Réchauffement climatique

Réchauffement climatique et responsabilité éthique des entreprises

Du 30 novembre au 11 décembre s’est tenue à Paris la 21ème Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, la COP 21, qui a réuni des représentants de 195 pays parties à la Convention cadre des Nations Unies.

L’objectif majeur de la conférence était d’aboutir à un accord contraignant permettant de limiter le réchauffement climatique à un maximum de +2° Celsius et d’allier croissance et développement durable.
Lors des révolutions industrielles respectives des pays développés, ceux-ci ont contribué au réchauffement climatique notamment par l’utilisation massive de charbon et autre polluants qui accentuent l’effet de serre. Les pays en voie de développement n’ayant pas accès aux énergies nouvelles et moins polluantes se retrouvent contraints de faire face à leurs propres révolutions industrielles avec des moyens limités par de multiples accords internationaux.

Les parties à la conférence visaient donc une limitation du réchauffement climatique et ils ont réussi avec succès ce samedi 11 décembre à parvenir à un accord, qui aspire à limiter le réchauffement à 1,5° Celsius. Parmi les participants de la conférence, il est possible de noter la présence de certains pays comme la Chine, qui figure parmi les plus pollueurs au monde, et qui se sont dès lors impliqués.

L’efficacité de l’accord conclu le week-end dernier semble toutefois fragilisée lorsque l’on en regarde attentivement les clauses, qui ne prévoient pas d’objectif chiffré en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. De plus l’adhésion à l’accord se fait de manière volontaire et, actuellement, les experts n’ont pas encore clairement déterminé la quantité d’émissions de gaz à effet de serre qu’il faudrait produire pour limiter le réchauffement climatique à l’objectif prévu. Il s’agira donc de voir dans les prochaines années quelles mesures seront prises pour restreindre les activités polluantes par les différents acteurs concernés.

Les Etats sont des acteurs importants de cette lutte, mais il faut également noter la participation active de nombreuses entreprises, notamment de grands groupes ainsi que des partenaires français tels que La Poste, EDF et bien d’autres.
Certains dirigeants de groupes multinationaux ont profité de la conférence pour créer une coalition pour les énergies propres. Ainsi, Bill Gates (Microsoft) et Mark Zuckerberg (Facebook) ont annoncé lors de l’ouverture de la COP 21 leur projet de coalition qui tend à favoriser l’accès aux énergies propres et renouvelables par le développement de nouveaux outils. Le fond, dont le montant n’est pas public, financera les recherches pour ces outils qui permettraient de développer largement l’utilisation d’énergies non polluantes et qui ne produisent pas de carbone.

La participation des entreprises est fortement souhaitée de par leur capacité à financer et concrétiser des projets essentiels pour lutter contre le réchauffement climatique et promouvoir le développement durable. Il faut cependant faire attention à ce que cette stratégie constitue un réel investissement pour l’environnement et non pas comme une méthode d’attraction des consommateurs sous forme de publicité.

Ce qui est appelé « greenwashing », ou éco blanchiment, désigne des procédés de marketing utilisés par les entreprises afin de promouvoir leurs activités écologiques et les engagements pris afin de respecter l’environnement. L’entreprise fait diffuser des publicités mettant en avant ses activités et les modifications de celles-ci afin qu’elles soient plus en conformité avec les normes écologiques. Dans le contexte actuel de la COP 21, la grande majorité des consommateurs a d’ores et déjà pris conscience de l’importance des enjeux environnementaux et climatiques. Les entreprises utilisant ces procédés comptent bénéficier des retombées positives de la publicité. Leur engagement véritable pourrait cependant parfois apparaître quelque peu opaque ou douteux.

Certaines sociétés de restauration rapide, tels que McDonald’s, entreprennent des investissements significatifs dans leurs projets marketing, afin de présenter l’entreprise comme étant « eco-friendly » (comprendre « ami de l’environnement »). Certains franchisés opèrent des changements radicaux de présentation même du restaurant, en mettant en avant l’importance de l’écologie et du développement durable sous forme d’exposés pour que les clients puissent lire tout en consommant leur plat. Or, la promotion de l’écologie dans un restaurant pourrait amener un consommateur à penser, à tort, que ce qu’il mange est issu d’un système respectueux de certaines normes.

La promotion de l’écologie et du développement durable est présente partout dans nos villes en guise de stimulation de la population alors que les retombées économiques de cette publicité ne sont pas systématiquement réinvesties dans la recherche et le développement de nouveaux outils et systèmes de production.
Ainsi, l’utilisation d’outils marketing mettant en avant l’importance de la protection de l’environnement et la présentation de quelques efforts de l’entreprise tels que le recyclage masquent parfois la réalité des activités de l’entreprise et leur manque d’intérêt pour l’environnement.

L’utilisation abusive, voire mensongère, de ce type de publicité permet aux entreprises de véhiculer une image positive. A l’heure actuelle, aucune disposition législative ne permet de lutter efficacement contre ces outils marketing. L’Observatoire indépendant de la publicité milite en faveur d’un contrôle efficace des publicités pour l’environnement. Il est important pour le consommateur de distinguer les entreprises qui adoptent un comportement « vert » par rapport à celles qui détournent l’argument écologique.

Dans cette logique, est-il possible d’engager la responsabilité d’une entreprise pour défaut de prise en considération du développement durable ? Les entreprises engagent leur responsabilité sociétale lorsqu’elles intègrent de manière spontanée et volontaire des considérations notamment environnementales dans leurs activités. Un décret de 2013 détermine par exemple un seuil à partir duquel un audit énergétique est obligatoire pour les activités qu’exerce la société sur le territoire français.

Le concept de responsabilité sociétale se faisant sur la base du volontariat, aucune obligation n’est faite aux entreprises de se conformer à certaines mesures spécifiques. Le choix d’orienter son activité afin de promouvoir la protection de l’environnement relève de la bonne volonté de la société concernée. Néanmoins, dès lors qu’elle s’est engagée, la société peut être tenue responsable si elle fait défaut à ses obligations, permettant à des tiers d’agir dans le cadre de l’exécution d’une promesse unilatérale.

Les sociétés sont donc au même titre que les Etats des acteurs nécessaires à la protection de l’environnement dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’accord conclu lors de la COP 21, ainsi que les systèmes de responsabilité sociétale des entreprises, bien qu’étant mis en place sur la base du seul volontariat, permettent d’engager la responsabilité des acteurs dès lors qu’ils se sont soumis de leur plein gré à certaines conditions. Si la prise de conscience de la nécessité de protéger notre environnement semble être universelle, il existe toutefois une certaine responsabilité morale des entreprises, des Etats et des autres acteurs, à agir en faveur de la préservation de notre planète.

Par Anne-Marie PECORARO
Avocat, Cabinet Turquoise
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