« Mariage pour tous » (...)

« Mariage pour tous » : Patrimoine et filiation, faux et vrai enjeux du projet de loi

L’Assemblée nationale a adopté, le 12 février, le projet de loi autorisant le mariage pour les personnes du même sexe. Ce texte, actuellement étudié par la commission des Lois du Sénat, sera examiné, en séance, à partir du 2 avril prochain.

De la définition actuelle du mariage (article 143 du Code civil), il ressort deux grandes conséquences : l’une patrimoniale, par la création de droits (corollaires des devoirs entre époux), l’autre filiale, se traduisant pour l’enfant en le droit de savoir de qui il est né, par l’inscription du nom des parents biologiques dans l’acte de naissance.

Ce que prévoit le projet de loi. L’exposé des motifs de la loi offre une égalité des droits entre couples homme-femme et de sexe identique. Le premier article ouvre le mariage aux personnes de même sexe (nouvel article 143 du C. civil). Le projet se compose ensuite de 16 articles sur 23 qui consistent à supprimer les termes « père » et « mère » de 157 articles du Code civil et d’autres codes (sécurité sociale, impôts, assurance vieillesse, etc..), pour les remplacer par le terme « parent ».

Un intérêt patrimonial relatif en faveur des personnes homosexuelles qui feront le choix de se marier. La réécriture du droit des successions et des libéralités concerne une quinzaine d’articles (C. civ art 368-1, 733, 734, 737, 738-1, 740, 743, 745-749, 756, 757-1, 904, 975, 995 et 1802 ). Les droits du conjoint successible s’appliqueront à tous les conjoints survivants y compris ceux du même sexe.

Cependant, ces avantages patrimoniaux doivent être nuancées. D’une part, la loi TEPA du 21 août 2007 (en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat) permet déjà au partenaire lié par un PACS (Pacte civil de solidarité), en vertu d’un testament, d’être exonéré de droits de succession (article 796-0 6 CGI). De même, le partenaire survivant bénéficie de plein droit de la jouissance gratuite du logement principal, ainsi que du mobilier qui le garnit (763 du code civil), et de l’attribution préférentielle, sous réserve que le défunt l’ait expressément prévu (art. 831-3 du Code civil).
D’autre part, le mariage ne sera pas toujours opportun, en particulier, au regard de la faculté de disposer du logement principal, qui nécessitera un accord commun.

Une absence de conséquence au regard de la filiation (du moins en l’état actuel du projet de loi). La filiation volontaire ne peut se traduire in fine, ni pour un couple de femmes car l’utilisation de la PMA (Procréation médicalement assistée) est interdite par le Code de la santé publique (art L.2141-2), qui en réserve son accès à « l’infertilité pathologique » entre « un homme et une femme constituant le couple », ni pour un couple d’hommes, car la pratique de la GPA (Gestation pour autrui) est également interdite.

L’accès au statut marital ne modifiera donc pas en profondeur la situation des partenaires de même sexe entre eux à l’égard des enfants élevés. Le lien pouvant exister entre un enfant et le partenaire de même sexe que son père ou sa mère reste soumis au droit actuel. A titre d’exemple, le partage de l’autorité parentale est possible par décision de justice (C.civ art 377-1).

En revanche, le traitement de l’homoparentalité par la construction d’une filiation volontaire, sur le modèle de filiation biologique, crée de nombreuses contradictions, notamment en matière successorale. Ainsi, en cas de décès sans descendants, les règles de la « fente » qui consistent à transmettre le patrimoine du défunt à égalité par « branche maternelle et paternelle » perdent leur sens car ils ne s’inscrivent plus dans une généalogie familiale entre ascendant et descendant.

Le véritable enjeu sera, en matière de filiation, la remise en cause du principe, pour l’instant, de l’indisponibilité de l’état des personnes et du corps humain par le projet de loi en avril prochain qui prévoit d’ouvrir à tous la PMA et la GPA. En ce sens, la circulaire de la garde de Sceaux, du 25 janvier 2013, demande au parquet général de ne plus s‘opposer, au nom de l’ordre public français, à l’inscription de l’enfant né par GPA à l’étranger, à l’Etat civil français avec ses conséquences (nationalité, sécurité sociale).

Couples homos : plus jeunes, intellos et urbains

Selon une récente étude de l’Insee consacrée au « couple dans tous ces états », sur près de 32 millions de Français qui déclarent être en couple (en 2011), 200 000 le sont avec une personne de même sexe ( soit 100 000 couples homosexuels). Des hommes, dans 60% des cas. Les couples homos sont plus jeunes que les hétéros : la moitié est âgée de moins de 40 ans, (contre 48 pour les hétéros) et près d’un partenaire sur quatre a moins de 30 ans. Ils sont aussi plus diplômés : 48% ont un diplôme universitaire, soit 20 points de plus que les couples homme-femme. Et plus urbains, les trois quarts vivent dans des grandes villes, où l’anonymat est plus aisé, précise l’Insee (30% en Ile-de-France). Enfin, un couple de sexe identique sur dix réside, au moins une partie du temps, avec un enfant, généralement né avant l’union actuelle, majoritairement des femmes.

B.L

Visuel : Photos Libres

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