Rendre la médiation administrative plus efficace : "une responsabilité partagée" pour Amaury Lenoir du TA de Nice
- Par Valérie Noriega --
- le 24 avril 2024
La médiation s’impose progressivement comme un outil majeur dans le règlement des litiges administratifs. Les textes législatifs la prescrivent désormais comme une étape incontournable avant tout jugement. Cependant, sa mise en œuvre rencontre plusieurs défis, notamment celui de l’acceptation par les parties concernées. Au tribunal administratif de Nice, malgré une augmentation des propositions de médiation, le taux d’acceptation reste relativement faible. Amaury Lenoir, Référent médiation du tribunal administratif de Nice, Délégué national à la médiation pour les juridictions administratives a dressé un bilan de la médiation admnisitrative menée au TA de Nice en 2023 et propose des pistes d’amélioration à partager entre tous les acteurs.
Dans un document partagé sur Linkedin le 18 avril, Amaury Lenoir détaille en chiffres le bilan des médiations administratives au TA de Nice l’année passée : "En 2023, le tribunal administratif de Nice a proposé 216 affaires à la médiation (contre 111 propositions en 2022). Seules 6 juridictions administratives ont fait mieux l’an passé. Parmi ces 216 affaires proposées à la médiation, 71 ont effectivement été conduites en médiation (taux d’acceptation de nos propositions de médiation compris entre 35 et 40%). Ainsi, nous avons pu atteindre notre objectif médiation de 2023 lequel consistait à engager au moins 70 médiations. C’est donc, en soi, une belle performance dont nous pouvons nous réjouir. Toutefois, cela s’avère largement insuffisant au regard du potentiel existant." Pour améliorer cette situation, plusieurs actions ont été entreprises. D’abord, le recours à des propositions de médiation « fléchées » a été généralisé, permettant une meilleure identification des médiateurs potentiels dès le début du processus. De plus, un vivier local de médiateurs compétents a été constitué, segmenté par domaines contentieux, renforçant ainsi leur acceptabilité et leur efficacité. Par ailleurs, les magistrats ont été encouragés à proposer davantage d’affaires à la médiation, avec des objectifs définis. "Durant l’année 2023, le tribunal administratif de Nice a enregistré plus de 6 000 affaires. Si l’on met de côté certains contentieux qui ne se prêtent pas, ou que très peu, à la médiation (sur le fond comme sur la forme), ce sont plus de 3 000 affaires qui auraient pu être proposées à la médiation, du moins, où l’opportunité d’une médiation aurait dû être appréciée. Nos 216 affaires proposées à la médiation font ainsi pâle figure" analyse Amaury Lenoir.
Des pistes d’amélioration
"Les avocats peuvent et doivent être force de proposition"
Amaury Lenoir souligne que la responsabilité de promouvoir la médiation ne revient pas qu’aux tribunaux. Les avocats sont également invités à jouer un rôle proactif dans la proposition de médiation à leurs clients, favorisant ainsi une approche amiable des litiges. "Aujourd’hui, les acteurs du procès administratif (administrations, collectivités, élus, avocats et professionnels du droit, magistrats et greffiers, etc.) n’ont encore qu’une conception très partielle, souvent traditionnelle et parfois même caricaturale du processus de médiation et des compétences du médiateur. La médiation souffre encore d’une image insuffisamment professionnelle et, de fait, le « réflexe médiation » escompté est encore loin d’être une réalité dans les différentes sphères et strates concernées par les litiges et les contentieux administratifs. Bien sûr, l’acculturation médiation voulue, promue et portée depuis 2016 par les juridictions administratives et certains de leurs partenaires en médiation (CNB, barreaux, centres et associations de médiation, etc.) a permis de faire bouger un temps soit peu les lignes. Toutefois, les réticences, les réserves et les clichés sont encore trop nombreux. Un constat s’impose, en toute humilité : la médiation souffre encore d’un déficit de reconnaissance dans la sphère administrative".
Avec un engagement fort de la communauté des avocats, le tribunal administratif de Nice devrait pouvoir proposer beaucoup plus d’affaires à la médiation et, plus encore, permettre à un nombre bien plus conséquents d’affaires d’être effectivement conduites à la médiation.
Les administrations et les collectivités doivent s’approprier l’outil « médiation »
De même, les administrations et collectivités doivent s’approprier l’outil de médiation, en développant des politiques favorables et en désignant des référents médiation. Pour le Référent médiation du tribunal administratif de Nice "le tribunal administratif de Nice appelle de ses voeux la nomination d’un(e) référent(e) médiation au sein de chaque administration et collectivité du ressort, à même de pouvoir devenir notre interlocuteur médiation. Certaines administrations (Préfecture des Alpes Maritimes, Académie des Alpes Maritimes, CAF des Alpes Maritimes) et certaines collectivités (ville de Nice, Métropole Nice Côte d’Azur, Département des Alpes Maritimes) ont déjà désigné un tel interlocuteur ou référent médiation au sein de leurs effectifs. Ceux-ci sont, en outre, les interlocuteurs privilégiés de la juridiction en matière de médiation, notamment du référent médiation du tribunal. Dans la pratique, cela renforce considérablement nos actions respectives et conjointes dans ce domaine. En matière de propositions de médiation notamment, les échanges sont plus nombreux, plus fluides, plus simples et surtout plus efficaces, conduisant à un nombre plus conséquent de propositions de médiation et plus encore, à un nombre grandissant de médiations effectivement acceptées et engagées. Le tribunal et ses partenaires en médiation se tiennent à l’écoute des administrations et collectivités du ressort intéressés par cette démarche ou susceptibles de l’être".
Les médiateurs doivent créer l’opportunité de la médiation
Les médiateurs eux-mêmes doivent contribuer à promouvoir la médiation en améliorant leur visibilité et en renforçant leur compétence administrative. Pour Amaury Lenoir "aucune association de médiation « spécialisée » dans la sphère administrative n’existe à ce jour dans le département. En écho à la récente création de l’Association des Médiateurs Administratifs (AMA), une Association Maralpine des Médiateurs Administratifs (AMMA) ou la création d’une branche « médiation administrative » forte au sein de l’une des associations locales existantes apporterait beaucoup à la structuration, à la professionnalisation et à la promotion de la médiation administrative dans le ressort du tribunal administratif de Nice".
Une coopération étroite entre tous les acteurs est essentielle pour faire de la médiation un véritable levier de résolution des litiges administratifs.