Observations du Syndicat

Observations du Syndicat de la Magistrature sur les projets de lois organique et ordinaire pour le rétablissement de la confiance dans l’action publique

Le Syndicat de la magistrature ne peut qu’être favorable à l’objectif qui innerve les projets présentés par le gouvernement. La démocratie réclame en effet que les citoyens soient en mesure de faire confiance à ceux à qui ils délèguent le pouvoir de gouverner et de légiférer.
Un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire ont d’ores été déjà et transmis au Sénat et un projet de loi constitutionnelle est annoncé pour septembre.

François Bayrou alors ministre de la justice a indiqué que ce projet de loi constitutionnelle comporterait la suppression de la Cour de justice de la République et la réforme du statut du parquet.

Sur le premier point, le Syndicat de la magistrature réclame depuis longtemps, au nom de l’égalité des citoyens devant la loi et la justice, la suppression de cette juridiction politique, composée de parlementaires, qui juge les ministres pour les infractions commises dans l’exercice de leur fonction.

Le Président de la République devra pouvoir être juge ? selon les mêmes règles de procédure que les ministres. En particulier, le mécanisme de report de l’instruction et du jugement a ? la date de cessation des fonctions s’est révélé incompréhensible pour les citoyens et il conviendra de le supprimer pour toute infraction commise avant ou pendant son mandat et détachable de l’exercice de ses fonctions.

Mais c’est surtout la réforme du statut du parquet et du siège qui est l’indispensable préalable à l’efficacité des mesures adoptées pour « moraliser la vie publique ». S’il n’existe pas une justice indépendante pour faire appliquer les lois, l’objectif recherché dans les nouveaux textes qui seront adoptés ne pourra pas être atteint. Aussi le Syndicat de la magistrature attend que le projet de loi constitutionnelle soit à la hauteur de l’enjeu. Il est urgent de faire advenir une réforme ambitieuse du Conseil supérieur de la magistrature, garantissant un pluralisme et marginalisant l’entre-soi. Ce CSM rénove ?, au lieu de donner un avis sur les nominations préparées par la chancellerie, devra lui-même nommer tous les magistrats du siège et du parquet.

Relégué aux oubliettes parlementaires, le projet de réforme constitutionnelle de 2013 remanie ? en 2016, ne reprenait que partiellement ce principe : il prévoyait simplement l’avis conforme du CSM pour la nomination des magistrats du parquet, alignant ainsi leurs conditions de nomination sur celles des magistrats du siège. Concernant l’exercice du pouvoir disciplinaire, le projet le confiait au CSM actuellement compètent uniquement pour émettre un avis au ministre de la justice sur la sanction appropriée. Le Syndicat de la magistrature soutient cette réforme qui devra figurer dans le nouveau projet.

La déconnexion de la nomination des magistrats et de leur discipline avec le pouvoir exécutif est un élément indispensable pour mettre la justice a ? l’abri, aussi bien des pressions que des suspicions au sujet de son indépendance.

Au delà des dispositions qui devront figurer dans ce projet de loi constitutionnelle, sur lesquelles reposera l’effectivité de la réforme, de nombreuses dispositions manquent dans les deux projets de loi d’ores et déjà déposés, pour atteindre les objectifs fixés. Le Syndicat de la magistrature propose donc des mesures qui devraient figurer dans les textes, sans lesquelles la réforme resterait au milieu du gué.

I. Sur les dispositions figurant dans les projets de lois organique et ordinaire

Le Syndicat de la magistrature accueille favorablement les améliorations apportées par ces textes à la transparence et à la moralisation de la vie politique, que cela soit la suppression de la réserve parlementaire, les mesures pour mieux prévenir les conflits d’intérêts des parlementaires et prévoyant notamment des incompatibilités avec les activités de conseil, les dispositions sur le financement des partis politiques. Il fait observer, sur les dispositions relatives à l’interdiction de l’emploi des membres de la famille des élus et des membres du gouvernement (Titre III du projet de loi ordinaire) que l’interdiction pour les collaborateurs des élus et des membres du gouvernement d’un cumul de leur activité de collaborateur avec une activité de lobbyiste, aurait été bienvenue. L’histoire a en effet démontré qu’un tel cumul n’était pas une hypothèse d’école.

Mais sur l’ensemble de ces dispositions, le Syndicat de la magistrature ne donne qu’un avis citoyen. En revanche, son expertise lui permet des observations approfondies sur les dispositions relatives à la peine complémentaire de plein droit d’inéligibilité.

