Notariat : Une activité

Notariat : Une activité soutenue, malgré la crise dans les Alpes-Maritimes

En dépit de la crise sanitaire et de ses répercussions au plan économique, l’activité notariale reste intense dans les Alpes-Maritimes en raison du dynamisme du marché de l’immobilier et des efforts de la profession. C’est ce que confirme Maître Nicolas Meurot, président de la Chambre des notaires des Alpes-Maritimes.

2020, une année singulière pour le notariat ?

- Oui, elle est à la fois singulière et surprenante. J’y reviendrai dans un moment. Dans la lignée des années précédentes, 2020 avait plutôt bien débuté en janvier en termes d’activité. Et puis le Covid est arrivé, entraînant du jour au lendemain la fermeture au public des offices. Les notaires ont dû faire face à cette situation inédite et trouver le moyen de finaliser les dossiers en cours, alors que leurs partenaires habituels, à savoir les banques, les administrations, les mairies ou encore les services des impôts, se retrouvaient fermés ou en accueil extrêmement restreint.

Comment la profession y est-elle parvenue ?

- La Chambre a dû intervenir pour faire rouvrir partiellement certains services. Une tâche d’autant plus ardue que les plans de continuation de l’activité des collectivités étaient particulièrement hétérogènes. Mais la profession a aussi fait preuve d’innovation. Pour que les dossiers qui étaient quasiment prêts au moment du confinement aboutissent, nous avons utilisé dans un premier temps la procuration numérique qui a résolu le problème de la certification des signatures, impossibles physiquement. Pour ce faire, nous avons fait appel à la société DocuSign, la seule habilitée en matière de signature numérique qualifiée. Elle constitue le plus haut grade de certification.
Par ailleurs, la crise a accéléré la mise au point de la procédure de signature électronique par comparution à distance qui était en discussion et préparation avec l’Etat depuis plusieurs années. Elle permet par exemple de réunir en visioconférence, avec un protocole strict, un client se trouvant au Canada, un autre à Londres, un troisième à Lyon et puis des parents à Antibes. Après la lecture en commun de l’acte, qui leur a été adressé au préalable avec un bordereau de consentement à valider, c’est le notaire seul qui signe cet acte. Cette signature unique vaut signature pour toutes les parties. En quinze jours seulement, les études ont pu disposer d’un outil révolutionnaire.

De quoi sauver l’activité pendant le confinement ?

- Pendant ces deux mois, elle a bien sûr été faible. Au prix d’une énergie considérable, nous avons maintenu 30% d’activité. Mais nous avons surtout réglé de nombreuses situations pénalisantes pour nos clients.

Y a-t-il eu un rattrapage depuis ?

- Nous pensions que le rattrapage des dossiers en souffrance ne durerait que jusqu’à la fin de l’été. Mais la crise a engendré deux prises de conscience. D’abord qu’il faut anticiper certains sujets, comme les questions de testament, de donation entre époux et plus largement d’anticipation successorale, qui ont fait l’objet d’interrogations régulières de la part des clients. Elle a ensuite révélé une nouvelle considération de l’habitat. Les notaires ont rencontré énormément de personnes qui désiraient quitter leur appartement en ville au profit d’une maison avec un extérieur ou, a minima, d’un logement avec un balcon, une terrasse ou un jardin privatif en copropriété.
Ces deux réalités maintiennent un niveau d’activité élevé dans les offices, qui ont parfois du mal à répondre à la demande. Et c’est en ce sens que 2020 est une année surprenante. Même les restrictions de la Banque centrale européenne et de la Banque de France, qui durcissent l’octroi des prêts, même la légère hausse des taux d’intérêt, même le chômage et les craintes pour l’emploi n’ont, pour l’heure, pas ralenti le flot des transactions immobilières. A fin juillet, le recul de l’activité n’était finalement que de 10% par rapport à 2019 et je suis à peu près sûr qu’il se situera à environ -5% à fin octobre. Sauf reconfinement ou crise financière brutale, l’équilibre devrait même être atteint d’ici la fin de l’année.

Parlons de la loi "Croissance", qui a bouleversé le paysage notarial...

- Dans les Alpes-Maritimes, nous sommes passés d’environ 90 études à 151 en l’espace de quatre ans. Ces chiffres révèlent un bilan mitigé. Le point positif de la loi, c’est qu’elle a permis une augmentation du nombre de notaires. Et l’immense majorité de la profession a conscience que c’était une évolution nécessaire, notamment parce que les dossiers que nous traitons nécessitent aujourd’hui 35 à 40 % de temps en plus qu’il y a quinze ans en raison d’une inflation législative permanente entraînant de nouvelles obligations. Mais nous pouvons contester le nombre, le rythme et la méthode de la réforme. Une troisième vague de 700 à 800 créations d’études se profile au plan national alors qu’il y en a déjà eu beaucoup. L’accroissement s’est avéré trop rapide et le principe du tirage au sort pour un officier public d’Etat peut être qualifié de surprenant.

Quelles sont les conséquences dans notre département ?

- On dénombrait par exemple deux études à Cagnes-sur-Mer. Cinq supplémentaires s’y sont installées en quatre ans. Le phénomène est identique à Cannes et dans d’autres secteurs. Cela pose des problèmes de viabilité des entreprises notariales. Tous ces nouveaux offices ne vivent pas la même réalité. 25% des créations récentes fonctionnent bien, généralement parce qu’elles sont animées par des confrères qui avaient des appuis locaux ou qui étaient auparavant implantés dans d’autres études. 25% ont un démarrage honorable, 25% sont dans une situation "moyenne" et 25% sont en difficulté.

Le notariat a-t-il d’autres préoccupations en ce moment ?

- La profession a plusieurs axes de travail, comme l’écoresponsabilité, qui se traduit par la diminution du papier, et la digitalisation du métier, qui est de plus en plus poussée. L’acte à distance, si utile durant le confinement, n’est plus utilisé en ce moment, car il fait l’objet de quelques réglages. Mais il sera de retour en 2021 de manière définitive. Cette avancée et la dématérialisation de nos tâches constituent une démonstration de la puissance du notariat, qui est sans doute la profession du droit et du chiffre la plus aboutie en la matière.

Propos recueillis par Jean Prève

Photo de Une : Pour Maître Nicolas Meurot, président de la Chambre des notaires des Alpes-Maritimes, 2020 est une année singulière et surprenante. DR J.P

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