Me Hervé Accorsi : Les

Me Hervé Accorsi : Les notaires prennent « le pouls » de la société

Le nouveau président de la Chambre des notaires des Alpes-Maritimes souhaite développer la communication, notamment auprès des élus du territoire avec l’idée de faire remonter les aspirations citoyennes.


Quelle est votre feuille de route pour ces deux ans ?

Me Hervé Accors ©DR


- Je vais être le président de la transformation dans la continuité. Beaucoup de choses ont été faites par mes prédécesseurs, le dernier pour ne pas le nommer, en premier lieu. Aujourd’hui nous avons une Chambre des notaires qui est en ordre de marche, qui est efficace, avec une informatisation très poussée. Nous avons du personnel qui est rompu à toutes les tâches quotidiennes, avec une très bonne organisation. Je tire profit de ce que mes prédécesseurs ont pu mettre en place. Je souhaiterais mettre en exergue trois axes. Le premier, c’est de restaurer la confraternité parce que nous avons vécu des choses compliquées et nous sommes dans une société plus individualiste, où chacun a tendance à se replier sur soi. Je souhaiterais vraiment recréer du liant au sein de la compagnie et entre les confrères.

Les liens se sont-ils surtout distendus pendant la période de Covid ?

- Il y a eu différents événements. Le premier événement notoire est la loi croissance en 2016. Nous avons eu une croissance comme nous n’en avions jamais vécue, nous sommes passés de 250 confrères environ en 2016 à 475 aujourd’hui. En sept ans, nous avons eu une explosion du nombre de confrères dans la Chambre. Inévitablement, cela prend du temps. Ensuite, il y a eu l’épidémie de Covid et nous n’avons pas pu faire de présentiel, ce qui n’a pas favorisé les échanges. La visioconférence, c’est très bien, mais rien ne vaut le présentiel. C’est allé jusqu’à une assemblée générale réduite à sa plus simple expression avec soixante personnes présentes. L’idée principale est d’essayer de retrouver de la confraternité, de recréer un esprit uni et solidaire au sein de la profession. Nous verrons de quelle manière nous pourrons mettre tout cela en place.

Quel est le deuxième axe ?

- Il s’agit du développement de la communication. Beaucoup a déjà été fait mais il reste tellement à faire… La communication vis-à-vis du concitoyen, vis-à-vis des professions avec lesquelles nous travaillons habituellement, notamment les métiers du droit et du chiffre (avocats, experts-comptables…), et vis-à-vis des élus locaux, les maires, les députés, les sénateurs… Nous avons une marge de progression de ce côté-là.

Est-ce qu’un président de Chambre des notaires peut avoir la même visibilité qu’un Bâtonnier ?

- Il n’y a aucun empêchement de par notre profession et c’est justement là où nous avons quelque chose à créer et à développer. Nous ne partons pas du néant, nous avons des relations avec les élus mais a minima. De par notre rôle, nous sommes appelés à rencontrer différents élus.

Et la voix des notaires est une voix importante.

- Oui car nous avons une expertise en matière d’immobilier, d’habitat. Et nous sommes en relation avec les citoyens. Nous prenons le pouls, comme les élus. Les concitoyens peuvent nous exposer leurs problématiques. Il est vrai que cela tourne beaucoup autour de l’habitat mais nous recevons aussi des chefs d’entreprise. Le notaire peut être un lien de transmission pour faire remonter des idées et des aspirations aux élus. Nous sommes une chambre de proximité. Le CSN est à un autre niveau. Les relations que j’évoque sont des relations de proximité, comme celles qu’un citoyen peut avoir avec son maire. Cela va nécessairement passer par la création d’événements et nous irons à la rencontre des élus. C’est un peu à nous de faire le premier pas. Il est important de les écouter, d’entendre ce qu’ils ont à nous dire car ils ont forcément des attentes par rapport aux missions que nous pouvons effectuer. Aujourd’hui les notaires ont une compétence nationale, peu importe où se situe le bien ou notre client, mais nous sommes proches des citoyens de notre commune et des villes environnantes.

Quel est votre troisième axe ?

- Il est un peu plus technique, il s’agit de l’interdépartementalité. Il y a aujourd’hui quatre Chambres départementales (des Alpes-Maritimes, du Var, des Bouches-du-Rhône et des Alpes-de-Haute-Provence) qui constituent le ressort de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. L’idée est d’engager des discussions avec nos homologues par rapport à une redéfinition du cadre de l’instance, qui serait l’interdépartementalité et qui viendrait chapeauter ces quatre départements avec un représentant et des délégués pour conserver ce rapport de proximité. Chaque instance, au niveau local, conserverait certaines missions. Cela permettrait de rationaliser les missions et de bénéficier d’une structure plus forte.

Il faudra évidemment avoir l’accord de vos homologues.

- C’est une idée qui a été lancée par mon prédécesseur et qu’il m’appartient de développer. Au niveau local, nous avons fait un premier sondage et nous avons un mandat, qui n’est absolument pas un blanc-seing, en vue de poursuivre des discussions sur ce sujet avec les autres représentants. Une fois que nous aurons un projet plus précis, il sera évidemment présenté en assemblée générale.