A. L’inopportunité d’une peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité

Elle est inopportune à plusieurs titres.

1 – Le projet de loi dresse une liste d’infractions pour lesquelles la peine complémentaire d’inéligibilité est encourue de plein droit, liste dont les contours peuvent être questionnés.

Le gouvernement n’a pas fait le choix de prévoir une peine d’inéligibilité de plein droit pour toute condamnation : une telle règle se heurterait aux principes de nécessite ? et de proportionnalité ? des peines édictées par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme. De ce fait, pour renforcer les conditions d’exemplarité et de probité des parlementaires, il a proposé de dresser une liste d’infractions dont la commission fait encourir de plein droit une peine d’inéligibilité.

Si ce principe permet de respecter un certain équilibre, le choix des infractions devant figurer dans la liste s’avère malaisé : toute liste se révèle en réalité discutable.

Ainsi, dans le projet de loi, l’abus de bien social, prévu par l’article L. 241-3 du code de commerce, est exclu de la liste, tout comme le défaut de déclaration fiscale quand il n’est pas commis en bande organisée. Pour ces infractions la peine complémentaire d’inéligibilité est certes encourue mais de manière facultative.

Par ailleurs, l’exemplarité attendue des élus ne suppose-t-elle pas que certains délits, même en dehors des manquements à la probité entendu au sen large, puissent faire encourir obligatoirement cette inéligibilité ? L’appréciation de chacun varie alors selon les sensibilités. On remarquera à cet égard qu’à l’occasion de l’examen de la loi égalité et citoyenneté, un amendement avait été déposé par Mmes Benbassa et Archimbaud, M. Gattolon et les membres du groupe écologiste, visant à rendre obligatoire la peine complémentaire d’inéligibilité en cas de condamnation pour une infraction pour violences. Cette proposition d’amendement était motivée par ses auteurs de la manière suivante : « l’inéligibilité qui sanctionne des infractions pénales est une peine complémentaire facultative et de fait, elle n’est que très peu prononcée. Cela entraîne des situations très problématiques où des élus condamnés pour violences, notamment des violences conjugales, continuent à exercer des fonctions de représentation, au mépris de leur devoir d’exemplarité ».

2 – Les conditions d’accès à un mandat électif seraient moins sévères que les conditions d’accès à la fonction publique

Aux termes de l’article 5 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Le Pors, « Nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire (…) 2° S’il ne jouit de ses droits civiques ; 3° Le cas échéant, si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions ».

Si ce n’est pas un bulletin n° 2 vierge qui est exigé, la mention d’une condamnation sur ce bulletin bloque dans les faits l’accès à des fonctions publiques pour lesquelles il est possible de considérer, dans un contexte de moralisation de la vie publique, que l’exigence d’exemplarité devrait être moindre que celle attendue des élus, représentants du peuple.

3 – Indirectement, une peine complémentaire de plein droit dont le prononcé peut être écarté par décision motivée favorise les « professionnels de la politique »

Une femme ou un homme qui encourt une condamnation alors que sa carrière politique est déjà entamée mettra tout en œuvre pour convaincre ses juges de ne pas prononcer la peine complémentaire d’inéligibilité et leur fournira les motifs leur permettant d’écarter cette peine. A l’inverse un prévenu qui, au jour du jugement n’envisage pas encore de carrière politique, négligera de se défendre sur ce point et se verra donc condamné obligatoirement. Et quand par la suite, il entendra se présenter à une élection il se heurtera à cette inéligibilité contre laquelle il ne s’est pas défendu. Cette règle introduit donc une rupture d’égalité et par ailleurs crée un obstacle supplémentaire au renouvellement du personnel politique, en contradiction avec la volonté affichée de la nouvelle majorité.

B. La proposition d’une exigence limitée dans le temps d’un Bulletin n°2 néant

Pour le Syndicat de la magistrature, si le rehaussement des exigences en matière d’éligibilité est souhaitable, il doit toutefois être encadré afin que les restrictions imposées soient proportionnées au but recherché : le rétablissement de la confiance dans l’action publique.

A cet égard une interdiction absolue de se présenter à une élection dès lors que le bulletin n°2 du casier judicaire porte trace d’une condamnation serait excessive, et ce, même s’il existe une procédure juridictionnelle de non-inscription ou de retrait du bulletin n°2. En effet, les règles de mention et de conservation au bulletin n°2 seraient un obstacle à une meilleure représentativité des élus et aboutiraient à nier les potentialités, chez chaque condamné, d’amendement et de réinsertion.

