Nice et Grasse : les (...)

Nice et Grasse : les rentrées solennelles des Tribunaux de Commerce, Tribunaux de Grande Instance et Conseils des Prud’hommes

Cette semaine, la journée du 20 janvier marquait l’ouverture de l’année judiciaire 2014. Tour d’horizon des ambitions annoncées.

Tribunal de Commerce de Nice

L’année 2013 a été bigarrée, avec d’une part la baisse du nombre de procédures collectives, malheureusement toujours compensée par un nombre croissant de dirigeants venus demander de l’aide dans le cadre de la prévention judiciaire. « Ils se plaignent de devoir avancer et entreprendre avec de vrais boulets aux pieds. En effet, la loi et les normes, les françaises se superposant aux européennes, alourdissent considérablement les contraintes et les charges des entreprises », soulevait le Président du Tribunal de Commerce M. Paul dans son discours. Le fait que les pouvoirs publics se penchent sur la mise en place d’un « Small Business Act » à la française, permettant « aux grands donneurs d’ordres de réserver une partie de leurs appels d’offre à des entreprises locales » est dans une dynamique rassurante.

Quatre nouveaux magistrats ont rejoint le Tribunal de Commerce et deux Présidents de Chambre l’ont quitté, Ghyslaine Giusti-Couturier et Marc Grammatico, au terme d’un parcours de 14 ans (durée maximale du mandat).

A noter : les 27 et 28 novembre 2014 se tiendra à Nice le Congrès national des Tribunaux de Commerce, autour du thème du « Juge unique ».

Tribunal de Grande Instance de Nice

L’un des grands chantiers de l’année précédente a été celui des mesures de tutelles. Dans un département où le taux d’habitants de plus de 75 ans se situe au-dessus de la moyenne nationale, le travail autour des tutelles et de leur révision était une préoccupation prioritaire. 2.460 dossiers devaient à ce titre être réexaminés par le seul tribunal d’instance de Nice en 2013, et la situation de la personne protégée réévaluée. Un travail colossal qui a été pleinement accompli.

Les choix et priorités d’actions pour 2014 ont été étayés par Mme Karsenty, Présidente du TGI de Nice. C’est dans un contexte de manque de magistrats et de juges de proximité que démarre cette nouvelle année, placée sous le signe d’une amplification de l’intervention du juge dans le cadre de l’urgence. « 37 % des procédures jugées par le tribunal l’ont été en 2013 par la voie de la comparution immédiate, avec un jugement immédiat ou un renvoi limité accordé au prévenu, pour préparer sa défense » a rappelé Mme Karsenty.

De plus, « le tribunal a engagé une démarche qui se veut plus collective du travail judiciaire. Ce mouvement va se poursuivre cette année. Les partenaires de l’institution judiciaire sont partie prenante de la justice rendue et les réponses judiciaires adaptées. »

De son côté, M. le Procureur de la République Eric Bedos a nuancé les chiffres de l’année 2013 sur la délinquance. Le problème récurrent de la surpopulation de la maison d’arrêt de Nice côtoie une délinquance générale en baisse (-6,25% en zone police) contre une augmentation de 8% de celle-ci du côté de la gendarmerie. M. le Procureur a aussi souligné la baisse du nombre de procédures en attente et la hausse des « mesures alternatives [de règlement des conflits], qui ne constituent pas une justice au rabais ».

Conseil des Prud’hommes de Nice

La Présidence pour cette nouvelle année sera tenue par M. Gérard Pitocchi, la passation de pouvoir ayant eu lieu le 20 janvier lors de l’audience de rentrée. « Notre Conseil, le 10ème de France, a constaté un net accroissement des dépôts de saisine durant l’année 2013, à hauteur de 17 % », a-t-il déclaré en ouverture. Dans le cadre de sa mandature, le nouveau Président entend pondérer le recours à l’audience de départage, mais également perpétuer les réunions d’informations et d’échanges entre les conseillers et diverses institutions au service de la Justice, « telles que le Président sortant les a initié tout au long de l’année 2013. […] Le contenu de ces sessions ne peut que nous permettre de progresser », a déclaré M. Pitocchi lors de son discours.

