Marchés publics : deux

Marchés publics : deux attestations obligatoires pour les professionnels

Afin de lutter contre le travail dissimulé, notamment, les attributaires de commandes publiques sont tenus de fournir deux types d’attestation : l’attestation de marchés publics et l’attestation de vigilance. Revue de l’essentiel et réflexions sur ces procédures.

L’attestation de marchés publics, à fournir par l’entreprise en cas d’attribution du marché public et avant la notification du marché, datant de moins de six mois. Aux termes de l’article 46-I du Code des marchés publics, le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché doit produire les pièces prévues aux articles D. 8222-5 ou D. 8222-7 du Code du travail ainsi que les attestations et certificats délivrés par les administrations et organismes compétents prouvant qu’il a satisfait à ses obligations fiscales et sociales.

Attention ! pour les marchés d’une valeur égale ou supérieure à 5 000 euros hors taxes (contre 3 000 euros TTC, avant le 1er avril 2015), le candidat retenu doit aussi respecter les règles applicables en matière de lutte contre le travail dissimulé en fournissant une attestation de vigilance.

L’attestation de vigilance est délivrée (uniquement sur Internet) par les Urssaf, CGSS (Caisses générales de sécurité sociale), caisses du RSI (Régime social des indépendants) ou de la MSA (Mutualité sociale agricole), dès lors que la personne est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement. En pratique, le donneur d’ordre est tenu de vérifier, lors de la conclusion d’un contrat portant sur une obligation d’une certaine valeur, puis tous les six mois jusqu’à la fin de son exécution, que son cocontractant s’acquitte, entre autres obligations, de celles relatives à la déclaration et au paiement des cotisations Urssaf. Pour ce faire, le cocontractant doit présenter au donneur d’ordre une attestation de vigilance délivrée par l’Urssaf.

Sont concernés par cette obligation les contrats portant sur l’exécution d’un travail, la fourniture d’une prestation de services ou l’accomplissement d’un acte de commerce : contrats de production, de fabrication, de transformation, de réparation, de construction, de fourniture, de vente, de travaux agricoles, de prestations de services, matérielles, intellectuelles ou artistiques, de transport, de sous-traitance industrielle ou de travaux (Attention ! les particuliers restent exonérés de cette obligation, notamment lorsqu’ils contractent pour leur usage personnel, celui du conjoint, de leurs ascendants ou descendants).

A défaut de procéder à ces vérifications et si le sous-traitant a eu recours au travail dissimulé, le donneur d’ordre peut être poursuivi pénalement et devoir régler solidairement les cotisations sociales du sous-traitant. Il peut également perdre le bénéfice des exonérations et réductions de cotisations applicables à ses salariés, sur toute la période où le délit de travail dissimulé du sous-traitant aura été constaté.

Pratiquement, selon l’administration, l’attestation de vigilance est délivrée « si la personne :

- soit acquitte les cotisations et contributions dues à leur date normale d’exigibilité, ou a souscrit un plan d’apurement des cotisations et contributions restant dues qu’elle respecte ;

- soit acquitte les cotisations et contributions dues, bien qu’elle puisse ne pas être à jour par ailleurs dans le paiement des majorations et pénalités ;

- soit ne les a pas acquittées mais en conteste le montant par recours contentieux ».

Selon l’article L. 243-15 du Code de la sécurité sociale, l’attestation est aussi délivrée si la personne conteste par recours contentieux le montant des cotisations et contributions restant dues. « L’attestation n’est pas délivrée tant que le tribunal des Affaires de sécurité sociale n’a pas été saisi », précise l’administration. « Toutefois, dès lors que les contestations des redressements font suite à une verbalisation pour travail dissimulé ayant fait l’objet d’une transmission du procès verbal au procureur de la République, l’attestation ne peut être délivrée, sauf si la personne en cause bénéficie d’une relaxe dans le cadre de la procédure pénale. Le classement sans suite du procès verbal au procureur de la République ne permet pas la délivrance de l’attestation tant que les faits en cause ne sont pas prescrits ».

Réflexions sur la délivrance de ces attestations

De nombreux juristes ont mis en avant que ces attestations constituaient un véritable pouvoir des organismes sociaux et fiscaux. En effet, la notion de travail dissimulée est particulièrement large : d’aucuns estiment qu’aujourd’hui 80% des entreprises entrent dans la définition du travail dissimulé sans même le savoir. En effet, il faut rappeler que le travail dissimilé peut concerner :
- la dissimulation d’activité économique (défaut d’immatriculation, de déclarations aux organismes de protection sociale, poursuite d’activité après radiation ou refus d’immatriculation) (C. trav. art. L 8221-3) ;
- la dissimulation d’emploi salarié (absence de la déclaration préalable à l’embauche, non délivrance de bulletin de paie, délivrance d’un bulletin de paie non conforme aux heures travaillées, défaut de déclarations sociales ou fiscales) (C. trav. art. L 8221-5).

Le fait, par exemple, de payer des heures supplémentaires en primes exceptionnelles fait entrer le chef d’entreprise directement dans la notion de travail dissimulé, et ce même si l’organisme de recouvrement ne subit aucun préjudice. De même, le fait de verser de prétendus frais kilométriques alors qu’il s’agit en réalité d’un complément de rémunération du salarié caractérise la dissimulation d’une partie du salaire et dès lors le travail dissimulé ! Ceci est d’autant plus vrai depuis un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation suivant lequel un redressement pour travail dissimulé est valide même sans intention frauduleuse de l’employeur !
La sanction, soit l’impossibilité de se voir délivrer l’attestation correspondante, est pour le moins sévère pour le chef d’entreprise qui se trouvera alors dans l’incapacité de travailler du fait d’un manquement de sa part ! Dans le même temps, on peut s’ étonner que les syndicats professionnels ne réagissent pas davantage sur ces pouvoirs de l’administration qui constituent un véritable droit de vie et de mort vis-à-vis des entreprises.

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