Par ailleurs, laisser au seul juge le pouvoir par le biais des décisions de non inscription ou de retrait des condamnations du bulletin, le pouvoir de décider de l’inéligibilité d’un candidat serait problématique au regard du principe de séparation des pouvoirs.

L’exigence d’un bulletin n°2 exempt de condamnation, quelle qu’elle soit, dont la date de fin d’exécution de peine est inférieure à 5 ans permet de concilier les divers objectifs.

En effet :

1 – Toutes les condamnations ne sont pas inscrites au Bulletin n°2

L’article 775 du code de procédure pénale prévoit l’exclusion des fiches du casier judiciaire concernant certaines décisions, par exemple les condamnations prononcées pour contraventions de police, les condamnation assortie d’un sursis, avec ou sans mise à l’épreuve, lorsqu’elles doivent être considérées comme non avenue, les condamnations prononcée sans sursis à un stage de citoyenneté, une suspension de permis conduire, un travail d’intérêt général…, les déclarations de culpabilité assortie d’une dispense de peine ou d’un ajournement du prononcé de celle-ci.

Ainsi figurent principalement au bulletin n° 2 les peines de prison ferme et les peines de prison avec sursis qui ne sont pas encore non avenues. L’exigence d’un bulletin n°2 néant n’est donc pas d’une rigueur excessive.

2- Le tribunal peut décider d’exclure la mention de la condamnation du bulletin n°2

L’article 775-1 du code de procédure pénale prévoit que le tribunal qui prononce une condamnation peut exclure expressément sa mention du bulletin n°2 soit dans le jugement de condamnation soit par jugement rendu postérieurement sur la requête du condamné
Les condamnations anciennes ne doivent pas être un obstacle à une candidature.

Il s’agit là d’un premier moyen de permettre à une personne condamnée qui se serait « réhabilitée », de briguer un mandat électif

3 - Il convient de ne pas laisser au juge seul le pouvoir de décider de l’inéligibilité

Le tribunal peut recevoir ou rejeter la demande d’exclusion de la condamnation du bulletin n°2. Aussi convient-il, pour qu’il ne soit pas porté atteinte à la séparation des pouvoirs, de permettre l’effacement des condamnations anciennes susceptibles de faire obstacle à l’éligibilité d’un candidat.

L’inéligibilité ne devrait sanctionner les condamnations mentionnées au bulletin n°2 que s’il s’agit de condamnations à des peines dont la fin dont la date de fin d’exécution remonte à moins de 5 ans.

II. Les dispositions absentes des projets de texte mais nécessaires à l’objectif visé

Le Syndicat de la magistrature considère que le texte proposé manque d’ambition et qu’un certain nombre de dispositions primordiales nécessaires au rétablissement de la confiance dans la vie publique, outre celles qui pourront être contenues dans le projet de loi constitutionnelle, font défaut.

A. Le statut du parquet
Le Gouvernement a annoncé une réforme constitutionnelle pour assurer l’indépendance de l’institution judiciaire ; un certain nombre de dispositions du statut des magistrats, qui relèvent de la loi organique, doivent être modifiées, en cohérence avec les objectifs de cette réforme.
Ces dispositions, si elles n’étaient pas modifiées, laisseraient subsister des obstacles à l’indépendance des magistrats, et ont de ce fait un rapport direct avec les autres dispositions du projet de loi organique pour le rétablissement de la confiance dans l’action publique.
L’article 4 de l’ordonnance de 1958 prévoit que les magistrats du siège sont inamovibles. Il est indispensable, a minima, que, comme ceux du siège, les magistrats du parquet ne puissent faire l’objet d’une mutation d’office, en l’absence de toute procédure disciplinaire. Le Syndicat de la magistrature souhaite que leur inamovibilité soit inscrite dans la loi organique.

