Les nouveaux forfaits

Les nouveaux forfaits jours des bureaux d’études et sociétés de conseils

Comme exposé dans cette revue au mois de janvier 2013, la Cour de Cassation n’a pas hésité à remettre en cause le contenu de
plusieurs conventions collectives de branche en matière de forfaits jours (notamment celles des avocats, des industries chimiques,
du commerce de gros et des bureaux d’études). Les partenaires sociaux de nombreuses branches professionnelles ont donc dû se
remettre autour de la table des négociations pour revoir le contenu de leurs accords en matière de forfaits jours, contenu devenu
insuffisant en termes de protection de la santé des travailleurs depuis la jurisprudence du 29 juin 2011.

1. Le forfait jours en quelques mots

Il s’agit d’un mode de décompte du temps de travail destiné essentiellement
à certains cadres, le décompte étant opéré en nombre de jours
travaillés sur l’année plutôt qu’en heures.
Ce dispositif écarte l’application, aux salariés concernés, des dispositions
relatives à la durée légale hebdomadaire de 35 heures,
aux heures supplémentaires, à la limite maximale journalière de 10
heures et aux limites maximales hebdomadaires de 44, 46 ou 48
heures de travail effectif. En revanche, demeurent applicables les dispositions
légales relatives au repos quotidien minimum de 11 heures
consécutives et au repos hebdomadaire de 35 heures consécutives.
Ceci explique que ce mode de décompte du temps de travail doit être
prévu par accord collectif d’entreprise ou de branche et être accepté
expressément par le salarié concerné.

2. L’impact de la jurisprudence de la Cour de Cassation du 29 juin 2011

Elle valide le principe des conventions de forfait en jours de travail
mais impose que des garanties soient données aux salariés concernés,
ceci au motif du principe de sécurité et de protection de la santé
des salariés. Dans cet esprit, l’accord collectif doit impérativement
contenir des stipulations assurant une durée raisonnable de travail
et fixant les moyens de contrôle et de suivi de l’activité du salarié
au forfait jours par l’entreprise. C’est en raison de l’absence ou de
l’insuffisance de ces précisions que la Cour de Cassation déclare nuls
certains accords de branche.

3. Les nouveaux forfaits jours des bureaux d’études issus de l’avenant du 1er avril 2014

C’est dans ce contexte que les partenaires sociaux de la branche des
bureaux d’études viennent de signer un nouvel accord relatif aux forfaits
jours, accord qui présente schématiquement les caractéristiques
suivantes :
- Le forfait jours est réservé aux personnels exerçant des responsabilités
de management élargi ou des missions commerciales, de
consultant ou accomplissant une tâche de conception ou de création,
et disposant d’une large autonomie, liberté et indépendance dans
l’organisation et la gestion de leur temps de travail ;
- Ces personnels doivent relever de la position 3 de la grille de
classification des cadres ou bénéficier d’une rémunération annuelle
supérieure à 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (75.096
e en 2014). Ils doivent en outre bénéficier d’une rémunération au
moins égale à 120 % du minimum conventionnel de leur catégorie ;
- Le nombre de jours retenu est de 218 jours travaillés sur l’année,
journée de solidarité incluse, décomptés au moyen d’un suivi objectif,
fiable et contradictoire mis en place par l’employeur ;
- Possibilité pour le salarié de renoncer à des jours de repos moyennant
le versement d’une majoration minimale de 20% jusqu’à 222
jours et de 35 % au-delà, sans pouvoir excéder 230 jours ;
- Fixation et affichage du début et de la fin d’une période quotidienne
et hebdomadaire au cours desquelles les durées minimales de
11 h de repos quotidien et de 35 h de repos hebdomadaire devront
être respectées ;
- Obligation de déconnexion des outils de communication à distance
pendant ces durées minimales de repos ;
- Obligation d’un suivi régulier de l’organisation du travail, de la
charge de travail et de l’amplitude des journées de travail ;
- Tenue d’au moins deux entretiens annuels pour évoquer la charge
individuelle de travail, l’organisation du travail, l’articulation entre
activité professionnelle et vie privée et la rémunération du salarié ;
- Obligation, à l’issue des entretiens, d’arrêter les mesures de prévention
et de règlement des difficultés et de consigner les solutions et
mesures prises dans un compte rendu ;
- L’avenant au contrat de travail proposé au salarié doit expliciter
précisément les raisons justifiant de l’autonomie du salarié et énumérer
 : la nature des missions justifiant le recours au forfait jours, le
nombre de jours travaillés dans l’année, la rémunération correspondante
et le nombre d’entretiens.

Il est utile de préciser que l’accord prévoit que la plupart de ses dispositions
sont impératives, tant pour les accords existants que pour
ceux à venir.

En conclusion celles des entreprises relevant de cette branche professionnelle
vont devoir tenir compte du nouveau dispositif et de ses
nouvelles contraintes en fonction de leur situation respective (aménagement
des accords existants, application directe de l’accord de
branche…) Dans un cas comme dans l’autre, elles doivent examiner
précisément le contenu de ce nouveau dispositif. Celui-ci entre en
vigueur à compter du 1er jour du mois civil suivant la date de la
publication au Journal Officiel de son arrêté d’extension sachant que
les entreprises disposeront alors d’un délai de 6 mois pour le mettre
totalement en oeuvre.

deconnecte