les plus sévèrement touchées vont être confrontées à des problèmes qui mettront du temps à se résoudre, à des pertes financières, à l’impossibilité de reconstruire... C’est dramatique, mais c’est la réalité.
J’élargis le sujet en soulignant qu’au niveau national, et spécialement chez nous compte tenu de ces épisodes méditerranéens intenses, l’urbanisation doit encore mieux intégrer les phénomènes météorologiques et les spécificités topographiques locales. Avant la naissance des plans de prévention des risques il y a une vingtaine d’années, qui ont nettement amélioré la situation et participé à des prises de conscience, il y a eu trop de laisser-aller. Nous devons répondre au besoin d’urbaniser par une réflexion à long terme, ce qui n’était pas le cas dans les années 1980. Les catastrophes que nous observons aujourd’hui résultent en partie des erreurs du passé.

Propos recueillis par Jean Prève

Photo de Une : Maître Nicolas Meurot préside la Chambre des notaires des Alpes-Maritimes. © JP

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