Le gouvernement ayant annoncé son intention, dans la réforme constitutionnelle qui interviendra à l’automne, d’aligner les conditions de nomination et d’exercice des poursuites disciplinaires concernant les magistrats du parquet sur celles du siège, admettant ainsi la nécessité de garantir l’indépendance fonctionnelle de tous les magistrats composant le corps, aucun argument ne peut venir à l’appui d’un traitement différencié quant à la règle de l’inamovibilité.
L’article 5 de l’ordonnance de 1958 dispose actuellement que les magistrats du parquet sont “placés sous la direction et le contrôle de leurs supérieurs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des Sceaux, ministre de la Justice. A l’audience, leur parole est libre”.
Depuis la loi du 25 juillet 2013, Le ministre de la Justice ne peut plus adresser aucune instruction dans des affaires individuelles. Il définit et conduit la politique pénale, et peut pour ce faire adresser des instructions générales aux magistrats.
Du fait de cette modification, la référence à une soumission des magistrats du parquet à l’autorité du garde des Sceaux, qui ne correspond aucunement à la réalité des rapports résultant des textes, doit être supprimée ; cette modification sera aussi en cohérence avec la modification attendue de l’article 65 de la Constitution pour que le CSM, comme il le fait pour les magistrats du siège, statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet, et ne soit pas cantonné à une rôle d’avis au garde des Sceaux.
Concernant l’autre versant de l’article 5, le Syndicat de la magistrature ne remet pas en cause le principe hiérarchique au sein du parquet, mais conteste l’interprétation très caporaliste qui en est faite en pratique. Il est en effet de plus en plus fréquent, dans de nombreux parquets, d’imposer aux substituts et vice-procureurs une autorisation de leur supérieur hiérarchique pour ouvrir une information judiciaire, ou faire appel, et de leur faire signer les réquisitoires définitifs en matière criminelle notamment. Il n’est pas non plus inhabituel de voir des parquetiers dessaisis quand leur décision ne convient pas à leur hiérarchie souvent sollicitée par les autorités locales ou par les responsables locaux de forces de sécurité.
La Cour de cassation a pourtant appliqué le principe de l’indivisibilité des parquets en énonçant, dans un arrêt du 3 juillet 1990, que le parquetier “puise en sa seule qualité, en dehors de toute délégation de pouvoir, le droit d’accomplir tous les actes rentrant dans l’exercice de l’action publique”.
Dès lors, des règles claires, définies à l’avance, doivent présider à la répartition des dossiers au sein du parquet. En effet, s’il suffit au procureur de reprendre un dossier à un substitut, sans avoir à le motiver par écrit, cette pratique discrète, qui pourra satisfaire notamment le pouvoir exécutif, induit des atteintes à l’indépendance de la justice judiciaire, par une immixtion à bas bruit du pouvoir exécutif dans les décisions prises.
Il convient donc de sanctuariser le principe consacré par la Cour de cassation en l’introduisant dans le corps de l’article 5 de la loi organique relative au statut des magistrats, car il constitue le corollaire du principe hiérarchique au sein du parquet et une garantie de son indépendance véritable. Ce principe doit par ailleurs être décliné dans la loi en déterminant des règles claires présidant à l’attribution et au dessaisissement des dossiers et en pensant enfin le statut du substitut au sein des parquets.

B. La levée du verrou de Bercy
Dans un souci d’égalité des citoyens devant la justice et devant l’impôt notamment, le verrou de Bercy, système donnant a ? l’administration fiscale la main sur les poursuites pénales en matière fiscale, doit être supprime ?. L’action du procureur de la République est en effet placée dans ce domaine sous la dépendance de l’administration : les poursuites ne peuvent être engagées par le ministère public sans l’autorisation préalable du ministre du Budget. Cette disposition a certes été validée par le Conseil constitutionnel en juillet 2016, saisi sur question prioritaire de constitutionnalité ?, mais parce qu’il a considéré notamment que la principale victime de la fraude fiscale était le Trésor public...
Il est temps que cette condition préalable a ? l’engagement des poursuites pour fraude fiscale soit supprimée et que le parquet puisse enfin exercer dans ce domaine la plénitude de ses attributions sans intervention du pouvoir exécutif.

C. La suppression de l’immunité parlementaire pour les actes détachables des fonctions
L’article 26 de la Constitution prévoit qu’aucun membre du parlement ne peut faire l’objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du bureau de l’assemblée dont il fait partie sauf en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation devenue définitive.

Dans ces conditions, pour les enquêtes préliminaires visant des élus du Parlement, l’enquête ne peut se poursuivre si le députe ? ou sénateur vise ? choisit de ne pas se rendre à une convocation des forces de l’ordre ou du juge, sauf levée de cette immunité par le bureau de l’assemblée qui constitue une procédure de nature à ralentir le cours de la justice.

Rien ne justifie cette immunité ? pour les actes détachables de l’exercice des mandats des parlementaires. Il convient donc de modifier la Constitution sur ce point.