Tribunal de Grande Instance de Grasse

Lors de l’audience solennelle du 20 janvier, le Président du TGI de Grasse, Philippe Ruffier, après avoir fait un tour d’horizon des chiffres de son tribunal, a soulevé les principales difficultés qu’a connues son ressort en 2013 et ses espoirs pour 2014. A commencer par l’engorgement du Tribunal pour enfants, qui a trouvé un début de solution grâce à la mobilisation des juges pour enfants, des fonctionnaires du greffe et du Parquet. Philippe Ruffier reste néanmoins préoccupé par la question récurrente de l’adéquation des moyens, avec notamment le non-remplacement systématique des magistrats partant à la retraite. De même, l’insuffisance des crédits alloués aux frais de justice criminelle dégrade l’image de la justice et fragilise le réseau d’experts judiciaires. Cette enveloppe budgétaire devrait encore baisser en 2014. Il termine son allocution par un appel à une réforme nécessaire : « Je reste persuadé que nous pouvons réformer cette vieille institution sans sacrifier les valeurs dont elle est porteuse, en la rendant plus lisible et plus cohérente, notamment en la rapprochant des justiciables et en simplifiant l’accès de ces derniers au juge. »

Pour ce qui est du bilan du Parquet, le Procureur de la République, Georges Gutierrez a relevé une augmentation de 8,08 % d’affaires pénales nouvelles en 2013, une baisse des faits délictueux de 4 %, tout en rappelant que les procédures rapides et simplifiées représentent 88% des modes de poursuite au TGI de Grasse. L’année 2013 a été marquée par plusieurs événements : vols à main armée spectaculaires à Cannes, plusieurs meurtres et d’importantes affaires de trafic de stupéfiant (affaire dite Kouki). Arrivé en juin 2013, il s’est attelé à plusieurs chantiers : l’amélioration de la réponse pénale, la prévention de la délinquance et le rapprochement avec le parquet de Nice. Pour ce qui est du premier point, la section de permanence a été réorganisée, pour mieux définir et isoler les urgences et les affaires graves. Surtout, Georges Gutierrez a terminé son intervention en s’interrogeant sur l’avenir du Ministère Public, « c’est le parquet à la française, qui est en danger, car il est en crise », dit-il en s’appuyant sur le constat fait par la commission Nadal. Cette crise résulte selon lui de l’instabilité de la loi pénale et du décalage flagrant entre les missions et les moyens. Mais c’est également une crise d’identité, qui est sûrement « la plus importante parce qu’elle touche le coeur de l’autorité judiciaire : le parquet ». En effet, le Procureur de la République déplore que la réforme promise du statut des magistrats du parquet, qui devait affirmer avec force leur indépendance et l’autorité indiscutable de leurs décisions, ne soit pas encore à l’ordre du jour.

Conseil des Prud’hommes de Grasse

Le nouveau Président du Conseil des Prud’hommes de Grasse, Jean-Luc Rolando, a tout d’abord rappelé le rôle indispensable des Présidents et Vice-Présidents de sections, qui travaillent souvent dans l’ombre, mais sont les interfaces indispensables pour assurer une bonne communication entre tous les Conseillers. Il s’est aussi engagé à essayer de réduire les délais de traitement des dossiers en dessous de 10 mois pour l’année 2014 et à veiller à ce que les délais d’audiencement des dossiers demeurant toujours entre 1 et 2 mois et qu’au moins 70 % des affaires inscrites aux rôles soient mises en délibéré en bureau de jugement. Enfin, il a rappelé que le fonctionnement des Conseils des Prud’hommes, tel qu’il existe actuellement, est menacé, car, comme mentionné dans le rapport Marshall, le coût des élections est excessif (environ 100 millions d’euros) et il y a trop de Conseillers Prud’hommes, parmi les nombreux dysfonctionnements. Le Président sortant Jean-Marc Vitetta, quant à lui, a fait un point rapide sur les chiffres de l’année 2013, dont notamment le délai moyen de traitement des affaires jugées au fonds hors départage, qui est de 10,6 mois, délai dont il se félicite, car il est bien inférieur à la moyenne nationale qui frôle les 15 mois. « Notre juridiction est une juridiction d’exception, à nous de la rendre exceptionnelle », conclut-il.

Tribunal de Commerce de Grasse

Jean-Claude Avelines, Président du Tribunal de Commerce de Grasse, a mis en avant les effets de la crise sur sa juridiction : nombre de sociétés créées en diminution (- 8 % en 2013), forte augmentation des référés (+ 22 %). Le total des ouvertures de procédures collectives est en hausse de 20 %, avec une augmentation significative des liquidations judiciaires de près de 33 %. Il préconise une sensibilisation intensifiée des organismes bancaires, notamment quant aux garanties « pharaoniques » qui accompagnent les rares crédits accordés. Par ailleurs, la prévention devrait être accentuée, avec notamment des séances de formation sur les procédures collectives proposées par le Tribunal et qui pourraient s’organiser avec les institutions comptables et le Bâtonnier. Jean-Claude Avelines n’est donc pas à court d’idées pour faire évoluer la situation de la justice commerciale.

deconnecte