Rapport Lescure : le (...)

Rapport Lescure : le statut de l’hébergeur à maintenir

Dans le cadre de l’ « acte II de l’exception culturelle », Pierre Lescure consacre une partie de son rapport, remis le 13 mai dernier, à une réflexion sur l’implication des intermédiaires de l’Internet dans la lutte contre la contrefaçon [1] , notamment des hébergeurs.

Depuis l’adoption de la loi pour la Confiance dans l’économie numérique, en 2004, force est de constater au quotidien, dans notre pratique d’avocat spécialisé en droit des technologies, les difficultés liées au statut et à la responsabilité de l’hébergeur.

L’hébergeur est défini, à l’article 6.I.2 de cette loi, comme la personne physique ou morale qui assure, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par les services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature, fournis par des destinataires de ces services. Il s’agit, par exemple d’opérateurs tels que Dailymotion.

L’hébergeur se distingue ainsi de l’éditeur d’un site Internet par son absence de rôle actif sur les contenus stockés, transmis ou publiés. Au regard de cette spécificité, il bénéficie d’une responsabilité civile et pénale aménagée pour tenir compte de son rôle essentiellement technique vis-à-vis des contenus hébergés.

Ainsi, la responsabilité des hébergeurs ne peut être engagée s’ils n’ont pas, effectivement, connaissance du caractère illicite des contenus stockés ou si, dès le moment où ils en ont eu connaissance, ils ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.

En d’autres termes, seule l’absence de réaction de l’hébergeur, quand il connait effectivement le caractère manifestement illicite d’un contenu , est susceptible d’engager sa responsabilité.
Dans la pratique, la difficulté du rôle qui lui est ainsi assigné réside dans l’appréciation de la licéité des contenus qui lui sont notifiés : il est partagé entre, d’une part une demande présentée comme légitime par un ayant-droit, et d’autre part, l’intérêt de son propre client. Etant entendu que ces deux intérêts sont bien souvent divergents et que, informés des arguments de l’une et l’autre des parties, l’hébergeur se trouve fréquemment placé dans un rôle d’arbitre difficile à assumer. Ce n’est que face à des contenus présentant un caractère manifestement illicite (pédopornographie, injures raciales ou homophobes, etc) qu’il voit cette tâche facilitée.

Toutefois, en dépit de ces difficultés, il semble qu’un équilibre ait été, au fil du temps, trouvé par les hébergeurs, puisque seule une infime partie des notifications qu’ils reçoivent, les conduit finalement à répondre de leur responsabilité devant un juge. Il s’agit, le plus souvent, de dossiers dans lesquels les ayants-droits ne connaissent pas les spécificités résultant de la loi pour la Confiance dans l’économie numérique quant au régime spécifique de responsabilité des hébergeurs. Il s’agit aussi d’hypothèses dans lesquelles une confusion est opérée par les ayants-droits, ou même parfois par les juges chargés de statuer dans de tels contentieux, entre les différentes notions tournant autour de la définition de l’hébergeur donnée dans la loi précitée.

Pour une démarche proactive des hébergeurs

Tout particulièrement, il apparaît aujourd’hui souhaitable de distinguer d’une part, les hébergeurs d’infrastructures techniques, qui mettent à disposition de leurs propres clients des serveurs que ces derniers administrent librement et qui répondent à la définition d’hébergeur ou des espaces de stockage, comme c’est le cas dans les offres de cloud computing, permettant de stocker des fichiers ou données en ligne et, le cas échéant, de les partager, des hébergeurs de contenus, d’autre part, et répondant à la définition légale de l’hébergeur.

On partage, à cet égard, les réflexions du rapport Lescure plaidant en faveur d’une non-refonte globale du statut d’hébergeur, mais encourageant le développement de bonnes pratiques en la matière, fondées sur une démarche proactive des hébergeurs.

Une telle démarche semble, en effet, pouvoir passer par la conclusion d’accords avec les titulaires de droits, destinés à leur permettre d’être partie prenante dans la lutte contre la contrefaçon (au titre notamment des difficultés liées à la réapparition de contenus contrefaisants). Mais également la modification de leurs conditions d’utilisation de manière à décourager l’utilisation de leurs services à des fins de contrefaçon, et la mise en place de dispositifs de détection automatique des contenus illicites, sur le modèle de la technologie signature développée par l’Institut national de l’audiovisuel (outil de reconnaissance automatique des contenus audiovisuels reposant sur la comparaison d’une empreinte candidate à une base d’empreintes de référence).

Visuel : Photos Libres

[1Voir notre article précédent : « Le rapport Lescure et la responsabilité des intermédiaires de l’Internet »

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