D. Le renforcement des dispositifs de déclaration devant la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
Les membres du gouvernement et les parlementaires sont dans l’obligation d’effectuer une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêt auprès de la Haute Autorité ? pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Cette dernière est devenue depuis sa création un outil dont l’utilité n’est plus à démontrer, sur le plan de la prévention des situations de conflits d’intérêt, et de la détection des cas litigieux, l’efficacité ? du dispositif reposant sur la sanction de la déclaration inexacte ou incomplète.

Le dispositif doit être renforce ? concernant les points suivants :

S’agissant des déclarations d’intérêts, l’article 4 de la loi du 11 octobre 2013 oblige les membres du Gouvernement a ? effectuer dans les deux mois de leur nomination une déclaration auprès du président de la HATVP, les députes devant faire de même en vertu du l’article LO135-1 du code électoral. Ces dispositions déterminent les éléments qui doivent faire l’objet de déclaration. Devrait entre ajoutée a ? cette liste l’obligation de déclarer la nature, la valeur, l’origine et le motif de tout avantage gratuit (cadeau, invitation, ristourne...) reçu au cours des cinq années écoulées et dépassant un certain seuil qui pourrait entre fixe ? a ? 1500 euros. Cet ajout inciterait les élus a ? la prudence concernant les "cadeaux" qu’ils peuvent recevoir et permettrait de sanctionner pénalement en tant que tel le cadeau non déclare ?, sans avoir à ? rechercher une contrepartie occulte, parfois difficile à ? objectiver immédiatement et/ou a ? relier formellement au "cadeau". Des exemptions pourraient entre prévues pour les cadeaux reçus par des proches - parents et allies jusqu’au deuxième degré ? inclus, par exemple. Cette disposition permettrait – à ? toutes fins utiles – de rappeler un fait essentiel : recevoir des cadeaux couteux de personnes qui ne sont pas des proches lorsqu’on est un responsable public n’est pas anodin.
S’agissant de la valeur des biens immobiliers figurant dans la déclaration de situation patrimoniale, il appartient a ? la HATVP de les vérifier. Elle est malheureusement loin de le faire systématiquement. Il est nécessaire de prévoir qu’elle soit non seulement en capacité ? de faire une vérification systématique de cette évaluation, mais aussi de mesurer l’évolution de ce patrimoine au cours du mandat et la possibilité d’enquêter sur les facteurs explicatifs de l’enrichissement éventuel. En effet, la publicité ? des patrimoines ne permet pas à ? elle seule de lutter contre la corruption.

E. Le renforcement de la traçabilité sur l’action des lobbyistes
Le lobbying ne peut être considéré comme un outil du débat démocratique que s’il répond a ? des garanties de transparence.

Concernant la visibilité de l’activité des représentants d’intérêts (lobby) auprès des élus, la loi dite Sapin II a œuvre ? pour davantage de transparence en instaurant un registre des représentants d’intérêts.

Cependant, la loi s’arrête au milieu du gué : si les représentants d’intérêts doivent rendre publics les thèmes sur lesquels ont porté leurs actions, ils n’ont pas à rendre publiques les positions défendues, ils n’ont pas l’obligation de dévoiler l’identité des parlementaires, des ministres et des conseillers ministériels qu’ils rencontrent et par ailleurs les informations ne seront renseignées dans le registre que trois mois après la clôture des comptes.

Il est donc nécessaire de renforcer le dispositif mis en place en permettant à tous d’avoir accès a ? l’agenda des rencontres entre élus et représentants d’intérêt et d’avoir connaissance des documents transmis. Ce n’est qu’a ? ces conditions que le registre instaure ? ne constituera pas un simple annuaire insusceptible d’entre un outil pour s’assurer du processus de la fabrication de la loi mais bien un levier pour que soient visibles les interactions existant entre les lobbyistes et les responsables publics.

Dans le même ordre d’idée, les « portes étroites » déposées devant le Conseil constitutionnel, argumentaires remis à ? l’occasion d’une saisine de cette institution, devront entre rendues publiques.

F. L’abrogation du dispositif de convention de compensation d’intérêt public et la consécration du reporting public pays par pays
La confiance dans l’action publique ne peut se concevoir qu’en lien avec la moralisation de la vie économique. D’abord parce que l’exigence de moralisation ne s’arrête évidemment pas à la porte du secteur privé. Ensuite parce que certains acteurs économiques jouissent justement, grâce à leur position dominante, de liens privilégiés avec certains élus. Moralisation de la vie publique et moralisation de la vie économique sont donc, fort justement, liées dans l’esprit du public.