Qu’en est-il de cette interdépartementalité ailleurs en France ?

- D’autres grandes régions l’ont déjà effectuée et elle est soit en phase de fonctionnement soit en train d’être mise en place. L’une des premières a été la Chambre interdépartementale des notaires de la Cour d’appel de Toulouse (Ariège, Haute-Garonne, Tarn et Tarn-et-Garonne). C’est en cours pour la Chambre interdépartementale en Bretagne (les notaires de la Cour d’appel de Rennes ont voté « pour » fin novembre 2022, NDLR). Il y a une dynamique qui est en route et qui est vue d’un bon œil par les instances nationales.

Le prochain Congrès des notaires aura pour thème le logement, un sujet qui soulève de nombreuses inquiétudes.


- C’est un gros sujet. Le principal problème qui s’est posé est la rapidité à laquelle les taux ont augmenté. Ils n’ont jamais augmenté de manière aussi rapide, nous sommes à +2 points en un an. Compte tenu des critères qui avaient été mis en place (35 % d’endettement, durée maximale de 25 ans), il y a toute une frange de la population qui se retrouve non finançable, notamment les primo-accédants. Il y a toujours une volonté d’accéder au logement, le problème c’est que pour beaucoup de personnes cela devient inaccessible. Le Congrès est une force de proposition. Il fera l’objet d’un rapport et des vœux seront mis au vote. Ce dossier sera ensuite envoyé à tous les institutionnels. Dans le cas du logement, le but est de trouver des alternatives d’achat pour en réduire le coût. L’un des thèmes en vogue est l’achat d’une propriété usufruit, avec une valeur bien moindre. Cela se fait beaucoup au niveau des bailleurs sociaux mais peut tout à fait se faire également dans le privé.

Même si les taux devraient, à moyen terme, baisser, il faudra de toutes façons trouver d’autres moyens pour se loger.

- Oui car le foncier devient de plus en plus rare, il n’y a plus beaucoup de terrains et le terrain qui reste est à prix d’or. Construire sur de l’existant, qui était à l’origine l’idée de la loi Alur, est une des solutions mais cela veut dire accepter une densification. Ce qui ne va pas sans créer d’autres problèmes : d’aménagement de réseaux, de voirie, de transports… C’est une question qui, avec les élus, peut nous rassembler. C’est un problème complexe qui dépasse le cadre de mon mandat. Ce sont des thématiques longues à mettre en place.

Comment cela se passe pour les notaires récemment installés ?

- Globalement, nous avons vécu une période qui a permis d’absorber cette augmentation. Dans la Chambre, il y avait 87 études en 2016, aujourd’hui il y en a 160. Nous sommes sur une augmentation significative. Comme pour toute entreprise, les trois premières années sont les plus compliquées. Cela s’est plutôt bien passé pour la première vague, en 2016, et pour la deuxième également. Ce sera peut-être plus compliqué pour la troisième même si elle est de moindre intensité. Parce qu’il y a eu deux vagues précédentes et que le contexte économique a changé. La tendance n’est plus la même, avec un manque total de visibilité. Aujourd’hui, il va falloir être vigilants. Nous parlons des études nouvellement créées mais des études anciennes peuvent également se retrouver en difficulté. C’est un axe qu’il va falloir regarder de près, surtout si la situation actuelle devait se prolonger.

Comment la Chambre des notaires peut aider les études qui se retrouveraient dans une situation délicate ?

- Le premier point, c’est l’anticipation, comme pour n’importe quelle entreprise. L’instance est là pour cela, elle est à l’écoute des confrères. Ils ne doivent pas avoir peur de venir nous voir pour discuter de ce qu’il est possible de mettre en place pour éviter que la situation ne s’aggrave. Les problèmes peuvent être économiques mais pas seulement, il peut y avoir des problèmes d’entente également. La problématique de la Chambre est d’essayer en amont de déceler les études qui pourraient potentiellement avoir un souci pour aller au-devant de ces confrères s’ils ne venaient pas nous voir. Ce n’est pas facile comme situation, il est difficile de demander de l’aide. Notre profession a été relativement préservée mais aujourd’hui nous ne sommes absolument pas à l’abri d’être confrontés à ce genre de problèmes.

Élu pour deux ans

Maître Accorsi, notaire à Grasse au sein de l’office notarial Bouguereau, Accorsi et Vouillon, succède à Me Nicolas Meurot, notaire à Carros, qui a exceptionnellement fait deux mandats de deux ans en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19.
Me Christelle Daprela, notaire à Grasse, est encore vice-présidente pour une année. « On essaie dans la mesure du possible de s’y préparer puisque ce n’est pas une fonction qui s’improvise  », confie Me Accorsi. « Certes il y a un vote, des candidatures libres, mais on va dire que l’on est pressenti à ce poste et il est donc judicieux d’avoir été un minimum préparé ».

Visuel de Une (détail) Me Accorsi DR

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