Les suites d'une occupati

Les suites d’une occupation illicite de terrain communal par des gens du voyage en termes de coût de remise en état.

La loi dite Besson N°2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage impose aux Communes de plus de 5 000 habitants de créer des aires d’accueil en contrepartie de quoi le concours de la force publique leur est accordé plus facilement par la Préfecture si des personnes et leurs biens et/ou véhicules stationnent ailleurs sur le Territoire de la Commune en question sans besoin d’introduire une procédure d’expulsion par voie de référé judiciaire.

Le Département des Alpes-Maritimes a adopté le 27 décembre 2002 un Schéma Départemental d’accueil des gens du voyage mais dont encore à ce jour beaucoup de Communes pour des raisons diverses n’ont pas été en mesure de satisfaire aux exigences.

Fin juin 2013, une communauté de gens du voyage tzigane de 80 familles et 150 caravanes s’installe sans autorisation sur le terrain de rugby de la Commune de Mandelieu-la-Napoule laquelle ne disposait pas à l’époque d’aire d’accueil ad hoc.

Un référé-expulsion d’heure à heure (en réalité avec 3 jours de délai) est diligenté par la Commune.

Les gens du voyage prennent Avocat et mettent en avant la carence de la Commune à créer une aire de stationnement réglementaire ce qui entraînerait une grave atteinte à une liberté fondamentale d’aller et venir, principe constitutionnel.

Par ordonnance du 5 juillet 2013, Mme le Vice-Président constate l’occupation illicite sans autorisation, constitutive d’un trouble manifestement illicite par les différents requis identifiés et les personnes qui les accompagnent de la parcelle propriété de la Commune tout en relevant que la Commune n’avait pas satisfait aux sujétions de la loi Besson de sorte que 2 semaines de délai étaient accordées aux intéressés pour quitter les lieux.

Les requis partent mais le terrain de rugby est endommagé.

Se pose la question du coût de sa remise en état : à la charge de la collectivité (des contribuables) ou des occupants ?

La Commune introduit une procédure d’assignation à jour fixe au fond devant le Tribunal de Grande Instance de Grasse à l’encontre des gens du voyage dont elle avait pu connaître l’identité grâce à l’immatriculation des véhicules et caravanes en demande de condamnation à remboursement des frais engagés.

Les défendeurs soulèvent premièrement l’incompétence du Tribunal de Grande Instance au profit du Tribunal Administratif parce que le terrain de rugby fait partie du domaine public de la Commune au sens de l’article L.2111-1 du Code de la Propriété des Personnes Publiques.

Selon leur Avocat, l’objet du litige consistant pour la Commune à obtenir le paiement d’indemnités dues à raison de dégradations générées par l’occupation sans droit ni titre d’une dépendance du domaine public, la créance réclamée revêtirait un caractère administratif dont l’examen devrait ressortir de la compétence du Tribunal Administratif de Nice.

Le conseil de la Commune répond que le contentieux au cas présent ne naissait pas de l’exécution ou de l’inexécution d’un acte ou d’un contrat administratif, n’intéressait pas la responsabilité d’une personne publique, ne contenait pas d’exception préjudicielle sur l’illégalité d’un texte ou acte administratif, ne se rapportait pas à la mission de service public de sport et n’avait pas trait à une contestation sur la nature ou l’étendue du domaine public.

Aucun texte n’attribue compétence matérielle exclusive aux Tribunaux Administratifs pour ce cas précis d’action.

Le seul texte prévoyant le suivi d’une procédure administrative au sujet de la conservation du domaine public est l’article L.2132-2 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques sur les contraventions de grande voirie :

Article L2132-2
"Les contraventions de grande voirie sont instituées par la Loi ou par Décret, selon le montant de l’amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n’appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l’intégrité ou de l’utilisation de ce domaine public, soit d’une servitude administrative mentionnée à l’article L. 2131-1.
Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative"
.

En l’occurrence la Commune ne poursuivait pas la liquidation d’amendes pour contraventions de grande voirie.

Une réponse ministérielle parue au JO AN du 14 février 2006 p 1608 n°79175 avait pu préciser sur ce point que :

"S’il ne peut légalement émettre un titre de recettes exécutoire en dehors de toute décision judiciaire, le maire dispose toutefois, pour obtenir réparation de la détérioration du domaine public communal, d’autres moyens d’action et de poursuite (…)
Afin d’assurer la conservation du domaine public communal, le maire dispose d’une police spéciale lui permettant d’édicter toutes mesures, réglementaires ou individuelles, pour préserver l’intégrité de l’ensemble des biens faisant partie du domaine public de la commune. Les infractions à la police de la conservation sont réprimées par les contraventions de voirie routière d’une part, qui sanctionnent les atteintes à l’intégrité du domaine public routier, et par les contraventions de grande voirie d’autre part, qui sanctionnent les atteintes portées aux dépendances du domaine public autres que les voies publiques terrestres.(…).
En matière de contraventions de grande voirie, l’infraction est constatée par un procès-verbal établi par des officiers de police judiciaire ou par des agents habilités à constater les contraventions sur certaines dépendances du domaine public. Le procès-verbal est transmis au maire.
En application des articles L.774-2 et suivants du Code de justice administrative, le Préfet est seul compétent pour notifier ce procès-verbal au contrevenant en l’accompagnant d’une citation à comparaître devant le tribunal administratif. L’auteur de l’infraction encourt le paiement d’une amende de la 5ème classe et des frais du procès-verbal ainsi que la réparation des dommages causés au domaine public.
"Par ailleurs, la Commune peut engager une action civile en responsabilité du fait personnel devant le juge judiciaire en application des articles 1382 et suivants du Code civil afin d’obtenir une indemnité compensatrice de la dégradation (…
)".
 ?

Suivant jugement au fond du 14 janvier 2014 (RG 13/04046), le TGI de Grasse rejette l’exception d’incompétence observant au surplus qu’"aux termes de l’article 9 de la Loi n°2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil des gens du voyage, le Président du Tribunal de Grande Instance saisi par voie d’assignation et statuant en matière de référé, selon la procédure habituelle ou d’heure à heure, a compétence pour statuer sur l’expulsion des gens du voyage. La procédure engagée par la Commune de Mandelieu-la-Napoule devant le Juge du fond vise l’article 1382 du Code civil en s’inscrivant dans le prolongement de l’ordonnance de référé du 5 juillet 2013".

Les défendeurs avançaient aussi la prétendue impossibilité de déterminer qui précisément aurait endommagé les lieux, la responsabilité civile étant nécessairement individualisée.

Le Tribunal note que chacun des propriétaires de véhicules a concouru au dommage et que ce faisant ils ont engagé leur responsabilité personnelle dont ils doivent répondre in solidum des dommages causés.

La juridiction admet toutefois une exonération partielle de responsabilité de 40% du fait de l’absence d’aire d’accueil des gens du voyage sur le territoire de la Commune.

Le jugement n’a été frappé d’appel par aucune des parties.

Le résultat est somme toute satisfaisant pour la Commune qui a pu récupérer une grande partie des deniers publics, les gens du voyage sur menace de saisies des cartes grises de leurs véhicules se sont acquittés des chefs de condamnation (par remises successives en espèces que le Trésorier de la collectivité a acceptées "à titre exceptionnel" ; par pragmatisme fiscal sans doute...).

Par Maître Pierre-Alain RAVOT Avocat au Barreau de Grasse, membre de l AARPI LEXWELL Avocats, Square Carnot - 9 rue Massena 06110 LE CANNET - Tel 04 92 99 12 60 - Fax 04 92 99 12 61.

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