Il est nécessaire de revenir sur le dispositif de convention de compensation d’intérêt public qui permet au parquet, avant la mise en mouvement de l’action publique, de proposer une transaction a ? la personne morale. Cette transaction permet aux grandes entreprises, sous réserve de la mise en œuvre de pénalités financières certes importantes, d’échapper aux poursuites pénales et donc aux conséquences d’un procès et d’une condamnation publics.

De même, la loi doit consacrer le reporting public pays par pays afin d’obliger les grandes entreprises a ? déclarer un certain nombre d’indicateurs économiques et fiscaux dans chacun des pays ou ? elles exercent une activité, dans un souci de lutte contre l’évasion fiscale.

G. L’abrogation du délai butoir de 12 ans prévu par la loi du 27 février 2017 en matière de prescription des délits dissimulés
La loi du 27 février 2017 a consacré le principe jurisprudentiel du report du point de départ du délai de prescription en matière d’infractions occultes ou dissimulées. Elle a cependant instaure ? un délai butoir de 12 ans a ? compter de la commission de l’infraction, en contradiction totale avec la logique de ce report de la prescription. Les conditions dans lesquelles ce délai butoir a ente ? introduit dans le texte en discussion témoignent d’ailleurs de l’intention de ses auteurs. Ce délai trouvera a ? s’appliquer en matière économique et financière et concernent notamment les infractions du champ de la moralisation de la vie publique qui sont le plus souvent, par nature, re ?ve ?le ?es très tardivement. Il convient donc de supprimer ce délai butoir.

H. L’extension de la protection des lanceurs d’alerte
Il est nécessaire d’entendre la protection des lanceurs d’alerte qui ont permis de révéler notamment les derniers scandales fiscaux. En effet leur droit à bénéficier d’une protection est restreint aux faits présentant des risques ou préjudices graves pour l’environnement, pour la sante ? ou la sécurité ? publique. Il conviendra de la permettre aussi pour les affaires d’optimisation fiscale agressive par exemple.

A ce titre, la directive européenne dite « Secret des affaires », qui pose le principe du secret et la transparence comme exception place les lanceurs d’alerte dans une position insuffisamment protectrice.

Conclusion : La nécessité de prévoir des moyens des services d’enquête à la hauteur des enjeux

Selon le rapport 2016 de la Commission européenne pour l’efficacité ? de la justice (CEPEJ), la France consacrait a ? la justice 64,10 euros par habitant en 2014, la ? ou ? l’Espagne lui consacrait 88 euros et l’Allemagne 108,90. Malgré ? une augmentation de son budget, le système judiciaire français reste l’un des plus mal dotes de l’Union européenne.
Dans un contexte de pénurie ge ?ne ?ralise ?e, le traitement des affaires économiques et financières reste le parent pauvre de la justice pénale qui s’intéresse majoritairement aux auteurs de petits délits considérés comme plus attentatoires à ? l’ordre public.

Les gouvernements successifs ne se sont pas souciés des moyens des services d’enquêtes dans cette matière, tarissant dès l’origine la prise en compte de ce champ du droit pénal.

Il n’y aura donc pas de réforme efficace sans y associer les moyens que nécessitent sa mise en œuvre. Aussi, il est nécessaire de renforcer significativement les services de police spécialisés en matière économique et financière et de lutte contre la corruption (Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières, brigade financière, brigade de répression de la délinquance économique...). Le nombre des enquêteurs spécialisés est très insuffisant, ces services sont surchargés de manière chronique entrainant des délais d’enquête trop longs. Actuellement c’est l’insuffisance des effectifs de ces services enquêteurs qui pose problème plus encore que ceux du parquet financier.

Par ailleurs, au sein de l’institution judiciaire, dans les services spécialisés - pôle financier, section financière du parquet de Paris, parquet national financier, juridictions interrégionales spécialisées - il est nécessaire de favoriser le recrutement d’assistants spécialisés ayant des compétences très spécifiques par exemple dans le domaine des marchés publics.
Favoriser la mobilité ? de magistrats des chambres régionales des comptes au parquet national financier serait également une piste a ? envisager.

Enfin, si la loi du 9 décembre 2016 dite Sapin II relative a ? la transparence, a ? la lutte contre la corruption et a ? la modernisation de la vie économique a créé ? une Agence française anti-corruption a ? compétence nationale, dont les moyens d’action sont étendus par rapport au Service central de lutte anti-corruption qui l’a pre ?ce ?de ?e, sa tutelle par les ministres de la Justice et des Finances n’est pas acceptable.

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