Maître Fontan-Faron : (...)

Maître Fontan-Faron : "Montrer que le barreau existe"

À l’issue de six mois "d’apprentissage" avec Me Fabrice Maurel, Me Valérie Fontan-Faron, bâtonnier élu, entend poursuivre l’ouverture du barreau de Grasse à la société civile.

Comment va se dérouler cette période de transition ?

- Pendant ces six mois, bien évidemment Monsieur le bâtonnier Maurel va poursuivre son mandat, il reste bâtonnier en titre. Je vais faire mon apprentissage en tant que bâtonnier élu. Je suis déjà au Conseil de l’Ordre et au Conseil d’administration de la Carpa (Caisse des règlements pécuniaires des avocats), c’est déjà un avantage par rapport au fonctionnement d’un ordre. Ces six mois vont me permettre, aux côtés du bâtonnier, d’être plus aguerrie à d’autres affaires dont je n’ai pas forcément connaissance. Cela va aussi me permettre de m’organiser d’un point de vue professionnel et personnel. Il va falloir que je trouve un collaborateur ou une collaboratrice, que j’aménage mon temps peut-être différemment entre le travail de mon cabinet et celui de l’ordre. Je trouve que ce délai est très appréciable, cela permet d’arriver aux fonctions du bâtonnier en toute connaissance de cause.

Quels sont vos projets en tant que futur bâtonnier ?

- Il va y avoir une numérisation encore plus développée de nos moyens d’exercice, notamment avec la mise en place de la procédure pénale dématérialisée. Il ne faut pas que le barreau de Grasse loupe le coche et il faut que les confrères soient outillés pour pouvoir suivre cette évolution. Deuxième point, et c’est vrai que le bâtonnier a déjà commencé dans cette voie, mais j’aimerais faire rayonner le barreau au niveau de tout ce qui est société civile. Des actions ont été menées pendant le confinement auprès des commerçants pour les aider à mettre en œuvre leur garantie d’exploitation qui pouvait être contenue dans leur contrat d’assurance, sachant qu’il y avait une opposition assez forte des compagnies d’assurance. Il y a également eu une intervention des avocats auprès des hôpitaux pour permettre aux soignants d’avoir une aide pour tout problème juridique. Des conseils ont été donnés par des confrères qui s’étaient portés volontaires et cela a été très apprécié. J’aimerais bien créer des thématiques avec des journées ouvertes aux justiciables, sur le divorce, sur le licenciement… À titre gracieux. Pour montrer que le barreau existe. Et pour dire que l’avocat n’est pas là uniquement une fois qu’un conflit est déclenché, pour défendre un dossier devant une juridiction. Il est aussi un conseil en amont et développer cette image de l’avocat conseil avant toute procédure est quelque chose d’important. Enfin, j’aimerais bien faire un état des lieux du barreau, pour savoir où en sont mes confères, pour savoir si quelques-uns ont rencontré de graves difficultés et voir ce qui peut être mis en place pour essayer de les relever. Il y a des signes qui peuvent nous permettre de savoir si un confrère rencontre des difficultés, par exemple au niveau du paiement des cotisations. Il ne faut pas laisser le confrère s’enfermer dans ses difficultés. 

Il semble difficile de faire accepter la rémunération de la mission de conseil de l’avocat. Comment l’expliquer ?

- C’est vrai que souvent nos clients nous disent : "ah mais quand je vais chez mon notaire, les conseils sont gratuits". J’estime que c’est du travail qui doit être rémunéré, en dehors des journées dédiées aux justiciables. La plupart d’entre nous ne recevons que sur rendez-vous. Dans mon cas, le client connaît le montant dès le départ. Cela peut lui permettre, si jamais cela ne lui convient pas, de ne pas prendre rendez-vous. Cela doit peut-être faire partie d’une formation, notamment pour les plus jeunes parce que c’est compliqué de facturer un travail intellectuel.

La facturation est un aspect très important de la gestion d’un cabinet, or les avocats ne semblent pas être suffisamment formés initialement pour cela.

- Exactement. La plupart des avocats qui viennent de prêter serment signent des contrats de collaboration et je pense que c’est important pour le collaborant de prendre le temps de former le jeune à la facturation des honoraires. On a l’impression que parce qu’on donne un conseil, ce n’est rien, mais c’est du travail, du travail qui doit être rémunéré. C’est peut-être quelque chose qui doit s’apprendre sur le terrain.
Nous avons 20 heures de formation obligatoire par an et c’est dans ce cadre-là qu’on peut aussi apprendre aux jeunes à facturer, pour éviter les difficultés financières


Faire accepter la dématérialisation des échanges par l’ensemble des confrères n’est sûrement pas chose aisée ?


- C’est compliqué mais cela permet de rester en pleine vitalité. Pour les plus anciens c’est parfois difficile de continuer à suivre, de s’accrocher. Mais il faut les accompagner pour leur faciliter cette adaptation. La clé RPVA (Réseau privé virtuel des avocats) remonte à quelques années. Au départ tout le monde criait au scandale mais tout le monde s’y est mis et je crois qu’on ne reviendrait pas en arrière aujourd’hui. J’ai une grande confiance en l’adaptabilité de mes confrères.


Que prévoyez-vous pour les relations avec les magistrats ?


- Je sais que c’était une des craintes des autres candidats (Me Catherine Becret-Christophe et Me Michel Valiergue s’étaient présentés en tandem, ndlr) : que l’on soit trop à l’écoute de ce que souhaitent les magistrats de notre part. En fait, c’est un échange et c’est important qu’il puisse se faire. Régulièrement, nous avons des réformes très importantes, au niveau du fond du droit, au niveau de la procédure, et c’est important que l’on puisse échanger là-dessus avec les magistrats. Il faudra des réunions régulières, au moins mensuelles, et organiser des formations sur des thèmes importants.

Vous allez avoir le temps de mener tout ça en deux ans ?

- On va essayer ! C’est très court mais tout va dépendre des événements extérieurs.
Le bâtonnat de Fabrice Maurel a débuté par trois mois de grève pour lutter contre la réforme des retraites. Il y a ensuite eu la pandémie. Je préfère avoir beaucoup de projets et essayer d’en réaliser au moins certains plutôt que de ne pas en avoir du tout. Il faut se mettre très rapidement dans le bain.

Propos recueillis par Sébastien GUINÉ

Photo de Une : Me Fontan-Faron DR S.Guiné

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